En marge des Universités d’été de la Coordination Nationale Infirmière (CNI), la Présidente Nathalie Depoire nous a accordé en fin de matinée, en direct de Martigues, un entretien chargé d’émotion et de colère. Les soignants qui participaient à cet événement s’étaient réunis pour manifester leur soutien aux familles de leurs collègues suicidés ces dernières semaines. Entre la pression des directions, les retards dans la mise en oeuvre de la prévention des RPS ou les économies décidées dans les dépenses hospitalières, elle fait le point sur la dégradation des conditions de travail au sein des établissements de santé, une situation alarmante qui touche à la fois les infirmiers et les aides-soignants.
L’ambiance était lourde ce 14 septembre 2016 aux abords de l’Hôtel de ville de Martigues (13). En marge de son Université d’été, qui se tient dans cette localité, la Coordination Nationale Infirmière organisait une manifestation pour sensibiliser le public sur le malaise soignant qui a atteint un niveau difficilement acceptable ces dernières semaines.
Un brassard noir en signe de solidarité envers les familles
C’est très lourd, aujourd’hui. J’ai mal aux tripes !
, annonçait d’une voix emplie d’émotion, en préambule à notre entretien, Nathalie Depoire. On a appelé à porter le brassard noir en solidarité vis à vis des familles des personnes qui se sont suicidées dernièrement, exprimer la douleur qui monte dans les établissements et face à cette expression du malaise soignant qui s’est prononcée plus gravement cet été.
Il faut dire que ces événements ont eu un retentissement sans précédent
et que de nombreux soignants se sont renseignés pour se joindre au mouvement.
Des soignants empêchés de manifester au sein des établissements de santé
Sauf qu’ils n’étaient pas très nombreux à Martigues en ce 14 septembre, à peu près une trentaine de personnes, ce qui est assez décevant, Nathalie Depoire l’a bien reconnu. Il existe une pression folle dans les établissements de santé, venant des Directions
, a-t-elle poursuivi. Je suis en responsabilité à la CNI depuis 2006, jamais nous n’avons enregistré autant de refus des hiérarchies pour que les professionnels rejoignent une manifestation comme celle d’aujourd’hui.
Cela s’accompagne de refus d’autorisation d’entrée dans les hôpitaux pour les journalistes ou d’interdiction de prendre des photos pour les soignants qui voudraient partager de leur statut de gréviste sur les réseaux sociaux.
« Les plans de prévention ont été rédigés en 2012 ! »
Cette omerta est insupportable !
s’insurge-t-elle. Est-ce la peur des conséquences ? La honte d’une telle situation ? Je n’arrive pas à savoir pourquoi ils ont cette attitude.
Même si le malaise des soignants n’est pas aussi prégnant au sein de tous les établissements, il semblerait tout de même que le mal prend une forme plus globale désormais. Nous enregistrons des alertes venant d’un peu partout, bien que des plans de prévention se soient mis en place
ajoute-t-elle. Ils sont rédigés depuis 2012, il est grand temps de passer à l’action !
Pas la préoccupation première des CHSCT
La CNI demande aujourd’hui des services de prise en charge pour les professionnels de santé, des cellules d’écoute ou des postes de psychologues. Il faut former également les représentants des CHSCT, sauf que ce sont des soignants et qu’il est impossible de leur allouer du temps pour ça
, remarque la Présidente de la CNI. De plus, lorsque le plan de prévention est évoqué en CHSCT, on nous rétorque que ce n’est pas la priorité. Notre refuge aujourd’hui reste notre encadrement de terrain. Sauf qu’il est aujourd’hui très en souffrance également, nous l’avons malheureusement constaté avec le suicide d’un de nos collègues cet été
.
« Certains cadres de santé vivent un enfer ! »
La CNI enregistre en effet des retours d’enquêtes issus d’un de ses groupes de travail décrivant des situations de cadres pris entre les injonctions de la Direction, à mettre en œuvre auprès de leurs personnels, et leurs valeurs personnelles et professionnelles. Certains vivent ainsi un enfer,
poursuit-elle. Et, vous le savez très bien, un cadre au bord de l’épuisement déteint sur l’ensemble de son équipe. La déflagration est même ressentie du côté des aides-soignants.
Toutes les filières soignantes représentées désormais au sein de la CNI
Depuis quelques mois, la CNI s’ouvre aux autres filières soignantes. Le malaise prend par exemple de l'ampleur au sein des services SSR ou médico-technique. Une manipulatrice radio me disait récemment que les problèmes de prise en soins des patients dans les services provoquaient des dysfonctionnements dans la prise en charge radiologique,
témoigne encore Nathalie Depoire. Au sein de la CNI, chaque filière sera désormais représentée et autonome au sein de notre organisation qui apporte son expérience syndicale.
Les économies sur les dépenses hospitalières à la source du mal
Quant à la Ministre des Affaires sociales et de la Santé, elle doit mieux faire que sa timide réaction de soutien aux soignants
après les suicides de cet été. Elle a promis des annonces à l’automne
mais nous avons besoin de plus que des mots
, conclut Nathalie Depoire. C’est le sens de notre lettre envoyée au Président de la République
dernièrement. Il nous faut des moyens, agir à la cause de la situation, c’est à dire les économies décidées sur les dépenses hospitalières. Les hôpitaux sont aujourd’hui des marmites prêtes à exploser.
Alors que notre entretien touchait à sa fin, la Présidente rejoignait ses collègues pour une minute de silence à la mémoire des soignants disparus récemment. Quelques minutes plus tard, ces derniers s’allongeaient à même le sol martégal pour former un S.O.S. géant très porteur de sens.
Propos recueillis par Bruno Benque Rédacteur en chef www.cadredesante.com bruno.benque@cadredesante.com
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