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IDEL

Programme EQUILIBRES : "un modèle qui nous rapproche de l'infirmier de famille"

Publié le 23/07/2019

Il a choisi de participer au programme EQUILIBRES, en expérimentation officielle dans trois régions - Occitanie, Hauts-de-France, Ile-de-France -, par décret ministériel, depuis le 19 juillet dernier. Il est infirmier libéral depuis 22 ans et, pour lui, ce programme "permet une valorisation du rôle propre infirmier et des compétences en exercice libéral". A l'opposé de ce que pensent pas mal de ses pairs qui considèrent un modèle "très dangereux" mettant en péril le statut même d'infirmier libéral, il tient à apporter son expérience et ses arguments, appelant à ne pas condamner avant d'avoir évalué. 

Selon l'auteur de cet article, le modèle EQUILIBRES "nous rapproche de l’infirmier(e) de famille préconisée par l’OMS"

Rappel du contexte

Cet article écrit par Dominique Jakovenko, infirmier libéral, vient en réaction à la publication, le 19 juillet dernier, d'un autre texte intitulé "Expérimentation de la forfaitisation au temps passé auprès des patients : la FNI sort le carton rouge ! " Le contexte : le feu vert donné, par arrêté, par le ministère des Solidarités et de la Santé, à "l’expérimentation pour la forfaitisation au temps passé auprès des patients pour les soins infirmiers à domicile, associée à une évaluation standardisée et régulière de la situation des patients" afin de favoriser l’expérimentation des EQUipes d’Infirmières LIBres REsponsables et Solidaires dites EQUILIBRES. Dans cet article du 19 juillet, le syndicat d'infirmiers libéraux (FNI) exprimait son mécontentement. Pour lui, "le statut "gris", libéral mais rémunéré au forfait intégral est une chimère et induirait une distorsion de concurrence que les IDEL ne sont pas prêts d’accepter. Dans le même temps, un autre syndicat d'IDEL, le Sniil, s'exprimait par communiqué de la même façon, dénonçant un modèle très dangereux visant à plaquer un modèle néerlandais (Buurtzog) porté par une association "Soyons humains", sur une société française différente de celle des Pays-Bas, et appelant les infirmières et infirmiers libéraux installés dans les 3 régions expérimentatrices (Occitanie, Hauts-de-France, Ile-de-France) à ne pas y participer. Quant à l'URPS Paca, elle rappelait les résultats d'une enquête récente menée auprès des IDEL de la région qui mettaient en évidence que la plupart des actes effectués n’ont pas de facturation possible à l’assurance maladie, donc pas de traçabilité quantifiable. De fait, les tutelles ont tendance à penser que cette rupture de vision terrain implique la non réalisation de ces actes. De quoi inspirer le ministère pour le paiement d'actes au forfait... Le syndicat Convergence Infirmière, de son côté, est légitimement intéressée par tout type de projet innovant d’organisation des professionnels de santé et toujours guidé par un esprit d’ouverture et de dialogue constructif. Il demande aux IDEL de ne pas condamner l’innovation par principe. L’avenir de notre profession passe forcément par là… ou nous n’aurons pas d’avenir. L’équation est aussi simple que cela.

Le secret du changement c’est de concentrer toute son énergie non pas à lutter contre le passé, mais à construire l’avenir. Socrate

Pourquoi j’ai choisi de participer au programme EQUILIBRES ?

Dominique Jakovenko, infirmier libéral depusi 22 ans, s'est engagé dans le Programme EQUILIBRES, gage pour lui d'une valorisation du rôle propre infirmier et des compétences en exercice libéral. Il souhaite donc apporter ses arguments, même s'ils vont à l'encontre de nombre de ses collègues. Il rappelle que les infirmiers libéraux qui participent à l’expérimentation EQUILIBRES, exercent en cabinets libéraux ou en centre de santé. Ils peuvent développer librement des activités de soins qui répondent aux besoins des patients. Ils sont responsables grâce à la confiance accordée au raisonnement clinique infirmier et aux compétences infirmières . Au sein d'une équipe collaborative d'infirmiers,  ils sont solidaires et  enrichissent l’analyse de leurs pratiques.

L’infirmier libéral qui participe à cette expérimentation, délivre des soins à sa patientèle habituelle avec une plus grande autonomie. Chaque prescription effectuée par le médecin est une occasion d’évaluer les besoins de manière globale afin de répondre aux situations cliniques complexes en raison de la chronicité, du vieillissement et des comorbidités auxquelles les professionnels du premier recours sont confrontés. A partir de ce bilan initial complet, l’infirmier qui effectue les soins est libre de mettre en œuvre tout acte de prévention, d’éducation, d’accompagnement et de coordination pour lesquels il sera dorénavant rémunéré au même titre que les actes prescrits. Aujourd’hui, la NGAP ne prend pas en considération l’ensemble de ces compétences infirmières et certains actes effectués par les professionnels.

Cette démarche focalise donc l’attention sur les besoins du patient à domicile où l’infirmier peut jouer un rôle primordial et collaboratif visant l’autonomie de la personne dans son unicité. Ce modèle nous rapproche de l’infirmière de famille préconisée par l’OMS, intégré dans ce programme par l’infirmière référente et reconnue par le Sénat dans un amendement : Le concept d’infirmière référente, ou infirmière "de famille", recommandé dans le programme "Santé 21" de l’OMS pour l’Europe et déjà mis en œuvre dans de nombreux pays, prend pourtant tout son sens. Il permet de redonner au chainon que sont ces professionnels toute leur importance pour la qualité et l’efficacité dans la prise en charge des personnes : consultation, évaluation de la dépendance, élaboration d’un plan d’aide et de soins, mais aussi coordination sociale et soignante seraient ses principales missions.

Tout le monde veut que ça change, mais personne ne veut changer. Albert Einstein

Quel est mon statut durant la durée de cette expérimentation ?

Je reste infirmier libéral avec les mêmes obligations, les mêmes charges URSSAF et CARPIMKO : seul le mode de calcul de mes honoraires change. Mes deux collègues de cabinet sont d’accord et adoptent le même fonctionnement. Nous ne sommes plus payés à l’acte mais au temps passé pour et avec le patient et les aidants selon leurs besoins individuels respectifs. Avec EQUILIBRES, c’est l’infirmier qui évalue le temps passé de façon objectivée. Ainsi, il appuie son analyse clinique sur le référentiel multidimensionnel de soins OMAHA . Ce programme est une plus-value sans précédent parce qu’il rend lisible la capacité de décision de l’infirmier sans la soumettre à des calculs d’algorithmes. À tout moment, nous pouvons en libre arbitre, quitter cette expérimentation et reprendre le modèle NGAP avec la même patientèle.

Je ne suis pas salarié car être salarié se définit comme : une personne physique liée à un employeur par la conclusion d’un contrat de travail et par une relation de subordination permanente. Le salarié dispose légalement ou conventionnellement d’un certain nombre de droits attachés à son statut : information, expression, paiement d’un salaire minimum en fonction de l’emploi occupé, limitation de la durée du travail, etc. Les devoirs qu’il a en contrepartie vis-à-vis de son employeur, et qui consistent essentiellement dans la fourniture d’un travail selon les instructions qui lui sont données, sont fixés par la réglementation, par le contrat de travail et par l’employeur lui-même. Je reste libre d’organiser ma journée de travail dans la durée et dans l’exercice de la fonction infirmière selon notre décret de compétences.

Un point sur la rémunération, toute action de soins, issue du rôle propre ou du rôle prescrit, est rémunérée suivant le temps passé avec le patient, déterminé et justifié par l’infirmier au forfait horaire de 53,94 € brut. Ceci permet d’adapter la rémunération au temps réel dédié au patient pouvant varier d’un jour à l’autre, d’une personne à l’autre pour un même soin. Aujourd’hui le paiement à l’acte ne permet pas de valoriser certaines actions infirmières parfois chronophages et pourtant nécessaires pour le patient et son entourage. Avec EQUILIBRES, tous les soins sont pris en compte. Il n’y a plus d’acte rémunéré à moitié ou gratuit.

De la nécessité de changer de paradigme 

A l’heure du plan gouvernemental "Ma santé 2022 " et de la loi qui l'accompagne et qui met en lumière la prévention, l’éducation, la santé publique, le maintien à domicile, le comité technique de l’article 51 ouvre à la profession infirmière une expérimentation qui va dans le sens de la reconnaissance de toutes ses compétences et donne des moyens pour les mettre en œuvre. Tout changement de paradigme peut questionner, faire peur de manière légitime. Sortir des sentiers battus et de notre zone de confort, nous oblige à reconsidérer nos pratiques professionnelles dont l’objectif premier est de répondre à notre mandat social. L’évaluation pourra seule déterminer les avantages et les inconvénients de ce mode d’exercice tant pour les patients, le système de santé que pour notre profession. Toute spéculation semble à ce jour prématurée car non construite sur des arguments valables produits par des faits, des résultats. Elles ne peuvent être que des procès d’intention. Seul l’avenir et l’évaluation seront porteurs de réponses à toutes interrogations.

Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’ils ne vous prennent à la gorge. Winston Churchill

Dominique Jakovenko
Infirmier libéral


Source : infirmiers.com