Dans quel état d’esprit les directions d’IFSI abordent-elles cette rentrée universitaire ?
Nous nous trouvons à un tournant de la formation infirmière avec le projet de refondation du métier lancé par le gouvernement. Son principal enjeu est de trouver des solutions pour pallier les problèmes de pénurie de soignants et de déserts médicaux sur le territoire. Le nôtre, dans ce contexte, est de pouvoir former les futurs infirmiers en adéquation avec les besoins actuels de notre système de soins tous secteurs confondus : hospitalier, libéral, scolaire, en entreprise… Nos programmes d’enseignement vont devoir pour cela s’adapter au mieux aux nouvelles missions définies et aux compétences attendues.
Quels principaux changements et quels nouveaux axes d’enseignement sont à prévoir ?
Le développement des protocoles de coopération interprofessionnelle est en œuvre, dans le cadre des CPTS par exemple, mais aussi plus largement entre les différents acteurs impliqués dans le parcours patient, en ville comme à l’hôpital. Cette évolution dans l’organisation des soins devra aussi se préparer en amont, dans le cadre de la formation initiale. De la même façon, il est fortement question de renforcer l’enseignement et la formation clinique en psychiatrie, en pédiatrie, en cardiologie et autres spécialités pour mieux répondre aux besoins de santé publique actuels.
Quel impact la refonte du métier va-t-elle avoir en pratique sur les études infirmières ?
Alors que le programme de formation en trois ans est déjà extrêmement dense, nous allons devoir réorganiser et renforcer les blocs de compétences qui le composeront. Et ce, avec comme conséquence une plus grande charge de travail pour les étudiants, notamment en licence, qui déjà sont aujourd’hui parmi les plus lourdement lotis en Europe. A savoir : la directive européenne pour les études infirmières est : 4600 heures de formation dont 2300 heures de formation clinique et 1 /3 de formation théorique (soit au moins 1500 heures), les quelques 800 heures relatives à ce quota étant celles dédiées au travail personnel de l’étudiant. Or en France, le cursus est ainsi fait que les étudiants infirmiers ont 2100 heures de cours théoriques et 2100 heures de pratique clinique à valider. Cela revient à 35 heures de formation par semaine. Et ce, sans prendre en compte le temps de travail personnel qui peut s’élever à plus de 900 heures sur l’ensemble des trois années d’études. Ce qui fait une charge de travail totale d’environ 5100 heures, soit 500 heures de plus que ce que préconise la directive européenne.
Au-delà de leur charge de travail, de nombreux étudiants se plaignent d’un manque d’accompagnement, voire de mauvais traitements durant les stages…
C’est vrai que certaines conditions de stages, du fait d’un manque d’accompagnement, d’une mauvaise ambiance ou de la rudesse des équipes, peuvent conduire à des situations de souffrance pour les étudiants. Toutefois, alors que la loi du silence s’était imposée aux générations précédentes, ils osent plus souvent en parler, s’exprimer et se plaindre des mauvaises conditions de travail. Des témoignages, des livres comme Omerta à l'hôpital*ont contribué à délier les langues et à se montrer plus vigilants sur les attitudes d’irrespect, de dévalorisation ou de harcèlement vis-à-vis des stagiaires en santé. Cependant, il faut aussi prendre en compte cette tension irréductible qui pèse sur les services : avec de plus en plus d’étudiants envoyés en stage (du fait de l’engouement croissant que suscite le métier et de l’augmentation des quotas) au sein d’équipes en sous effectif chronique et dont la charge de travail dépasse parfois les limites acceptables.
Le système de tutorat est-il bien adapté ?
Sur le principe, c’est un système mis en place pour que l’étudiant infirmier soit guidé, accompagné et évalué par un membre du service dans lequel il effectue son stage. Mais dans la pratique, ce tuteur, même s’il est formé pour, peut se trouver débordé par cette mission qui s’ajoute à son travail. La directive européenne évalue cette mission à 20% de temps de travail supplémentaire, mais en France peu d’établissements peuvent se permettre de dégager ce temps pour les tuteurs, sans compter qu’il n’existe aucune compensation financière.
Quels recours le stagiaire a-t-il quand cela se passe mal ?
Il ne doit pas hésiter à en informer son référent au sein de l’IFSI. Celui-ci va prendre contact avec le tuteur ou le cadre de santé dans le service et, si besoin, se rendre sur place dans l’établissement pour évaluer la situation et trouver un modus vivendi acceptable pour que l’étudiant poursuive son stage dans de bonnes conditions. Si c’est vraiment une situation sans issue, il peut être envisagé de trouver un autre stage. Sachant qu’une mauvaise expérience pour un étudiant est aussi dommageable pour la structure qui l’a mal accueilli. Car en cette période de pénurie de soignants, un établissement qui traite bien les stagiaires se rend attractif et favorise le recrutement.
*Omerta à l'hôpital. Le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé, éditions Michalon
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