Présenté par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, en Conseil des ministres du 2 novembre dernier, le décret relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé est finalement paru le 3 novembre au Journal officiel. Les modalités d'application de l'exercice partiel en France des professionnels de santé de l'union européenne sont donc publiées et ce, malgré la franche opposition de la profession infirmière qui juge que l'exercice partiel augure un exercice dévalorisé et, de plus, dangereux pour la santé des patients.
Mise à jour du 13 novembre 2017 - A son tour, la Fédération française des praticiens de Santé (FFPS) réagit à la publication de ce décret. Devant ce constat alarmant, dans un souci de défense des professionnels et des assurés, la FFPS poursuit sans faiblir les voies de recours déjà lancées contre l'ordonnance gouvernementale, portant l'affaire devant le Conseil d'Etat dès le mois de juillet dernier et n’exclut aucune possibilité pour faire tomber ce texte dangereux et péjoratif pour notre système de santé. L’intérêt des assurés, la qualité des soins, la sécurité des patients et l’avenir des professionnels ne sauraient être bradés par un dispositif dont aucune des conséquences n’ont été clairement analysées, la FFPS y veillera
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Mise à jour du 10 novembre 2017 - 11h -Nous attendions également le point de vue du SNPI-CFE-CGC. Voici quelques éléments donnés par Thierry Amouroux, secrétaire général du syndicat national des professionnels infirmiers. Nous estimons que le ministère de la Santé va toujours plus loin dans sa recherche d’économies, en autorisant des soins à la découpe en publiant le décret d'application de l'Ordonnance. Après les glissements de tâches, il invente le "séquençage des activités" pour permettre un "exercice partiel" des professions de santé. La création d’un exercice partiel n’est qu’une nouvelle division du travail, avec une approche saucissonnée des soins. Une ubérisation qui ne peut qu’attirer tous ceux qui favorisent déjà les glissements de tâches dans leurs établissements, afin de réaliser des économies par des soins low cost
. Pour le SNPI, c’est un nouveau scandale de déqualification des soins, destiné à organiser une santé à deux vitesses, avec un risque majoré pour les EHPAD. Cela va entrainer une confusion dans l’esprit du public, qui ne sera pas en mesure de connaître le niveau de compétences de ces personnes.
Aujourd’hui, 14 pays européens n’ont pas transposé cette directive, et l’Allemagne a refusé de l’appliquer aux professions de santé. Il n’y avait donc ni obligation, ni urgence d’utiliser la voie antidémocratique d’une Ordonnance pour imposer un texte refusé par les professionnels et dangereux pour la population. Il y a d’ailleurs une procédure en cours à la Cour de justice européenne, qui pourrait très bien aboutir à exclure la santé
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Mise à jour du 8 novembre 2017 - 10h - Nouvelle prise de parole par voie de communiqué, celle de la Coordination nationale infirmière (CNI). Sa présidente, Nathalie Depoire, écrit ceci : La notion d’exercice partiel n’est pas une nouveauté. La directive européenne date de 2013. Malgré les vives réactions d’oppositions de certaines organisations professionnelles, suscitées par la publication de l’ordonnance de janvier 2017, un projet de Loi ratifiant l’ordonnance a été, adopté par les députés, rejeté par les sénateurs et une commission mixte paritaire devait se réunir prochainement… Sans attendre la décision de cette commission et donc la fin du processus parlementaire, le décret est présenté en Conseil des Ministres le 2 novembre et publié au Journal Officiel le 3. Pourquoi cette précipitation ? Quel besoin d’inclure les professionnels de santé dans la mise en oeuvre de cette directive ? Dans quel domaine exerceront ces professionnels partiellement compétents ? Seront-ils réellement dans une pratique partielle ou sollicités plus largement ? Quelles seront les garanties pour les usagers ? Pourquoi ce choix de morceler nos exercices ? Alors même que les professionnels de santé ont le sentiment d’exercer sur un fil au quotidien, ce choix ne pourra que majorer la mise en danger de la qualité et de la sécurité des soins en France. Le syndicat CNI prend acte et engage la concertation pour la définition des actions à venir
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Mise à jour du 7 novembre 2017 - 18h - Nous attendions les réactions des instances professionnelles et autres représentants associatifs ou syndicaux. Ce soir, c'est l'Ordre national des infirmiers qui réagit à la publication de ce décret par communiqué. Comme il l'avait déjà exprimé, l'ONI dénonce une menace sur la qualité et la sécurité des soins
. Pour lui, c'est une déréglementation dangereuse de l'accès aux professions de santé
. L'ONI envisage de déposer un recours au Conseil d'Etat pour faire annuler ce décret qui représente un risque de démantèlement des professions de santé et une menace grave pour la qualité et la sécurité des soins
. La question que se pose l'ONI est la suivante : rien ne justifie d'inclure les professionnels de santé dans la transposition de la directive européenne. Alors, pourquoi un tel excès de zèle ?
Et Didier Borniche, Président du Conseil national de l'ordre des infirmiers de renchérir : Nous savons Madame la Ministre de la Santé attachée à la reconnaissance et la valorisation des professions de santé. Pourquoi cautionner une telle mesure ? Nous nous opposons à ce qui constitue une déréglementation scandaleuse et irresponsable de l’accès aux professions de santé dans une logique de nivellement par le bas et de dépréciation de la qualité des soins
. Avec une question toujours douloureuse pour la profession infirmière : le Gouvernement préfère-t-il abaisser la qualité des soins plutôt qu'augmenter les compétences des professionnels ?
Le syndicat Convergence infirmière dénonce "le séquençage de la profession"
Par communiqué en date du 8 novembre 2017, le syndicat d'infirmiers libéraux dénonce à son tour la parution de ce décret qui constitue un vrai nivellement par le bas que nous condamnons et qui est purement scandaleux !
Et de s'interroger : qui souhaite réellement se faire soigner par un faux diplômé qui n’aurait pas les compétences exigées en France, pour exercer ? Quand l’heure est à la recertification pour certains, pour d’autres le grand remplacement peut s’effectuer par n’importe quel « péquin » qui avec une tranche de diplôme pourra désormais soigner en France ! Quelle exigence ! Mais que se passe-t-il dans la tête de nos élites ?
Et de conclure, Au-delà d’une application partiale d’un exercice partiel, cet encadrement réglementaire est insuffisant. Convergence Infirmière va étudier toutes les voies de recours possibles et poursuivre son action pour le respect de la qualité des soins.
Rappel des faits
Rappelons que la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne a créé trois nouveaux dispositifs pour les professions réglementées : le mécanisme d’alerte, la carte professionnelle et l’accès partiel qui permet à un professionnel d’un pays de l’Union européenne (UE) d’exercer dans un autre pays une partie seulement des actes relevant d’une profession de ce pays. Une ordonnance publiée le 19 janvier 2017 a décliné ces principes pour les professions de santé. L'idée, faciliter la mobilité des professionnels au sein de l'UE.
Cette publication avait vivement fait réagir la profession infirmière en début d'année jugeant que cette ordonnance tiraient les soins vers le « low cost ».
L'Ordre national des infirmiers avait déposé dans la foulée un recours au Conseil d’État soulignant que La qualité des soins exige que soit préservée la logique des professions de santé réglementées. C’est un devoir vis-à-vis des patients et de la santé publique avec laquelle il ne saurait être question de transiger.
et que cette mesure aurait pour effet de casser le cadre réglementaire d’exercice des professions de santé de plein exercice actuellement reconnu en France
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Rappelons également que le 30 août dernier, les syndicats CNI, SNPI, FNI, avaient été auditionné sur cette question clivante de l'exercice partiel par la Commission des affaires sociales du Sénat, mettant à nouveau en avant leurs craintes de voir un exercice dévalorisé et dangereux pour la santé des patients . De son côté, l'Ordre national des infirmiers avait été également auditionné le 26 septembre 2017.
Un projet de décret avait été présenté pour avis au Haut Conseil des professions paramédicales le 2 octobre. A leur tour, les organisations d'infirmiers anesthésistes - CEEIADE et SNIA - dans le contexte d’une spécialité médicale qu'ils considèrent comme « sensible », alertaient sur un constat de désorganisation et de déqualification
qui constitue une raison impérieuse d’intérêt général motivant leur opposition à l’ouverture de la spécialité d’infirmier anesthésiste diplômé d’état à l’exercice partiel
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Au cours d’une session d’étude de différents textes réglementaires relatifs aux professions de santé, la Commission des Affaires sanitaires du Sénat affirmait de son côté, le 5 octobre 2017, son opposition aux mesures instituant un exercice partiel de ces professions. La rapporteuse Corinne Imbert a argué notamment d’un défaut de précision concernant le nombre de professionnels concernés ou leur qualification.
Dans un communiqué de presse daté du 9 octobre 2017, la Fédération Française des Praticiens de Santé se réjouissait
pourtant de la décision de la commission des Affaires Sociales du Sénat qui avait entendu les craintes de la plupart des professionnels de santé
en supprimant les dispositions introduisant un accès partiel aux professions de santé, en considération des risques pesant sur la cohérence, la qualité, et la sécurité de notre système de soins
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Le décret est paru le 3 novembre 2017
Les réticences et autres craintes exprimées par la profession infirmière n'ont cependant pas empêché Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé
, de présenter en Conseil des ministres du 2 novembre 2017 une proposition de « décret relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé ». Selon le compte rendu du Conseil des ministres, ce décret* est pris pour l’application de cette ordonnance de janvier 2017. Le texte s’attache en particulier à préciser les modalités d’examen des demandes d’accès partiel, afin de sécuriser la délivrance des autorisations susceptibles d’être prises
. L'autorité compétente en la matière est - l’État, le ministère ou la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, délivrant les diplômes et autorisations d'exercice, après avis d'une commission - mais aussi de l'ordre si la profession en question en est dotée. Selon le décret, l'avis est motivé, notamment par l'analyse des conséquences d'une éventuelle autorisation sur la qualité et la sécurité des soins, l'information des professionnels de santé et des usagers du système de santé ainsi que la sécurité d'exercice des professionnels appelés à exercer sous le régime de l'accès partiel
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En cas de manque de formation ou de compétences, le décret prévoit une mesure de compensation, consistant soit, au choix du demandeur, en un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, soit en l'obligation d'un stage d'adaptation ou d'une épreuve d'aptitude, ou, le cas échéant, des deux, en fonction des niveaux respectifs de qualification
. L'épreuve d'aptitude doit alors intervenir dans les six mois qui suivent la notification du contenu et de la durée des mesures de compensation.
Des arrêtés doivent suivre pour voir concrètement l'application de ce décret.
Les premières réactions...
L'Organisation nationale des syndicats d' infirmiers libéraux (Onsil) s'est exprimée via un communiqué pour déplorer que demain, la population française sera donc soignée soit par des robots sans humanité, soit par des personnels non qualifiés. Demain, les infirmiers seront alors sans emploi car, comme d’habitude, au lieu de traiter la cause de la désertification médicale, le gouvernement n’en traite que les effets sans tenir compte des effets secondaires du traitement mis en place
. Et de s'interroger : Madame Buzyn, notre Ministre des solidarités et de la santé est pourtant médecin ? (…) D’autres pays européens ont exclu les professions médicales et paramédicales de ce dispositif, mais notre gouvernement ne juge pas l’activité de soins comme un secteur suffisamment notable pour en protéger les modalités d’accès et d’exercice
. D'autres réactions ne devraient pas tarder…
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Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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