«Le projet est parti d'une observation dans notre unité, qui à l'origine est un hôpital de jour de pathologies duelles (psychiatrie et addictologie). Lorsque je suis arrivée dans cet hôpital en 2015, j'ai été vraiment frappée par la présence de très nombreux soignants et, surtout, par le fait que ceux-ci arrivaient dans un état clinique très dégradé». Ce constat, c'est celui de la psychiatre et addictologue Magali Briane. Nous étions allés la rencontrer pour montrer son travail et celui de ses équipes auprès des soignants en souffrance à la clinique Mon Repos (groupe Ramsay Santé), à Ecully près de Lyon, après la crise du Covid.
Ce qui était supporté et supportable ne l'est plus, les capacités de résilience sont débordées.
Burn out, troubles anxieux, dépression, troubles addictifs, idées suicidaires ou encore stress post-traumatique, de la réflexion de Magali Briane est né un projet de santé spécifiquement dédié aux soignants : le programme Médipsy-Care. Celui-ci propose des consultations et des prises en charge ambulatoires et personnalisées en hôpital de jour sur 3 à 6 mois selon les besoins. Les soins sont sans reste à charge. Le dispositif vient d'être étendu à deux pôles : un pôle PACA (à Marseille) et un pôle Atlantique (à Nantes et Royan), avec à chaque fois une prise en charge psychiatrique et une prise en charge en addictologie.
«Les soignants n'osent pas demander de l'aide»
Les soignants se vivent comme ceux qui aident, ceux qui assurent. Une posture qui explique certainement en partie pourquoi demander de l'aide pour eux-mêmes reste particulièrement compliqué. «L'association Soins aux Professionnels de la Santé (SPS) avait fait une étude il y a quelques années qui montrait que les médecins accepteraient de se faire soigner à condition que ce soit loin de leur lieu d'exercice. C'est toujours très vrai, et ça l'est pour l'ensemble des soignants, qu'ils soient médecins, infirmiers, aides-soignants... Je le vis au quotidien», assure Magali Briane. Autre spécificité de la profession : les métiers sont particulièrement difficiles, «avec notamment une exposition émotionnelle (à la maladie, à la souffrance ou à la mort) à la fois très forte et très banalisée. C'est très marqué également chez les jeunes professionnels», souligne-t-elle.
Une unité dédiée aux étudiants en santé
Aujourd'hui, le programme, ouvert y compris aux étudiants en santé, s'est affiné autour de ces traits communs aux soignants et les accompagne dans une unité qui leur est dédiée - notamment pour éviter qu'ils aient à rencontrer des gens qu'ils reçoivent dans leurs consultations. «Les besoins sont vraiment spécifiques. Par exemple sur cette question de la confrontation à la souffrance et à la mort, on sait aujourd'hui grâce aux neurosciences que l'action des neurones miroirs fait que quelqu'un qui est au contact de quelqu'un qui souffre, va voir activer chez lui les mêmes zones cérébrales. Ce sont des choses qu'il faut pouvoir prendre en compte. Par ailleurs, l'intensification et la transformation du travail de soignant (avec davantage d'administratif, une intensification des rythmes, le manque de personnel...) fait que ce qui était supporté et supportable ne l'est plus, une situation qui va faire que les capacités de résilience sont débordées», confie Magali Briane.
Un accès aux soins simplifié et une prise en charge pluridisciplinaire
Pour toutes ces raisons, et pour favoriser l'accueil des soignants, l’accès aux soins a été simplifié à son maximum : les professionnels de santé peuvent être pris en charge par simple appel au secrétariat de l’établissement qui se charge de fixer un premier rendez-vous dans un délai rapide.
La prise en charge débute par une première consultation avec un psychiatre qui établit un parcours de soins adapté (consultations simples, prise en charge en hôpital de jour ou hospitalisation complète). Les patients sont ensuite accueillis par des équipes pluridisciplinaires composées de psychiatres, d’infirmiers, de psychologues, d’enseignants en Activité Physique Adaptée (puissant adjuvant des psychothérapies), d’art-thérapeutes, mais aussi de praticiens en thérapies psychocorporelles tels que des sophrologues ou des relaxologues, et vont suivre des ateliers en groupes et en séances individuelles.
«Le format groupal permet la décentration, la mise en perspective et d’observer chez « l’autre » des fonctionnements et des processus que la contingence émotionnelle rend difficile, en début de soins, à observer pour soi-même», explique Magali Briane.
Des séances individuelles avec les psychiatres, psychologues et infirmiers sont également proposées, de façon à approfondir et à cibler certains aspects abordés en séances groupales.
Le programme de soin est le plus individualisé possible. L'idée est d'accompagner le patient à travers des étapes du travail psychothérapeutique, en fonction de son rythme.
5 étapes clés de la prise en charge
D’une manière générale, le parcours de soins comporte 5 étapes ciblées sur les besoins spécifiques des professionnels de santé :
- Un premier temps d’apaisement émotionnel ;
- Le suivi d’interventions à visée psychoéducatives : comprendre les différents déterminants qui ont conduit à cette situation, et repérer les leviers de soins ;
- Des ateliers de thérapie comportementale, cognitive et émotionnelle (TCCE) ;
- Des soins axés sur la flexibilité psychologique au travers de l’approche processuelle ;
- Et enfin, un travail autour de la prévention de la rechute et de la préparation au retour à l’emploi.
«Le programme de soin est le plus individualisé possible. Nos ateliers sont conçus sur le principe canadien du «step care model», un modèle par pallier. L'idée est d'accompagner le patient à travers des étapes du travail psychothérapeutique, en fonction de son rythme. Des soignants référents vont les recevoir régulièrement et adapter l'avancée dans le programme à leurs besoins», explique Magali Briane.
Favoriser la prise en charge précoce
A terme, un prochain pôle devrait ouvrir à Compiègne puis, espère Magali Briane, à Paris, des pôles adossés aux établissements de santé mentale du Groupe Ramsay santé. «L'objectif est vraiment d'accueillir les soignants le plus tôt possible, dans des parcours adaptés, spécialisés, et sécurisés. Aujourd'hui, à l'hôpital de jour de Lyon, j'ai un peu plus de 100 soignants dans la file active. Il faut que les soignants osent pousser les portes de ces établissements qui leur sont dédiés», insiste-t-elle.
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