La sociologue Sophie Divay, sociologue au Centre d’Économie de la Sorbonne de l’Université de Paris 1, s’est intéressée dans l’une de ses dernières recherches à la carrière des infirmières. Selon elle, « les infirmières bénéficient d'un marché du travail très favorable, qui fait aujourd'hui figure d'exception. Comme le démontrent leurs trajectoires, diverses et contrastées, elles disposent d’une sécurité d’emploi dont la plupart des salariés sont privés. Elles peuvent ainsi prendre, sans grand risque, la décision d’arrêter de travailler, notamment pour élever leurs enfants, étant assurées de retrouver un emploi, même après plusieurs années d’inactivité et avec une faible expérience professionnelle... ». Suite de son analyse dans le texte de synthèse à suivre.
Voilà ce que Sophie Divay souligne en synthèse de son travail de recherche intitulé « Les carrières des infirmières, plus horizontales que verticales »1. « Les infirmières tiennent un discours intéressant sur leur carrière. D’un côté, elles soulignent que les possibilités d’ascension professionnelle sont faibles ; elles peuvent suivre une formation après avoir passé un concours et devenir cadres de santé ou encore se spécialiser et devenir infirmières anesthésistes, infirmières de bloc ou infirmières puéricultrices. Mais dans tous les cas, les places sont rares et les concours sélectifs. D’un autre côté, elles se félicitent de la diversité des modes d’exercice de leur profession qui leur offre le choix entre de nombreuses situations d’emploi : infirmières du travail en entreprise, infirmières scolaires à l’école, infirmières en libéral ou en intérim...
Ces faibles possibilités d’ascension professionnelle et cette diversité de modes d’exercice se conjuguent dans un contexte socioéconomique favorable à ces soignantes. Bien que leur effectif s’élève aujourd’hui à plus de 500.000, les infirmières font défaut dans les établissements de soins où nombre de leurs postes sont vacants. Le marché du travail des infirmières présente une configuration rare de nos jours. Les vendeurs de force de travail sont moins nombreux que les acheteurs qui connaissent ainsi une pénurie de main-d’œuvre dans leurs établissements. »
La première partie de sa recherche traite des possibilités de carrière que l’on qualifiera d’horizontales. « Dans les hôpitaux comme dans les cliniques privées, explique Sophie Divay, les infirmières se voient proposer des « postes maison » (postes de coordonnatrices, de responsables d’une mission particulière, etc.) ou des fonctions non statutairement reconnues (faisant fonction de cadre). Leur fiche de poste évolue, leurs responsabilités s’accroissent sans pour autant que leur situation d’emploi change sensiblement, changement que certaines ne recherchent d’ailleurs pas, mais dont elles bénéficient tant les besoins en personnel sont importants dans leur établissement. Il est à ce propos intéressant d’observer les négociations qui s’instaurent entre offreurs et demandeurs d’emploi. Les infirmières disposent toutes d’une marge de manoeuvre pour imposer leurs conditions, mais les candidates externes semblent davantage enclines à défendre leur niveau de rémunération. »
En second lieu, sont abordées les évolutions de carrière verticales, c’est-à-dire le passage cadre qui représente une forme d’ascension professionnelle. Pour Sophie Divay, « un rapide examen de l’historique de cette fonction montre que cette catégorie d’encadrantes a connu deux moments de transformation ou tournants, celui de la laïcisation du personnel infirmier et celui de la managérialisation de leur mandat. Aujourd’hui, les postes de cadres de santé attirent peu de candidates, nombre d’entre eux étant vacants dans les établissements de soins. Cette faible attractivité s’explique notamment par l’impuissance des cadres à améliorer les dysfonctionnements dans les services et par l’inconfort du rôle de cadre mandaté pour faire accepter les restrictions budgétaires par leur équipe. L’absence d’un véritable pouvoir d’action et le manque de reconnaissance salariale conduisent bien des infirmières à fuir ces postes de cadre de santé, et parfois à fuir l’hôpital pour aller exercer leur métier dans d’autres conditions de travail moins pénibles. »
Les parcours professionnels de ces infirmières, faisant partie de la catégorie des professions intermédiaires, prennent donc majoritairement la forme d’une carrière horizontale. Ce type de carrière est jugé satisfaisant du point de vue de la diversité des activités de travail, mais insatisfaisant quant au niveau des rémunérations proposé.
« En 2012, être infirmière consiste toujours à exercer un beau métier… mal payé ! », conclue la sociologue que l’on pourra également lire dans un dossier à paraître de la revue Sociologie Santé2, dossier constitué sous sa direction et intitulé « Les infirmières : un groupe professionnel aux multiples facettes ». Nous aurons à cœur de nous y intéresser de la même façon.
Notes
- « Les carrières des infirmières plus horizontales que verticales », Sophie Divay Centre d’économie de la Sorbonne (CES), Université Paris 1, Centre associé régional du Céreq pour la région Ile-de-France, publié sur Net.Doc n°90, mars 2012 ; document à télécharger dans son intégralité
- Sociologie Santé, n°35, mars 2012 ; revuesociologiesante.free.fr/
Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef infirmiers.com
bernadette.fabregas@infirmiers.com
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