Le 9 juin 2024, le chef de l'Etat annonce la dissolution de l'Assemblée nationale, portant un coup d'arrêt aux travaux parlementaires. Plusieurs textes concernent directement les soignants ou encore les infirmiers.
Quid de la réforme de la profession et de la formation ?
La réforme avait été promise au printemps 2023, elle était enfin en passe d'aboutir... mais il faudra encore patienter. Quelque 640 000 infirmiers - dont plus de 120 000 libéraux - attendent depuis plus d'un an la «refondation» du métier et des études, et particulièrement la réécriture du décret, vieux de 20 ans, qui encadre juridiquement leurs actes. La dissolution de l'Assemblée met un «coup d'arrêt extrêmement décevant» à une réforme travaillée pendant des mois et annoncée comme imminente, déplorait mercredi 12 juin l'Ordre des infirmiers, appelant les futurs députés, quels qu'ils soient, à «poursuivre ces travaux dès l'élection passée».
On se trouvait dans une dynamique extrêmement positive mais la dissolution bloque tout
La frustration est grande dans les rangs infirmiers. Pendant plusieurs mois, des travaux et concertations ont été conduits par la direction générale de l'Offre de soins (DGOS). «Ils avaient abouti» sur divers textes qui «définissaient les missions, activités et compétences nouvelles des infirmières et infirmiers», a confié la nouvelle présidente de l'Ordre national des infirmiers (ONI) Sylvaine Mazière-Tauran. La députée Renaissance et présidente de la commission des affaires sociales à l'Assemblée, Charlotte Parmentier-Lecocq, devait même «déposer cette semaine une proposition de loi à l'Assemblée, validée par quasiment la totalité des représentants de la profession». Cette loi devait permettre de «passer d'une simple liste d'actes» à «un dispositif complet, précis», et devait «reconnaître l'autonomie» de l'infirmière, «sa capacité à faire un raisonnement clinique, à poser des diagnostics infirmiers, faire des consultations infirmières», des revendications de longue date, détaille Sylvaine Mazière-Tauran. Après des retards dus à plusieurs changements de ministres chargés de la Santé ces derniers mois, «on se trouvait dans une dynamique extrêmement positive mais la dissolution bloque tout», regrette-t-elle.
Dans le même élan, la réforme promise des études, qui devait adapter la formation aux nouvelles compétences et entrer en vigueur à la rentrée 2025, risque de prendre également du retard, tout comme les négociations tarifaires entre infirmières libérales et Assurance maladie, que le ministre délégué à la Santé a renvoyé à l'automne, après la réforme. Dans un communiqué, l'Ordre appelle donc les futurs députés, «quels que soient les résultats» des législatives anticipées, à poursuivre ces travaux et à «tenir compte des avancées d'ores et déjà réalisées».
Quel avenir pour les textes ? Plusieurs scénarios se présentent
«La dissolution de l'Assemblée a entraîné la suspension de l'ensemble des travaux parlementaires», explique Séverine Nicot, Maîtresse de Conférences en Droit public à la Faculté de Droit de Grenoble. «Deux hypothèses se présentent selon que le texte de loi a déjà été adopté par le Parlement ou était encore en discussion au sein des Assemblées».
«S'agissant des textes de loi définitivement votés, certains nécessitent des textes d'application. L'Exécutif disposant des moyens juridiques pour faire adopter ces mesures, il n'y a donc, en théorie, pas d'obstacle à leur mise en oeuvre. Cela étant, pour des raisons politiques, l'Exécutif pourrait décider d'attendre l'élection de la nouvelle Assemblée et, le cas échéant, la nomination d'un nouveau Gouvernement pour publier les textes d’application».
«S'agissant des textes de loi demeurant en discussion, leur examen a été arrêté de façon nette », rappelle Séverine Nicot.
«Cela ne signifie pas, pour autant, que la prochaine Assemblée ne pourrait pas reprendre leur examen. Cependant, si les élections législatives des 30 juin et 7 juillet devaient se traduire, politiquement, par une profonde évolution au niveau de la composition de l'Assemblée nationale et, par suite, du Gouvernement, le processus législatif pourrait ne pas aller jusqu'à son terme, ce qui aurait pour conséquence que ces textes de lois ne voient pas le jour. Le devenir de ces textes en loi est donc incertain parce qu'il est conditionné par la composition de la future Assemblée et de la majorité politique qui en découlera ».
Le texte sur les Infirmiers de Pratique Avancée (IPA)
Certaines dispositions sont toutefois passées à travers les mailles du filet, signées in extremis. C'est le cas du texte sur les Infirmiers de Pratique Avancée (IPA). L'Ordre appelle ainsi l'actuel gouvernement a publier de façon urgente plusieurs décrets d'application des récentes lois dites «Rist» et «Valletoux», pas encore parus, qui doivent concrétiser «l'accès direct aux infirmières de pratique avancée (IPA)» et élargir leur droit à prescrire, créer officiellement le statut «d'infirmier référent» et offrir aux infirmières plus d'autonomie sur la prise en charge des plaies.
Projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie
Les choses sont plus aléatoires pour le projet de loi sur la fin de vie, examiné à l'Assemblée nationale depuis le 22 avril et dont le rapporteur, le député MoDem Olivier Falorni, a commenté la suspension brutale sur X : « Je suis triste de voir la loi fin de vie brutalement stoppée ». Pour que ce texte soit voté, il faudrait qu'il soit remis à l'agenda parlementaire par le nouveau gouvernement, ce qui laisse planer une certaine incertitude, étant donné sa sensibilité.
«Le projet de loi sur la fin de vie avait suscité des discussions animées et les clivages politiques pourraient être encore plus marqués selon les résultats électoraux obtenus par les différentes forces politiques au soir du 7 juillet», précise Séverine Nicot. « L'équilibre politique qui, ces dernières semaines, a pu être construit autour de ce texte de loi pourrait ainsi se voir fragilisé, voire rompu ».
« Par ailleurs, les priorités du nouveau Gouvernement, composé en tenant compte des résultats des prochaines élections législatives, ne seront peut-être pas les mêmes que celles du Gouvernement actuel. Dans l'hypothèse d'un changement important de cap politique, une telle réforme pourrait, par conséquent, être abandonnée ».
« Enfin, la clôture de la session parlementaire ordinaire devrait, quoi qu'il en soit, repousser de plusieurs mois les discussions parlementaires au motif que l'ouverture de la prochaine session n'est prévue qu'au début du mois d'octobre ».
Le Conseil national de refondation sur la santé mentale, annulé
Promesse d'Emmanuelle Macron, le Conseil national de refondation sur la santé mentale (CNR), qui devait s'ouvrir dès mercredi 12 juin, a également été annulé «en raison de la période de réserve» liée aux législatives anticipées de juin, a annoncé le ministère délégué à la Santé dès le 11 juin.
Les travaux de ce conseil, qui réunit notamment autorités sanitaires, professionnels, élus et représentants d'usagers, «devaient inclure des ateliers, des contributions écrites notamment par des associations d'élus, qui ne peuvent pas se tenir dans le contexte des élections» provoquées par la dissolution de l'Assemblée nationale, a précisé le ministère délégué à la Santé. «Pour un sujet aussi important que la santé mentale des Français, le ministère ne souhaite pas maintenir un CNR qui ne pourra pas se dérouler dans de bonnes conditions», poursuit-il. Prévu pour se tenir en juin et juillet, il devait permettre «d'apporter des réponses innovantes», notamment face à la crise de la psychiatrie et la hausse de la prévalence des troubles psychiatriques. Le ministère a laissé entendre qu'il serait «reprogrammé» ultérieurement.
Reste que pour les instances représentatives des soignants, c'est un peu la douche froide : alors qu'elles appelaient de leur vœux la stabilité après la valse des ministres de la Santé, ce moment suspendu est ressenti comme un retour à la case départ. Si ces textes ne sont pas forcément compromis, leur sort dépendra du résultat des élections législatives et des conséquences éventuelles de ces élections sur le gouvernement. L'ordre du jour de la prochaine Assemblée nationale sera en effet établi par la majorité qui sortira des urnes, le 7 juillet prochain.
Calendrier
- Jusqu’au dimanche 16 juin : dépôt des candidatures pour les élections législatives
- Lundi 17 juin : début de la campagne officielle des élections législatives et de la période de réserve du gouvernement
- Dimanche 30 juin : 1ᵉʳ tour des élections législatives
- Dimanche 7 juillet : 2nd tour des élections législatives
- Semaine du 8 juillet : éventuellement, démission du Gouvernement et remaniement ministériel
- Du 18 juillet au 1ᵉʳ août : session extraordinaire de l’Assemblée nationale avec composition des groupes parlementaires, des commissions et élections aux postes clés.
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