Nous l'apprenions hier, lundi 29 août 2016, de nos confrères de France Bleu Champagne-Ardennes deux infirmières de santé au travail sur les cinq que compte le service médical Interprofessionnel de la Région de Reims (SMIRR) se sont suicidées à moins de 3 semaines d'intervalle cet été. Les conditions de travail seraient, une fois encore, pointées du doigt, alors que la profession infirmière est durement touchée par une vague de suicides depuis le mois de juin . Pas moins de trois soignants s'étant déjà suicidés. Glaçant.
Le 13 juin à Toulouse un infirmier se suicide sur son lieu de travail . D'autres agents ont également mis fin à leurs jours durant l'année écoulée au sein du CHU de Toulouse . Le 24 juin, c'est une infirmière de nuit du Groupe hospitalier du Havre qui met fin à ses jours. Le 30 juin, un cadre de santé, tout juste diplômé, commettait également cet acte irréparable . Il voulait continuer à exercer en Ehpad, alors qu'on lui proposait un service à très fortes difficultés, celui des soins de suite longue durée.
Le 23 juillet l'une des cinq infirmières du service médical Interprofessionnel de la Région de Reims (SMIRR) âgée de 51 ans, se donne la mort chez elle. Le 13 août une deuxième infirmière de ce service , 46 ans et mère de deux enfants, est retrouvée morte à son domicile… Ces deux nouveaux suicides viennent à nouveau questionner - dénoncer - des conditions de travail de plus en plus dégradées, des cadences et organisations en rupture avec les valeurs soignantes, des managements « sauvages »… Les tutelles restent sourdes à ces tragiques disparitions, la communauté infirmière s'en émeut et s'insurge alors que dans le même temps un rapport de l'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) publié le 5 août 2016 pointe ce chiffre tout aussi alarmant que révoltant : 5 703 infirmiers ont été victimes de violences en 2014, soit 15 par jour… et l'on ne parle même pas du secteur libéral qui est loin d'être exempt en la matière !
Les conditions de travail en cause ?
Jointe par téléphone ce matin, Josseline Jacques, membre suppléante du Conseil Interdépartemental de l'Ordre des Infirmiers Ardennes-Marne, souligne que peu de données existent sur cette problématique du suicide. Nous ne savons pas si ces suicides sont dus aux conditions de travail
, indique-t-elle, mais il est indéniable que nous faisons face à des charges de travail de plus en plus importantes et à un manque d'effectifs certain. Tout le monde subit une pression énorme
. Et de déplorer que « désormais, peu de place est malheureusement accordée au relationnel, le coeur même de la profession infirmière.
Propos reccueillis par Aurélie TRENTESSE
Un indéniable malaise…
Ces deux dernières disparitions, à Reims, laisse entrevoir un malaise certain dans la structure de médecine du travail
dans laquelle exerçait les deux infirmières. Selon le témoignage de l'une des salariées du SMIRR recueilli par France Bleu Champagne-Ardennes , ça m'a troublé, ça m'a ému, j'étais en colère… c'est deux suicides en très peu de temps de deux femmes qui avaient la tête sur les épaules, qui étaient compétentes, et surtout l'une pour qui il y avait peut être des signes et on en a pas tenu compte
. En effet, l'infirmière de santé travail âgée de 46 ans qui s'est donné la mort le 13 août dernier était revenue depuis peu de temps d'un arrêt de travail de plusieurs mois, après avoir dénoncé le harcèlement moral et sexuel dont elle était victime de la part de son supérieur hiérarchique (écarté de son poste après cette dénonciation). L'infirmière avait néanmoins repris le travail dans une ambiance difficile…
Le chiffre 5, cinq infirmiers suicidés en l'espace de trois mois fera t-il enfin réagir Marisol Touraine ?
Anticiper la souffrance au travail
Bien sûr la prudence reste de mise en terme de causalité car ces deux suicides n'ont pas eu lieu dans le service mais une salariée, toujours sous couvert d'anonymat, estime qu'il y a un malaise au sein de la structure et qu'une enquête est nécessaire, pas tellement pour chercher un coupable mais pour chercher à éviter que ça ne recommence, c'est ça notre objectif... c'est ce qu'on fait tout le temps dans nos entreprises...
De son côté, une cellule d'accompagnement psychologique a bien été mise en place par la direction du SMIRR dès l'annonce du premier suicide et toujours selon France Bleu un comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) extraordinaire a eu lieu le 29 août. Il aurait entériné les mesures déjà prises : mise en place d'une cellule d'accompagnement psychologique et la création de groupes d'écoute.
Un autre témoignage recueilli par le site d'information du NPA renforce ce besoin d'anticipation de la souffrance au travail. Nous avons choisi de parler
, dit une autre collègue des disparues, parce que nous n’avons pas su empêcher ces passages à l’acte. Le problème n’a pas été pris en compte par la hiérarchie alors que notre mission c’est justement d’agir et d’assister les personnes dans de telles situations
.
Ces deux nouveaux suicides dont nous attendrons les déveleppements d'enquête nous rappelle une fois encore avec violence combien la qualité de vie aux travail des soignants est importante. L'un d'entre eux en témoignait récemment suite aux premiers suicides de ses collègues
en juin dernier. Comment voulez-vous faire de la "qualité du soin "quand on privilégie la quantité, dans des conditions de travail de pire en pire... où l'écoute et la reconnaissance des soignants est inexistante ?
Le chiffre 5, cinq infirmiers suicidés en l'espace de trois mois fera t-il enfin réagir Marisol Touraine ? Rien n'est moins sûr.
Bernadette FABREGAS Rédactrice en chef Infirmiers.com bernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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