Le mode d’exercice de la médecine est en train de changer dans notre pays. Cette évolution est plurifactorielle : la diminution du nombre de médecins, les disparités régionales en matière d’offre de soins, la féminisation de la profession et le vieillissement de la population avec une demande sociale en soins plus constante et exigeante (notamment en France) [1], [2].
Les USA ont vécu certaines de ces situations il y a déjà quelques années et ont tenté de s’adapter en faisant évoluer entre autre le rôle de l’infirmier.
Nous entendons parler en France de transferts de compétences, de pratiques avancées, du droit de prescription….Comme tout changement, il peut avoir des peurs, des mécontentements…
Comment cela se passe t il aux USA ? Qu’est ce que la pratique avancée (Advanced pratice) ?
1. ADVANCED PRACTICE AUX USA
Les infirmiers de pratique avancée sont des infirmiers diplômés d’Etat qui ont un niveau Master ou Doctorat en science infirmière.
Il existe quatre types de pratique avancée :
- Sage femme -Certified Nurse Midwife (CNM)
- Infirmière anesthésiste -Certified Registered Nurse Anesthetist (CRNA)
- Infirmière praticienne -Nurse practioner (NP)
- Infirmière clinicienne spécialisée -Clinical Nurse Specialist (CNS)
Pour entrer dans les programmes de spécialisation il est demandé (sauf pour NP) quelques années de pratique en temps qu’infirmier DE (Registered Nurse)
Certaines des spécialisations (sage femme et infirmiers anesthésistes) existent depuis plus d’un siècle et se rapprochent de celles que nous connaissons en France.
2. ROLE DE LA NP OU DE LA CNS
Historique
Les premières Nurses Practitioner ont été formées à l’Université du Colorado en 1960 en suivant un programme de niveau Master. A l’époque leur rôle était de répondre aux problèmes de santé primaire dans des zones rurales où la population médicale était quasi inexistante. C’était essentiellement de la santé publique dans le domaine de la pédiatrie avec beaucoup de prévention, éducation. La Nurse practitionner pouvait diagnostiquer traiter ou orienter vers une structure de santé secondaire.
Cette évolution n’a pas été très bien perçue de la part de la profession infirmière. En effet ce programme ne créait-il pas des « petits médecins » ? Ne reniait-il pas la spécificité de la prise en charge et le soin infirmier au seul profit de la prise en charge médicale ?
Au fil des années, les mentalités ont évoluées ainsi que les programmes de formations en permettant aux Nurses Practitioner d’imposer la spécificité de leur prise en charge.
Cette profession ne cesse d’augmenter : en 1992 il y avait 28000 NP et en 2000 plus de 95000 aux USA. [4]
Nurse practitionner
L’infirmière praticienne est de niveau Master. Il n’est pas obligatoire d’avoir une expérience d’infirmière DE avant d’entrer dans ce programme de formation.
La NP se spécialise parmi les disciplines médicales que l’on connait : soins infirmiers en gériatrie, oncologie, santé scolaire, psychiatrie, néonatalogie, infectiologie, cardiovasculaire, diabétologie etc.…
LA NP a le droit de prescription, interprétation des résultats biologiques. Elle peut travailler de façon totalement autonome ou bien le plus souvent en collaboration avec des médecins.
Elle est très présente dans des structures de santé primaire et sa prise en charge favorise alors la prévention, l’éducation des patients, le dépistage etc.…
Elle peut travailler aussi dans des cabinets de médecins pour le suivi des patients chroniques ou pour des prises en charge aigue simple.
Exemple :
- une NP dans un cabinet de cardiologues. Elle peut s’occuper de suivre les patients souffrant d’insuffisance cardiaque en adaptant les traitements en fonction des résultats biologiques.
- une NP dans un cabinet de gynécologues. Elle s’occupe des suivis réguliers des patients : prescription de pilule, frottis, éducation…
- une NP dans les plannings familiaux.
- une NP spécialiste dans tous les problèmes de cicatrisation à l’hôpital. Elle est la réfèrente pour le traitement des escarres ou pour les plaies nécessitant des soins particuliers.
Une étude dans le Journal of American Medicine Association en 2000 a montré qu’il n’y avait pas de différence en termes de qualité entre la prise en charge primaire d’un NP et d’un médecin [5].
Clinical Nurse Specialist
Une infirmière spécialiste clinicienne est au minimum de niveau Master. Tout comme la NP, son champ d’action est très vaste car il comprend toutes les disciplines médicales.
Son rôle peut être parfois difficile à différencier avec celui de la NP. Il faut garder en tête qu’elle est plus spécialisée dans le domaine du « nursing » et peut poursuivre sa carrière en faisant de la recherche en soins (nursing research) pouvant aller jusqu’à un doctorat.
Le rôle de la CNS :
- enseignement auprès des infirmières DE ou des étudiants infirmiers. La formation continue lors de la carrière est très valorisée.
- éducation thérapeutique des patients,
- pratique clinique infirmière
- recherche infirmière
- encadrement infirmière
- consulting en soins
Elles ont un rôle majeur dans l’amélioration des soins et des évolutions en soins infirmiers.
3. INTERET DES NURSE PRACTITIONER DANS LE SYSTEME DE SOIN
La pratique avancée permet une évolution intéressante pour les infirmiers qui désirent se spécialiser dans le panel des disciplines médicales.
Les infirmiers sont motivés à évoluer car cela est reconnu. Leur savoir sera mis à profit au sein du service et exploité. En général les infirmiers de pratique avancée pourront espérer un salaire plus élevé.
Du fait de ces évolutions qui donnent de plus en plus de responsabilité aux infirmiers mais avec une reconnaissance, le personnel de santé est plus motivé à évoluer. Ce qui est bénéfique pour la prise en charge des patients.
Aux USA, il y a moins de médecins qu’en France par rapport à la population : 3,4 médecins pour 1000 habitants en France contre 2,4 aux USA. [3] La présence d’infirmière de pratique avancée est donc très bénéfique pour le confort du patient et économiquement.
Ce que nous apporte la littérature sur ces pratiques :
Voici les résultats de certaines études faites aux USA sur la prise en charge des patients par des NP :
- Une étude publiée en 2007 par le Canadian Journal of Emergency Medical Care montre l’impact positif des NP dans les services des urgences aux USA pour le traitement des problèmes « simples » : morsure d’insectes mineure, prescription de pilules du lendemain, renouvellement d’ordonnances, brûlures mineures, ablation de fils, vaccination de tétanos, infection urinaires etc...
- Leur présence permet de réduire le temps d’attente aux urgences avec un niveau de qualité semblable à celui de médecin résidant. Les patients sont très satisfaits de leurs soins. [6], [8]
- Une autre étude publiée dans Research in Nursing and Health en 2007 montre les aspects positifs en néphrologie pour les patients dyalisés face à la pénurie de néphrologues. [7]
- Research in Nursing and Health a fait une autre étude en 2007 sur l’utilisation des barrières en maison de retraites pour la prévention des chutes et la présence d’infirmières de pratiques avancées. Il a été montré que dans les maisons de retraites où travaillaient des infirmières de pratique avancé il y avait plus d’alternative aux barrières afin d’éviter les chutes des patients. [9]
- Les travaux de Yann Bourgueil en 2005 dans Question d’économie de la Santé IRDES montre que les soins primaires ou soins ambulatoires peuvent être un lieu privilégié pour la pratique avancée infirmière avec la prévention, l’éducation, la coordination des soins. [10]
LES AUTRES PAYS D’EUROPE…
Les pratiques avancées se développent aussi en Europe depuis les années 80, notamment en Europe du Nord, notamment Suède, Danemark, Finlande, mais aussi plus récemment aux Pays Bas et en Allemagne. L’Espagne s’y intéresse également.
Bibliographie
- [1] Pratiques avancées, de quoi parlons-nous ?
- [2] transfert de compétence
- [3]Médecins en activité pour 1000 habitants, OCDE 2005
- [4]A comparaison of changes in the professional practice of nurse practitioners, physician assistants and certified nurses midwives between 1992 et 2000.
- [5]Primary care outcomes in patients treated by nurse practitionners or physicians JAMA. 2000;283:59-68
- [6]A systematic review of the impact of nurse practitioners on cost, quality of care, satisfaction and wait times in the emergency department. CJEM. 2007 Jul; 9(4):286-95
- [7]Nurse practitioners in the Northern Alberta Renal Program. CANNT J. 2007 Apr-Jun; 17(2):48-50
- [8]Attitude of emergency department patients with minor problems to being treated by a nurse practitioner. CJEM. 2004 Jul; 6(4):246-52
- [9]Description of an advanced practice nursing consultative model to reduce restrictive siderail use in nursing homes. Res Nurs Health. 2007 Apr; 30(2):131-40
- [10] La participation des infirmières aux soins primaires dans six pays européens en Ontario et au Québec. Questions d'économie de la santé IRDES n° 95. Juin 2005
Ségolène DOUTRIAUX Rédactrice Infirmiers.com segolene.doutriaux@infirmiers.com
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