Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

GRANDS DOSSIERS

« Bleu, blanc, rouge » : différents plans de secours

Publié le 23/11/2015
couloir d

couloir d

Les événements tragiques de ces derniers jours sont la triste occasion de parler des plans de secours. Que sont-ils ? Comment se montent-t-ils ? Comment s’articulent-ils ? Petite présentation d’une organisation dans laquelle nombre d’entre nous avons participé...

Tri des blessés, évacuation… Chaque Plan permet de répondre aux besoins organisationnels.

L’actualité tragique de ces derniers jours a mis à rude épreuve les services de secours. Et ce fut nécessaire. Une réaction en chaîne, qui accompagnée de spontanéité, a permis de remplir un peu plus les banques du sang mais aussi de renforcer les équipes de garde. A travers la presse et les réseaux sociaux, nombre de lectures relatent les renforts inattendus de multiples services souffrant du manque « normal » de personnels lors des attentats survenus le vendredi 13 novembre 2015 au soir. Rappelons que ces chaînes de secours et de survie commencent toujours par un coup de fil du célèbre passant qui passe. S’enchaînent ainsi, services après services, les acteurs d’une vaste organisation maintes fois répétées. Dans ces cas là, le sigle est roi et la coordination carrée. Rappel (ou découverte) d’un schéma bien huilé d’ORSEC* (ça y est, ça commence, on est dedans… et pour compliquer un peu les choses, à vous de deviner la signification des abréviations que vous retrouverez en bas d’article). Ce plan est un document unique présent chez toutes les directions secours et toutes les autorités, quels que soient leurs niveaux. Il décrit page après page les modalités générales d’organisation et de gestion d’une crise. Des fiches précisent par type d’incident ou d’accident les mesures spécifiques à mettre en place. Elles renseignent aussi bien des SMV* , des ACEL* que des catastrophes naturelles ou des ruptures (énergie, alimentation, eau potable…).

Le déroulé

À la réception d’une ou d'une multitude d’alertes, un ou plusieurs moyens sont engagés, souvent secouristes, et encore plus souvent pompiers. Le 1er chef d’équipe sur place est dénommé COS*. Celui-ci, devant l'ampleur de l’événement, informe immédiatement son PC* ou CO* et pourra demander des renforts ou les moyens du plan NOVI* (ou encore appelé Plan ROUGE à Paris). La décision de déclencher le plan de secours (différent des moyens du plan de secours) relève quant à elle du préfet ou pour Paris ou Marseille des Généraux (armée de terre) et Amiraux (Marine Nationale) commandant les pompiers. Ils peuvent ainsi réquisitionner (ce qui ne peut être refusé pour quelques raisons que cela soit) tous les moyens publics et privés qui sont nécessaires pour traiter la situation. Le premier médecin, lui, aura la lourde tache de réaliser une première reconnaissance et un premier tri afin d’orienter les renforts dès leur arrivée vers les situations les plus critiques.

En fonction de la situation, plusieurs plans peuvent être déclenchés, simultanément ou pas :

  • Plan NOVI* (ou plan Rouge à Paris): dès lors que plusieurs victimes sont à déplorer (souvent à partir de 10 victimes) ;
  • Plan Rouge Alpha : concerne les plans de secours multi sites ; Créé en 1978, ce plan vise à secourir plusieurs personnes en un même lieu et à coordonner les soins. Il vise principalement à mutualiser les moyers des différents services de secours, comme le SAMU, les sapeurs-pompiers, la Protection civile, la Croix Rouge ou encore les ambumanciers privés.
  • Plan Blanc : il peut être déclenché par le directeur ou le responsable de l’établissement de santé, qui en informe sans délai le représentant de l’Etat dans le département, ou à la demande de ce dernier. Dans tous les cas, le représentant de l’État dans le département informe sans délai le directeur général de l’agence régionale de santé, le service d’aide médicale urgente départemental et les représentants des collectivités territoriales concernées du déclenchement d’un ou plusieurs plans blancs. La compétence attribuée au représentant de l’État dans le département peut être exercée, dans les mêmes conditions, par les préfets de zone de défense et par le Premier ministre si la nature de la situation sanitaire ou l’ampleur de l’afflux de patients ou de victimes le justifient.

Le vendredi 13 novembre 2015, le plan rouge alpha (prévu pour les attaques multiples simultanées), le plan blanc et l'état d'urgence sont décrétés par le président François Hollande pour faire face aux fusillades de Paris.

De nombreux autres plans dépendant du ministère de l’Intérieur ou de la Santé existent pour faire face à des événements spécifiques (biotox, variole,…). Le plan Vigipirate en est un très connu. Son origine remonte à 1978. Il a été actualisé à plusieurs reprises en 2000, en 2002, en 2003 et en 2006. C’est en 2003 qu’ont été adoptés les 4 niveaux d’alerte répertoriés par couleur (jaune, orange, rouge et écarlate). En 2014, le code d’alerte du plan Vigipirate est simplifié : il n’existe désormais plus que deux niveaux, matérialisés par un logo visible dans l’espace public :

  • un niveau de vigilance qui peut être renforcé temporairement, géographiquement et sectoriellement pour faire face à une menace particulière ou à une vulnérabilité ponctuelle ;
  • et un niveau d’alerte attentat pour faire face à une menace imminente.

Dans le cadre des plans d'urgence, un certain nombre de chantiers (zonage du site) sont organisés, sous protection des forces de l’ordre (périmètre ou zone de sécurité), pour « ramasser » et brancarder les victimes ayant bénéficié d’un premier triage médical jusqu’ au PMA*ou PRV* (ce qu’on appelle la petite noria). Au sein de ces lieux, les victimes sont à nouveau triées par un médecin trieur et catégorisées UA*, UR*, décédées ou impliquées. Sur le chantier, les soins primaires (threat first what kill fisrt) sont réalisés. Le cas particulier du Plan Rouge Alpha est d’avoir une organisation plus légère et mobile : pas de PMA* en  tant que tel, des PRV*, les victimes étant triées et dirigées directement de leur lieu de « ramassage » dans les vecteurs d’évacuation puis vers les hôpitaux après régulation et stabilisation. Les victimes sont ensuite prises en charge par les vecteurs d’évacuations en fonction de leur gravité :

  • secouristes, ambulanciers ou paramédicalisés : VSAV*, VPSP*,ASSU*, bus… ;
  • médicalisés : hélicoptère, UMH*.

Les hôpitaux (dit la grande noria) sont attribués par le PCM* du SAMU*. Établissement qui sont « armés » de médecins régulateurs et d'ARM*en lien permanent avec le CRRA*. Le PCM* se trouve souvent au niveau du carré de commandement (idée du carré que forment les véhicules lourds ou légers de coordination des différents services de secours réunis en un même endroit).

Lorsque le plan Blanc est lui aussi déclenché, les directions peuvent mobiliser, rappeler l’ensemble de leurs personnels et coordonner les moyens et ressources de la structure pour faire face à l’arrivée imminente de blessés.

Pas oubliées, mais méritant un paragraphe à part, les forces de l’ordre qui, hormis leurs interventions spectaculaires, leurs enquêtes, assurant le lien entre autorité et terrain, assurent une mission primordiale aux côtés des équipes de secours médicaux garantissant notre sécurité dans la zone et en nous escortant vers les structures hospitalières permettant de gagner des minutes précieuses pour le patient.

Les CUMP* quant à elles prennent en charge les impliqués, les personnes concernées, subissant les conséquences, une autre forme de blessure ; et par la suite les éventuels intervenants des secours en ayant besoin.

Quid du suivi des victimes ?

Le SINUS* : Il s'agit d'un système de traçabilité et de suivi des victimes de leur point de découverte jusqu’à l’hôpital. Il est prévu qu'il devienne le système national. Il se compose de fiche médicale de l’avant qu’on met autour de la victime et d’étiquettes à code-barres identifiant ce qui lui appartient. À chaque étape, le code-barres est scanné et permet d’assurer son suivi informatiquement.

La logistique

Chaque service public ou associatif dispose de sa propre logistique.

Les pompiers disposent d’une logistique pour activer leur PMA* et les SAMU disposent de réserves complémentaires à celles de leurs PMA* appelés PSM* de première génération capable de prendre en charge 25 blessés graves et de deuxième génération capable de prendre en charge 500 blessés graves pendant 24h.

Les associations de secourisme sont plus axées sur l’accueil et l’hébergement des impliqués. Elles disposent néanmoins d’un parc engins, d’un niveau d’équipement médico-sanitaire et de forces vives qu’il est important d’utiliser.

S’il vous arrive de vivre une expérience de la sorte, aussi fascinante que traumatisante, il faut néanmoins respecter quelques règles :

  • les équipements de protection individuels doivent être portés (gilets haute visibilité, chaussures de sécurité si possible montantes, casques, masques, gants, lunettes) selon les nécessités de l’intervention ;
  • les directives des forces de l’ordre sont à respecter à la lettre, car si la sécurité du patient est de votre responsabilité, la vôtre est de la leur ;
  • toute communication n’est du ressort que de l’autorité du site. Toutes interviews, photos … ne doivent être réalisées sans accord précis ;
  • aucun « souvenir » ne doit quitter le site ;
  • ne jamais se séparer de son équipe, même s'il y a plusieurs victimes. Il faut rester dans un périmètre proche ;
  • aucune victime ou impliqué ne peut quitter le site sans l’accord de l’autorité judiciaire ;
  • à l’issue, quelle qu’en soit votre force ou caractère, des groupes de paroles devront être organisés sous la forme d’un débriefing/défusing, d’un café/croissant… what else ?

Car il faut se rappeler que malgré votre force, même un Jedi® peut douter. Et le réveil de la force, même plusieurs semaines ou mois après peut être brutal...

Et la participation des infirmiers me direz-vous ? TOTALE, sans défaillir, à tous les niveaux et partout. Infirmiers pompiers, des associations de secourisme, militaires, hospitaliers, des SMUR, vous étiez là … Présents et désintéressées. En effet, force est de constater qu’encore une fois, infirmiers mais aussi l’ensemble de la population se sont mobilisés. Les standards des secours n’ont pas été saturés, le sang a été donné, les rues ont été dégagées, les soins ont été distribués, les postes ont été assurés, les équipes renforcées, les volontaires encore distingués. MERCI.

Quelques informations utiles

  • * Réponses :
  • ORSEC : Organisation de la Réponse de la SEcurite Civile
  • SMV : Situation Multiple Victimes
  • COS : Commandant des Opérations de Secours
  • PC : Poste de Commandement
  • NOVI : Nombreuses Victimes
  • PMA : Poste Médical Avancé
  • UA : Urgence Absolue dont les soins réanimatoires ou chirugicaux doivent être entrepris dans les meilleurs délais.
  • UR : Urgence Relatives dont les soins réanimatoires, chirugicaux ou médicaux doivent être entrepris dans les 6 heures
  • PRV : point de regroupement des victimes
  • VSAV : pompier : Véhicule de Secours et d’Assistance aux Victimes
  • VPSP : secouriste associatif : Véhicule de Premiers Secours à Personne
  • ASSU : ambulance privée : Ambulance de Secours et Soins d’urgence participant aux missions SAMU*
  • SMUR : Service Mobile d’Urgence et Réanimation dont dépendent les UMH
  • UMH : Unité Mobile Hospitalière
  • SAMU : Service d’Aide Médicale d’Urgence
  • PCM : Poste de Commandement Mobile
  • ARM : Assistant de Régulation Médicale
  • CRRA : Centre de Réception et de Régulation des appels 15
  • CUMP : Cellule d’Urgence Medico Psychologique
  • SINUS : Système d’Infirmation Numérique Standardisée
  • PSM : Poste Sanitaire Mobile
  • BSPP : Brigade de Sapeurs Pompiers de Paris
  • ACEL : Accident Catastrophique à Effets Limité (en opposition à la CATASTROPHE)
  • CO : Centre Opérationnel

À lire, une interview de Henri Julien , médecin général (2S), ancien médecin chef de la BSPP ayant pris une part active dans la refonte historique du plan rouge.

James IACINO  Infirmier, DU gestion de crise et sécurité intérieure (Paris V)  Membre du comité de rédaction d’Infirmiers.com


Source : infirmiers.com