La santé mentale des personnels hospitaliers s’est dégradée depuis la pandémie de Covid-19. Le constat, que martèlent les professionnels de santé depuis des mois, vient d’être à nouveau confirmé par la publication d’une étude de la Direction de la recherche, de l’évaluation, des études et des statistiques (DREES)*. Celle-ci démontre que leur santé mentale est nettement moins bonne que celle de l’ensemble des autres actifs.
Dépression et anxiété plus présentes chez les hospitaliers
Au sein des hospitaliers s’observe ainsi « une prévalence accrue de la dépression et de l’anxiété », remarque la DREES. 41% d’entre eux ont ainsi remonté des symptômes de dépression légère à sévère, contre 33% pour le reste des personnes en emploi. Sont notamment listés un peu d’intérêt ou de plaisir à faire les choses, de la tristesse, des difficultés de concentration ou encore la fatigue ou le manque d’énergie, avec une prévalence de ces derniers et de troubles du sommeil. « Toutefois, les symptômes de dépression sévère ne sont pas plus fréquents à l’hôpital », nuance-t-elle. Ce sont en réalité ceux associés à une dépression légère ou modérée qui sont plus fréquents chez ces professionnels (38% contre 30% pour les autres). Même chose pour l’anxiété (sentiment de nervosité, « inquiétude excessive à propos de différentes choses », agitation, irritabilité…), qui se manifeste chez 28% des hospitaliers, contre 22% parmi l’ensemble des personnes en emploi. Ces symptômes ont de réelles conséquences sur le quotidien de ces professionnels : travail ou accomplissement des tâches à la maison, ou capacité à s’entendre avec les autres rendus difficiles, voire extrêmement difficiles.
Les personnes travaillant à l’hôpital déclarent davantage que l’ensemble des personnes en emploi avoir besoin d’aide pour des difficultés psychologiques.
Corollaire de ces chiffres, « les personnes travaillant à l’hôpital déclarent davantage que l’ensemble des personnes en emploi avoir besoin d’aide pour des difficultés psychologiques (26 % contre 19 %) », relève la DREES. 11% du personnel hospitalier indique ainsi avoir consulté pour la première fois depuis mars 2020 pour des troubles de santé mentale, contre 7% parmi les personnes en emploi, et 26% estiment avoir besoin d’aide (contre 19% dans le reste de la population avec emploi) ; ils ont également consommé plus souvent des médicaments en lien avec des problèmes d’anxiété, de sommeil ou de dépression (10% à l’hôpital, contre 8%).
Le personnel de l’hôpital est exposé à un niveau élevé de risques psychosociaux.
Des conditions de travail largement dégradées
Et ce sont les conditions de travail qui sont avancées pour expliquer cette prévalence chez les hospitaliers. Déjà peu réjouissantes avant la crise Covid, celles-ci se sont en effet largement dégradées à la suite des différentes vagues de l’épidémie. Si elle « a eu de forts impacts sur la santé mentale de la population en France » de manière générale, les professionnels hospitaliers ont de leur côté été « soumis à une intensification de la charge de travail », écrit ainsi la DREES, à laquelle s’est par ailleurs ajoutée la crainte d’être contaminés par le virus. Sont également pointées l’incitation à repousser, voire à ne pas prendre, de congés, ou encore l’apparition de tensions au sein des équipes. Mais c’est surtout la difficulté à concilier la vie personnelle et la vie professionnelle que remontent les personnels hospitaliers, dont la prévalence est bien supérieure à celle observée chez les autres personnes en emploi : 42% contre 26%.
« Le personnel de l’hôpital est en effet exposé à un niveau élevé de risques psychosociaux. En particulier, les situations de tension au travail comportant une demande psychologique forte et une latitude décisionnelle faible, identifiées comme accroissant ces risques, sont plus fréquentes à l’hôpital », constate la DREES. Et « plus les personnes en emploi accumulent des conditions de travail qui les exposent à des situations augmentant les risques psychosociaux, plus le score de dépression est augmenté », rappelle-t-elle.
Un autre facteur vient jouer sur le score élevé de dépression : « la féminisation très importante de l’emploi à l’hôpital. » Surreprésentées « dans les métiers de premières lignes » et soumises par ailleurs à « une inégale répartition des tâches domestiques », les femmes travaillant à l’hôpital ont en effet vu leur santé mentale se dégrader plus nettement que les hommes : 40% d’entre elles déclarent des symptômes de dépression, contre 27% chez les hommes. « Or l’hôpital compte une large majorité de femmes dans son personnel (78 %), alors qu’elles représentent un peu moins de la moitié des personnes en emploi (48 %) », précise la DREES. À noter que les facteurs de pénibilité ou de conflits de valeur ne sont pas intégrés à l’enquête EpiCov, centrée sur l’intensification de la charge de travail et la notion d’insécurité.
Élaborée par l’INSERM et la DREES, en collaboration avec l’INSEE et Santé Publique France, l’enquête EpiCov a été mise en place en mai 2020 afin, notamment, de mesurer les impacts de la pandémie sur la santé mentale et les conditions de vie et de travail des Français. Elle s’est déployée en 4 volets, dont le troisième a été mené entre le 24 juin et le 6 août 2021, soit après le troisième confinement, auprès de 85 000 répondants. Parmi eux, on dénombrait 2 900 personnes issues du secteur hospitalier. Comme les autres volets, il s’est appuyé sur un questionnaire comportant, entre autres, des questions relatives aux conditions de travail et aux risques psychosociaux.
Un environnement intrinsèquement réducteur de risques
Pour autant, nuance la DREES dans son rapport, une fois prises en compte les conditions de travail et les caractéristiques personnelles, « le fait de travailler à l’hôpital n’apparaît pas comme un facteur aggravant pour l’état de santé mentale ». Au contraire, il réduirait légèrement la prévalence de la dépression (-1 point). Quatre raisons l’expliqueraient. D’une part, si les conditions de travail peuvent effectivement être dégradées, elles constituent également des « ressources », à commencer par l’entraide et le sentiment d’utilité. D’autre part, les personnels hospitaliers seraient moins exposés à d’autres facteurs de risques psychosociaux, comme les nuisances sonores (27% à l’hôpital contre 33% parmi les personnes en emploi) ou l’obligation d’atteindre des objectifs chiffrés (14% contre 27%). Les hospitaliers feraient également preuve « d’une plus grande résilience à conditions de travail égales ». Enfin, ils présenteraient « des caractéristiques individuelles non observées associées à des risques plus faibles sur la santé mentale. » De quoi donc documenter un peu plus le ressenti des professionnels de santé, alors qu’Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, entend prendre la problématique à bras le corps.
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