Depuis quinze ans, Nadia Lanker est aide-soignante dans un service de réanimation. Depuis tout ce temps, elle observe, et observe encore. Pour voir, comme elle, ce qui est parfois imperceptible, arrêtons-nous sur les quelques lignes qu'elle a partagées avec notre rédaction pour raconter son quotidien, celui des soignants, et celui des patients privés de parole. Merci à elle de nous prêter son regard.
L’être humain naît dans la parole et ne doit pas mourir dans le silence
Pour tous les sceptiques, je vais vous conter ce qu’est mon service de réanimation. Aujourd’hui, la majorité des patients qui arrivent en réanimation sont pluri-pathologiques, et encore plus depuis le COVID. Souvent, nous sommes confrontés à la mort. Mais, avant la mort il y a la vie. Moi, je suis aide-soignante en réanimation depuis 15 ans, je suis les yeux des médecins et des infirmières... J’entends parfois ce qui ne peut être entendu ; quelquefois, je vois ce qui ne peut être vu. Dans de nombreux hôpitaux, le service de réanimation se situe dans un endroit isolé. C’est un endroit fermé : il vous faut montrer patte blanche pour y pénétrer. Les portes sont toutes fermées, souvent avec des codes. La spécificité de ce service, c’est qu’il est très technique. Et il est souvent perçu comme un monde à part. C’est un endroit où l’urgence est partout, cette urgence est omniprésente dans tous le service, elle rôde. Elle joue avec les patients et s’amuse des soignants.
Le patient est entouré de machines, de scopes, de pousses seringues, en passant par le respirateur... Toutes ces machines battent, sonnent. Oui, elles battent comme le battement d’un cœur, le cœur de la réa
Quand la vie danse avec la mort
La mort est partout, mais la vie aussi. La vie et la mort se croisent, se heurtent, se bousculent... elles se font même violence. Elles dansent ensemble et souvent se retrouvent réunis au chevet du patient. Les chambres de réanimation sont très techniques, le patient est entouré de machines, de scopes, de pousses seringues, en passant par le respirateur... Toutes ces machines battent, sonnent. Oui, elles battent comme le battement d’un cœur, le cœur de la réa. Et surtout, le respirateur avec son souffle régulier et haletant. Et dans cette chambre, seul, entouré de ces machines souvent les yeux fermés, le bruit sourd des alarmes deviennent terrifiantes, anxiogènes pour lui, le malade, le patient, cet être des plus vulnérables face à la maladie.
Si nous le voulions, nous pourrions comparer le service de réanimation à une grande ruche agitée et bruyante. Et le personnel soignant, de petites abeilles qui travaillent sans cesse. En fait, il règne un bruit incessant, un grand brouhaha qui ne s’arrête jamais. C’est un service animé où il y a toujours du monde, il y a toujours l’urgence. Urgence de la vie, urgence de la mort. Pour simplifier, je dirais que la réanimation est une grande fourmilière, un grand labyrinthe bruyant, stressant, anxiogène ; une grande plateforme technique en plein cœur de l’urgence.
Elles courent chambre 19 et elles arrêtent de courir, le patient est décédé. Alors elles posent leurs mains sur lui. Elles le rasent, le coiffent, le lavent. Elles sont tristes : aujourd’hui, c’est la mort qui aura pris la vie malgré tous leurs efforts
Courir, toujours courir...
Alors, toutes ces petites abeilles en blouses blanches, elles courent...
Elles courent chambre 1 parce que le patient s’est extubé.
Elles courent chambre 2 car ce patient fait un arrêt cardiaque.
Elles courent chambre 3 pour cette entrée Covid qui va mal.
Elles courent chambre 4 poser un cathéter de dyalise car les reins de cette dame ne fonctionnent plus.
Elles courent chambre 5, changer ce patient qui vomit.
Elles courent chambre 6 laver ce patient.
Elles courent chambre 7 pour intuber cette patiente et l’envoyer en urgence à la grande garde neurochir.
Elles courent chambre 8 pour rassurer cette maman.
Elles courent chambre 9 pour sortir ce papy car une jeune femme arrive avec le samu.
Elles courent chambre 10, ou 11 ou 12...
Elles courent chambre 19 et elles arrêtent de courir, le patient est décédé.
Alors elles posent leurs mains sur lui. Elles le rasent, le coiffent, le lavent.
Elles sont tristes : aujourd’hui, c’est la mort qui aura pris la vie malgré tous leurs efforts.
Juste pour vous dire que la vie est précieuse et que face au Covid, nous les petites abeilles en blouses blanches, nous ne sommes pas des magiciennes. Alors respectez les gestes-barrière. Car peut-être que demain, vous pourriez voir de plus près notre grande ruche.
Nadia Lanker est aide-soignante, elle partage avec nous son texte publié sur sa page Facebook.
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