Par atavisme, la mairesse du village de Mazières-en-Gâtine (79), soucieuse de respecter chacun, est une adepte de la démocratie participative. Un héritage de son expérience d’infirmière. Ce portrait est paru dans avenir & santé de mars 2012, le magazine de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), que nous remercions de cet échange productif.
En 1969, Nicole Fortuné, fille d’un artisan boulanger et d’une mère au foyer, sort, à vingt-et-un ans, de l’École de la Croix-Rouge à Limoges muée, dès la plus tendre enfance, par le désir « d’apporter du mieux-être et de soulager ». « J’avais soif de connaître », se souvient simplement l’ancienne étudiante. Elle entame sa carrière en tant que panseuse en salle d’opération à l’hôpital de Niort où officie également son mari. Un contexte oppressant pour le couple qui opte en 1972 en faveur de l’exercice libéral. Les jeunes parents aspirent à un retour aux sources et s’établissent au cœur de ce milieu rural qui est le leur, à Mazières-en-Gâtine dans les Deux-Sèvres, une région de tradition ouvrière et agricole. Une contrée de taiseux.
Un rouage de la chose publique
Nicole Fortuné étoffe ses acquis à l’intention du Troisième âge en concourant à l’ouverture, dans sa commune, d’un réseau gérontologique pluridisciplinaire de soins à domicile qui associe les professionnels concernés en coordination avec le SSIAD. Parallèlement, elle suit un DU en soins palliatifs et accompagnement des personnes en fin de vie, en 1992 à la faculté de Bordeaux : « Un tel cursus a conféré davantage de sens à mon activité. J’étais parfois démunie devant la douleur et la souffrance. Je souhaitais éviter des hospitalisations trop précoces ».
Pareille implication dans le quotidien de ses concitoyens la conduit à côtoyer nombre d’acteurs du paysage local et à s’intéresser à la chose publique dont elle est indirectement l’un des rouages. Des penchants qui incitent, en 2001, le maire Jean Cantet, en poste depuis trente ans, à lui demander de lui succéder, quitte à l’épauler au début, alors qu’elle n’a jamais été membre du conseil municipal. « J’ai longuement réfléchi et j’ai accepté le challenge », raconte l’édile. « J’ai sollicité des éléments compétents qui ont constitué ma liste. Nous avons obtenu 90 % des voix dans la mesure où nous étions les seuls en lice ». Bis repetita en 2008 avec, à la clé un score triomphal (80 % des suffrages) en dépit d’une opposition naissante consécutive à la construction d’une déviation de la départementale qui traversait le bourg et qui était empruntée quotidiennement par 1 500 camions.
« Je suis attentive à la dimension sociale »
Les fonctions électives et infirmières se sont cependant vite avérées inconciliables en terme d’emploi du temps : « Progressivement, j’ai transféré mes patients à mes collègues et, aujourd’hui, je ne suis présente au cabinet que de 7 h 00 à 9 h 00 du matin. En revanche, je pense avoir bien appréhendé mes rapports avec les gens. J’ai veillé à ne pas mélanger les genres. Dans le cadre médical, j’étais Madame l’infirmière et non pas Madame le Maire. Par ailleurs, être au courant de l’état de santé de certains de mes administrés n’a pas été problématique ni à leurs yeux ni aux miens ».
« Mon métier m’a énormément aidée, par exemple dans la gestion des conflits », assure Nicole Fortuné. Une petite municipalité ressemble en effet à une entreprise. Les relations humaines sont primordiales. Ma formation m’a dotée d’un savoir-être et d’un savoir-faire adéquat. Ma sensibilité a souvent transpiré dans ma manière d’aborder les dossiers. Je me suis toujours évertuée à être au service de tous les habitants, de les inclure au maximum dans le processus de décision, de beaucoup communiquer avec eux, bref, d’être consensuelle. Et quand on me parle d’économie, moi, je suis attentive à la dimension sociale. Comme lorsque l’on est infirmière, il faut être capable de donner sans attendre une contrepartie ».
Un investissement qui s’achèvera en 2014, car après avoir pris sa retraite en septembre prochain, Nicole Fortuné, que les honneurs indiffèrent, ne briguera pas un nouveau mandat. Il sera l’heure de se consacrer à des missions humanitaires. Une autre vocation.
Pérenniser l’offre de soins rurale
Madame le Maire n’a pas hésité à profiter des attributions qui lui sont conférées pour œuvrer dans les domaines qui lui sont chers. Sous son égide, l’EHPAD de Mazières-en-Gâtine a fusionné, en 2006, avec celui situé non loin de là, à Château Bourdin. La nouvelle structure compte donc une double antenne et une direction tournante assumée alternativement par le président de chacun des Ehpad, Nicole Fortuné étant à la tête de l’établissement de Mazières.
Elle a également fortement contribué à la construction de dix habitations dans son village, des lieux de vie transitoires à l’intention des personnes âgées qui désirent ne plus demeurer à leur domicile trop isolé mais conserver un minimum d’indépendance au sein de leur propre logement.
Autre chantier d’importance, la désertification médicale dans la mesure où la plupart des praticiens officient dans les grandes agglomérations environnantes, Niort, Poitiers ou La Rochelle. Avec le Centre communal d’action sociale, l’édile entend favoriser le regroupement de professionnels de santé et, par conséquent, faciliter leur installation quitte à leur allouer un local. « Nous sommes à la recherche d’un ou deux médecins qui accepteraient de s’implanter ici », confirme Nicole Fortuné dont le cabinet déménagera par ailleurs au cœur du bourg lorsqu’elle se retirera en septembre prochain. Ses six consœurs y exerceront avec la volonté de pérenniser et de développer une offre de soins de proximité garante du maintien de la démographie en zone rurale.
Bibliographie
- Article paru dans avenir & santé n°402, mars 2012, pp. 38-39, le magazine de la Fédération Nationale des Infirmiers
Alexandre TERRINI
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