Plusieurs organisations infirmières, auditionnées le 30 août 2017 par Corinne Imbert, rapporteure de la Commission des affaires sociales du Sénat et sénatrice de la Charente-Maritime, ont exprimé leurs craintes concernant l’exercice partiel de la profession infirmière. Explications.
En vue de la ratification d’ordonnances prises en application de la loi de santé de janvier 2016 , plusieurs membres d’organisations infirmières (Coordination nationale infirmière, Syndicat national des professionnels infirmiers, Fédération nationale des infirmiers libéraux, Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux) ont été auditionnés, le 30 août 2017, par Corinne Imbert, rapporteure de la Commission des affaires sociales du Sénat et Sénatrice de la Charente-Maritime. Interrogés sur l’Ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé , ils continuent de manifester leur inquiétude vis-à-vis de l’exercice partiel de la profession infirmière.
Nathalie Depoire, présidente de la CNI, a ainsi rappelé que l’exercice infirmier, quel que soit le secteur d’activité, est déjà actuellement rendu très complexe par un contexte très dégradé, et que ce cadre d’exercice est très réglementé et expose quotidiennement les responsabilités professionnelles
. Elle pointe notamment du doigt le travail récurrent en sous-effectif, conduisant à des problèmes de transfert de tâches et de compétences. La crainte majeure réside dans le fait que ces nouveaux infirmiers avec un accès partiel d’exercice autorisé se retrouvent rapidement sur le terrain sollicité sur la totalité du rôle infirmier
, souligne-t-elle. Pour le syndicat, qui ne s’oppose pas à l’autorisation d’exercice de professionnels formés en dehors de la France, l’équivalence de compétences doit prévaloir sans morceler l’exercice
.
De son côté, le SNPI, par la voix de ses représentantes Cathie Erissy et Virginie Seguin, refuse de voir arriver des métiers intermédiaires entre aide-soignant et infirmier, ou des métiers type « auxiliaire en plaie et cicatrisations » ou « assistant de soins en diabétologie » qui ne reposeraient sur aucune formation française
. Il craint également une confusion dans l’esprit du public, qui ne sera pas en mesure de connaître le niveau de compétences de ces personnes
. Le syndicat constate déjà une confusion de ce genre entre les métiers d’auxiliaire de puériculture et d’infirmière puéricultrice.
À quels besoins précis ces nouveaux métiers répondraient-ils donc de façon efficace et sécurisée pour une organisation telle que le système de français ?
, s’interroge Philippe Tisserand, président de la FNI. Rappelons à ce stade que les soins infirmiers sont déjà dispensés sous la responsabilité des infirmiers en collaboration avec des métiers intermédiaires, tels que les aides-soignants, dont les interventions, notamment à domicile, viennent se croiser avec celles des auxiliaires de vie. Adjoindre des métiers intermédiaires reviendrait, pour les usagers, à complexifier inutilement et dangereusement une offre des soins déjà fort complexe, à diluer les responsabilités et à rendre encore plus hypothétique les progrès attendus par tous en matière de coordination des prises en charge
, conclut-il.
L’exercice infirmier, quel que soit le secteur d’activité, est déjà actuellement rendu très complexe par un contexte très dégradé
Une directive européenne non transposée dans 14 pays
Rappelons que l’Ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 transpose la directive européenne 2013/55/UE du 20 novembre 2013 visant notamment à faciliter la mobilité des professionnels au sein de l’Union européenne
. À ce jour, quatorze pays européens n’ont pas transposé cette directive. En France, il incombe à l’ordre national des infirmiers (ONI) de traiter au cas par cas les demandes d’exercice partiel de la profession d’infirmier. D’autres pays comme l’Allemagne et l’Autriche ont choisi d’appliquer la directive, mais interdisent toutefois l’accès partiel aux professions de santé, sauf dérogation. Il n’y avait donc ni obligation, ni urgence d’utiliser la voie antidémocratique d’une ordonnance pour imposer un texte refusé par les professionnels et dangereux pour la population
, estime le SNPI. Corinne Imbert a pris acte de ces différents arguments selon la CNI. Il se pourrait ainsi que le dispositif d’accès partiel aux professions de santé ne soit pas ratifié tel qu’il l’a été par l’Assemblée nationale, mais rien n’est encore certain.
Rappelons également que l'ordre national des infirmiers s'était exprimé en janvier dernier sur le sujet, considérant que l'exercice partiel constitue une menace grave pour la qualité des soins
, bien décidé à tout faire pour empêcher l’application de l’accès partiel à la profession
. La qualité des soins exige que soit préservée la logique des professions de santé réglementées. C’est un devoir vis-à-vis des patients et de la santé publique avec laquelle il ne saurait être question de transiger.
L'ONI, qui a déjà déposé un recours au Conseil d’État sur cette question, sera également auditionné le 26 septembre prochain, ainsi que les autres ordres professionnels, par Corinne Imbert, rapporteure de la Commission des affaires sociales du Sénat.
Ordres : le principe de l’égal accès des femmes et des hommes fait débat
Le SNPI a également été interrogé sur le principe de l’égal accès des femmes et des hommes au sein des instances ordinales. Il a fait valoir que ce principene devait pas se réduire à un 50/50, mais à une adaptation intelligente à la démographie d’une profession à 85 % féminine. À l’instar de l’Ordre des sages-femmes, qui n’est pas concerné par l’Ordonnance 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des ordres professionnels, le SNPI souhaite une dérogation afin que les élus ordinaux représentent véritablement leur corps professionnel.
Aurélie TRENTESSE Journaliste Infirmiers.com aurelie.trentesse@infirmiers.com @ATrentesse
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