Nouvel article, passionnant et bienveillant de notre nouvel ami Le Gazier. Il traite de l'hypnose conversationnelle au bloc, ou comment rendre son patient heureux et confortable sans hypno/kéta… Merci de ce partage !
Quand je parle d’hypnose médicale autour de moi, je reçois deux types de réponses :
- la réponse des curieux sarcastiques : ils sont intrigués par cette « nouvelle » façon de faire de l’anesthésie, ils sont peut être attirés par le côté mystique/magique/obscur/… de l’hypnose. En général j’ai droit à des remarques du style :
alors le magicien, ça marche ton truc d’hypnose là ?
outu veux pas essayer sur moi, dis steuplé…
ou encorevous faites des séances de groupe ?? La lévitation vous en faites ? Vous volez vraiment?
; - la réponse des réfractaires : ils sont totalement fermés à ce type de pratique, soit par incompréhension, par croyance ou tout simplement par peur. J’ai droit à des remarques du genre « c’est pas avec ton hypnose que tu vas réussir à lui mettre la Carlens » ou « c’est de l’effet placebo, c’est juste de la relaxation » ou encore « ca sert à quoi de lui faire imaginer qu’il est sur la plage alors qu’il va finir en réanimation? ».
Toutes ces réflexions ont le don de m’énerver. Alors vu que les images et les émotions valent mieux que des mots, voici une vidéo tournée dans le Groupe Hospitalier Mutualiste de Grenoble, qu’on nous a gentiment autorisé à diffuser à nos collègues pour faire passer le message. Je vous invite donc à la regarder jusqu’à la fin. Elle est intitulée : L’absence de communication au bloc.
Alors? Que celui qui n’a pas ressenti le moindre malaise se désigne, il n’est certainement pas humain ! Et que celui qui ne s’est pas au moins un peu reconnu dans cette vidéo le dise, soit c’est Mr Perfect, soit il ne travaille pas et ne voit pas de patients.
Cette situation là, tous les patients la vivent tous les jours au bloc opératoire, dans tous les hôpitaux du monde. Et pour beaucoup de médecins, ça leur semble normal… Est ce que ça vous semble normal de ne pas dire bonjour au patient, ni de se présenter et de lui dire allez penchez vous en avant et rester immobile, ça va piquer… mais bordel, restez immobile je vous dis, je vais pas arriver à vous piquer sinon…. allez c’est bientôt fini, serrez les dents ça va passer
… Est-ce que cela vous semble normal ? J’ai déja vu un anesthésiste réanimateur engueuler une patiente parce qu’elle pleurait car il avait du mal à lui faire son bloc paravertébral. C’est à croire que nous sommes dénués de toute humanité et de toute émotion… Sommes-nous tellement blasés par ce qu’on a pu vivre et voir qu’on ne ressent plus aucune empathie ? Pour certains, on dirait qu’engueuler un patient pour qu’il arrête de bouger et d’avoir mal, semble plus normal que de lui parler gentiment avec douceur et empathie… (par ce qu'être empathique et compréhensif ça va deux secondes, mais au bout d’un moment c’est chiant…).
On a tous fait ce métier pour s’occuper des gens, les soigner, les rassurer. La qualité première d’un bon médecin est le respect et l’empathie envers le patient. Mais si vous traînez dans les blocs opératoires, en réanimation et aux urgences, vous verrez que cette empathie n’est pas toujours présente. Le respect, la politesse et l’empathie envers les patients ont tellement disparu de nos pratiques qu’on a été obligé de créer des formations pour nous dire qu’il faut parler au patient de manière calme, positive et douce avec empathie et respect… oui je vous parle bien d’hypnose.
Citation « Ces « techniques » de conversation hypnotique peuvent être utilisées seules sans avoir besoin d’induire un transe formelle. C’est uniquement une manière d’être et de parler qui permet d’accompagner le patient.
La conversation hypnotique
En hypnose, on fait la différence entre hypnose dite « formelle » ou transe hypnotique (c’est-à-dire un protocole bien défini d’induction d’une hypnose profonde) et la conversation hypnotique ou hypnose conversationnelle. L’hypnose conversationnelle pourrait se résumer à un langage particulier : mots positifs, discussion avec le patient, appel à l’imaginaire et au passé agréable, confusion, synchronisation respiratoire ou pacing, mirroring ou « imitation » du patient et bien d’autres techniques… Ces « techniques » de conversation hypnotique peuvent être utilisées seules sans avoir besoin d’induire un transe formelle. C’est uniquement une manière d’être et de parler qui permet d’accompagner le patient. On y retrouve des éléments et techniques de psychologie, de méditation, de communication et aussi tout simplement des qualités humaines telles que l’empathie, le respect, la politesse et l’altruisme. Ces techniques vont permettre au patient de se sentir écouté, réconforté et de sentir qu’on s’occupe bien de lui, afin de lui rendre le séjour au bloc opératoire plus agréable. D’autre part l’hypnose conversationnelle est une forme d’hypnose en soi, qui utilise l’imagination et donc l’inconscient du patient pour le distraire de ce qui se passe réellement dans la salle.
Certains patients choisissent de se faire opérer (chirurgie esthétique) mais la très grande majorité des patients n’a pas le choix. La période périopératoire est déja suffisamment désagréable pour eux, si au moins vous pouvez leur rendre le séjour au bloc opératoire agréable et confortable, ils vous en seront reconnaissant. C’est d’ailleurs agréable d’entendre des patients vous remercier personnellement et d’avoir l’impression d'une vraie connexion avec eux (autre que : avez vous un dentier, êtes vous à jeun
…), c’est enrichissant et gratifiant.
Tout le monde peut faire de la conversation hypnotique sans savoir/vouloir faire de l’hypnose formelle.
Voila à quoi à ça ressemble L’hypnose conversationnelle positive. Regardez !
Alors? C’est carrément mieux non? Plus de malaise, mais plutôt un sentiment de joie, de bien-être et de reconnaissance. Dans cette dernière vidéo, plusieurs techniques ont été utilisées, mais il suffit de commencer par un seul petit changement dans nos attitudes et notre langage pour faire une grande différence!
J’espère avoir pu vous ouvrir les yeux, vous avoir fait réaliser l’importance d’une bonne communication avec le patient. Mes propos en début d’article étaient volontairement provocateurs et violents. On ne se rend souvent pas compte des mots et des images qu’on utilise, alors qu’elles sont très négatives et puissantes. Pas besoin de vous convaincre, vous comprendrez tout seul qu’un patient confortable est beaucoup plus facile à gérer en pré, per et postopératoire qu’un patient qu’on traite comme un « bout de chair » sur lequel on pose des perfusions, des cathéter et des capteurs. (excusez moi pour la brutalité de cette image mais parfois ça ressemble à ça). On est parfois tellement immergé dans l’aspect technique et scientifique de notre métier qu’on oublie qu’on a à faire à des vrais personnes. C’est tout simplement humain et normal de réconforter son patient et de le considérer avec toutes ses peurs, ses appréhensions et ses émotions. En plus si vous l’accompagnez depuis son accueil au bloc jusqu’à l’induction, vous aurez un réveil bien plus calme et aisé que si vous ne l’aviez pas fait. Il est même possible de suggérer au patient des idées de « protection contre la douleur » et des images d « estomac calme et serein » qui préviennent les NVPO!!
Pas besoin de vous convaincre, vous comprendrez tout seul qu’un patient confortable est beaucoup plus facile à gérer en pré, per et postopératoire qu’un patient qu’on traite comme un « bout de chair » sur lequel on pose des perfusions, des cathéter et des capteurs.
Quelques bons conseils pour accompagner vos patients au bloc…
En attendant un article détaillé sur quelques techniques de conversation hypnotique, voici déjà quelques éléments à changer dans nos pratiques.
- Bannir les mots désagréables : il faut arrêter de dire des choses comme « je vais vous piquer », « prenez une grande inspiration je vais piquer » celle ci c’est ma top 1 de la phrase que je déteste le plus !), « je désinfecte la peau ça va être un peu froid », « ça peut chauffer dans le bras », « ça peut faire un peu mal » « ça ne vas pas être très agréable mais ça va passer vite », « est ce que vous avez froid ? » « vous n'êtes pas trop mal installé ? »… On remplace par un langage positif : « vous pouvez avoir quelques sensations dans le bras » , »est- ce que vous sentez cette fraîcheur sur la peau, c’est agréable? », « avez vous suffisamment chaud? », « êtes vous confortablement installé ? ».
- Suggérer des sensations agréables : « est-ce que vous sentez cette chaleur qui arrive sur la peau ? », « Laquelle des deux jambes est la plus confortable? », « vous sentez ce petit courant d’air, on se croirai au bord de la mer sur la plage… ».
- Faire parler le patient de lui, s’intéresser à lui : poser des questions au patient permet soit de le distraire (pour des questions assez terre-à-terre) - et donc il en oublie les moments désagréables - ou bien de le resituer dans un endroit agréable qu’il connaît. Exemple : « Ah les vacances aux Maldives, comment était la plage? » Cela s’appelle de la dissociation : le patient est physiquement avec vous, mais son esprit est ailleurs, il part dans « son » endroit agréable. Votre rôle est de l’accompagner et de lui poser des questions (au présent) sur ce qu’il voit/ce qu’il fait/ce qu’il entend… pour renforcer cette dissociation et lui faire vraiment imaginer son endroit agréable.
- Faire appel à son imaginaire : utiliser son imagination et celle du patient pour activer des images agréables comme, par exemple : le bruit de la tocométrie ressemble à un galop de cheval ; la chaleur de la couverture chauffante plus le scialytique c’est comme si on était sur la plage avec le soleil qui caresse la peau ; le bruit du scope ressemble un peu à une musique de jazz ; le masque pour la préoxygénation c’est comme le masque de plongée ou le masque des pilotes de chasse….
- La confusion : on discute tranquillement avec le patient et au moment d’un épisode douloureux transitoire (pose de perfusion) on lui pose une question qui n’a pas de sens, ce qui va le distraire de l’instant douloureux. Par exemple : « avez-vous amené vos oreilles aujourd’hui? » ; « êtes-vous allé au marché avec votre mari hier? » alors qu’il vous a dit qu’il était avec sa femme… Certains hypnothérapeutes utilisent aussi des rimes « et vous voyez ce temps qui s’étend et se détend, tant il est temps que ce temps s’étende… » ; une phrase qui ne veut absolument rien dire, l’idée est de saturer l’esprit du patient pour que sa partie consciente « décroche » et laisse la place à l’inconscient, ce qui permet d’induire une transe hypnotique.
- Dernier message important : faites tourner ces vidéos, faites les tourner pour que vos collègues anesthésistes, infirmiers anesthésistes, infirmier diplômé d’état, infirmier de bloc, chirurgien, urgentistes... comprennent l’intérêt de ce langage et d’une prise en charge plus douce, positive et personnalisée des patients. Pour les personnes motivés, je vous conseille aussi de montrer ces vidéos à vos administrations, à votre directeur d’établissement pour qu’il vous finance une formation et qu’il vous aide à mettre en place une stratégie d’amélioration de la qualité de prise en charge et d’accueil des patients.
Merci d’avoir pris le temps de me lire et de regarder les vidéos. Rien que le fait de voir ces vidéos et d’avoir une petite information sur ce qu'est vraiment une bonne communication avec le patient, permettra déjà de faire changer quelques petites choses dans votre pratique quotidienne, d’améliorer la satisfaction des patients et d’informer vos collègues. D’ailleurs si vous pratiquez un peu l’hypnose conversationnelle au bloc, vous verrez que vos collègues s’y mettront spontanément et arrêteront de discuter fort dans la salle pendant que vous ferez votre induction. Cela permet aussi de changer l’ambiance au bloc, d’avoir des soignants plus heureux et contents d’être là.
Cet article « Comment rendre son patient heureux et confortable sans hypno/keta ? » a été publié sur le blog Le Gazier - L'anesthésie et la réanimation sans prise de tête. Merci pour ce partage qui s'avère toujours passionnant… et bienveillant !
Le Gazier http://legazier.com/
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