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La valeur ajoutée d'un infirmier libéral de pratique avancée

Publié le 03/04/2014
pascal lambert

pascal lambert

Pascal Lambert, infirmier libéral à Paris, est très investi dans la défense et la promotion de la profession (il est vice-président du conseil départemental parisien de l’Ordre des infirmiers et administrateur de l’URPS). Pour accompagner et promouvoir le virage ambulatoire, il a passé en 2012 un master spécialisé en gérontologie à Marseille. Cette expérience légitime son projet professionnel. Interview. Merci à Avenir et Santé, revue de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) de partager cet article avec la communauté d'Infirmiers.com.

Cet article est paru dans la revue de la FNI "Avenir et Santé", n° 422 dans la rubrique "Infirmier expert".

Pascal Lambert, titulaire d'un master spécialisé en gérontologie

Avenir & Santé - Pourquoi après 23 ans de pratique libérale, avez-vous choisi de faire un master sciences cliniques infirmières en gérontologie ?

Pascal Lambert - J'ai toujours été attiré par ce thème, mon mémoire d'Ifsi, en 1987, portait déjà sur l'amélioration des conditions d'hospitalisation de la personne âgée pour un retour à domicile optimisé. Par ailleurs, l'évolution démographique et épidémiologique, et celle de la pratique libérale, nous amènent à traiter de plus en plus ce type de population chez elle. Il était donc évident pour moi de parfaire cette expertise terrain sur ce type de population souvent négligé.

Je rêvais depuis une dizaine d'années de la mise en place d'une réelle filière infirmière LMD en gérontologie. En attendant, j'ai validé en 2010 un certificat en ETP et un DIU en gérontechnologie en 2011 sur l’adaptation des technologies aux spécificités de la personne âgée. Dès que j'ai appris l'ouverture du master en sciences cliniques infirmières de pratique avancée en gérontologie fin 2011 à Marseille, j'ai fait le grand saut.

Les Idels et l'infirmier libéral de pratique avancée sont une réponse efficiente face à la pénurie de médecins

Avenir & Santé - Que retenez-vous de ce retour aux études ?

Pascal Lambert - Une sacrée remise en question dans bien des domaines avec une adaptation nécessaire à la formation universitaire de 2ème cycle avec tout l'investissement personnel que cela suppose. Au départ, je pensais sincèrement que mon expérience professionnelle en tant que libéral sur le terrain depuis plus de 20 ans me permettrait de revendiquer ce niveau master sans trop de difficultés.

Or, cela a été un vrai challenge au regard des exigences de l'équipe pédagogique1 qui, en contrepartie, nous a énormément donné. Pour ma part, elle m'a permis de pousser la science clinique infirmière beaucoup plus loin que je ne l'imaginais et d'acquérir des compétences nouvelles auxquelles je n'aurai jamais pensé : le leadership, la recherche, l'analyse critique des pratiques selon l'evidence based practise…

Par sa formation, le corps médical est imprégné de cette culture alors qu'elle nous fait défaut. Or, pour asseoir une discipline en sciences infirmières de façon légitime et scientifique, on se doit d'acquérir cette rigueur méthologique et académique. Il faut se lancer dans des études sanitaires et économiques pour démontrer le bien-fondé de nos affirmations et ne pas se contenter du déclaratif. C'est ce réflexe de l'evidence based practise et de l'évaluation de nos pratiques que notre profession doit comprendre et acquérir pour pouvoir avancer dans sa promotion.

Avenir & Santé - Vous avez choisi de faire votre mémoire sur un outil stratégique…

Pascal Lambert - Absolument. J’ai choisi pour sujet l'utilisation d'une évaluation gériatrique standardisée simplifiée à domicile par les infirmiers libéraux sur des patients âgés de 75 ans et plus. Ce mémoire va donner lieu à une publication dans la presse scientifique professionnelle. Mon but était de proposer un élément de transmission entre le médecin traitant et l'infirmière libérale pouvant servir d'outil de dépistage et de prévention de la fragilité et valorisant le rôle de cette dernière dans la prise en charge à domicile.

Avenir & Santé -  Que pensez-vous des schémas expérimentaux de la prise en charge de la fragilité des personnes âgées ?

Pascal Lambert - Alors que l'objectif est de favoriser le maintien à domicile et de réduire les coûts, cela reste encore trop hospitalo et médico-centré. Les tutelles commencent à s'en rendre compte. De surcroît, les derniers chiffres de l'ARS Ile-de-France montrent une chute plus prononcée que prévue en médecins généralistes. Les Idels et l'infirmier libéral de pratique avancée constituent une réponse rapide et efficiente face à ce défi de santé publique. La pratique avancée s'inscrit dans cette logique de graduation de l'offre des soins et de promotion des soins de premier recours et de proximité. On ne doit pas uniquement se concentrer sur les phases aiguës de la prise en charge et accepter au contraire de traiter la santé comme un investissement à moyen, voire à long terme, dans lequel l'aspect purement médical ne constitue pas nécessairement l'élément central.

Avenir & Santé - Pensez-vous que l'on puisse innover dans la prise en charge des personnes âgées ?

Pascal Lambert - Evidemment, mais avant tout, il faut une prise de conscience de la part de tous, soignants compris. La personne âgée est une personne comme une autre avec des spécificités nécessitant une prise en charge adaptée. Il ne faut pas oublier que seul un tiers de cette population est concerné : 8% en dépendance et 25% à risque de fragilité. Pour ces dernières, il est donc essentiel de repérer, accompagner et anticiper (dépistage, prévention, traitement) la survenue et/ou l'aggravation de tous ces risques mais de façon ambulatoire et avec l'aide des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) en soutien : domotique, transmission des données…

Le vieillissement est un processus naturel de l'évolution de la vie, au même titre que l'entrée en université, à la vie active (avec ses périodes d'inactivité subie ou voulue), à la vie de couple… Comme tous ces bouleversements de la vie, il faut les préparer. Il faut changer de regard et ne pas s'accrocher à un « Je veux rester jeune » illusoire mais plutôt assumer un « Je veux bien vieillir », plus à notre portée. Le vieillissement et ses conséquences ne sont ni un tabou ni une tare. Dans ces conditions, la culture gériatrique doit être mieux diffusée et c'est l'enjeu de la formation des professionnels de santé.

Avenir & Santé - Qu’attendez-vous de ce diplôme et du titre d’Infirmier de pratique avancée en gérontologie ?

Pascal Lambert - Une reconnaissance et une valorisation de ce titre à part entière dans le parcours de santé et, en ce qui me concerne, dans la prise en charge des personnes âgées comme référent de premier recours capable d'exercer en toute autonomie et pleine responsabilité dans le cadre de ses missions propres et complémentaires au corps médical.

Avenir & Santé - Comment voyez-vous l'avenir ?

Pascal Lambert - Avec l'espoir d'une réponse rapide de la part des décideurs pour reconnaître ces nouveaux métiers qui ont toute leur place au sein du système de santé et pour soutenir la prise en charge ambulatoire. Cette réorganisation innovante, adossée à une analyse sanitaire, économique et évaluative, doit être financée à travers d'expérimentations ou de nouveaux modes de rémunération pour pouvoir exister et être pérennisée par la suite.

Note

  1. Le professeur Sylvie Bonin-Guillaume et Mme Elisabeth Poulin

Propos recueillis par Isabelle Eudes Rédactrice en chef de la revue Avenir et Santé


Source : infirmiers.com