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A lire – Un plaidoyer pour la défense de la psychiatrie

Publié le 17/07/2012
A lire – Un plaidoyer pour la défense de la psychiatrie

A lire – Un plaidoyer pour la défense de la psychiatrie

42 années au chevet de la psychiatrie (1969-2011) ou la psychiatrie vue de l’intérieur... Jean Fleuré, infirmier de secteur psychiatrique, par son long récit, nous plonge dans un univers peu familier, celui du « monde de la folie », un monde dont on parle peu ou mal.

Tout commence avec Jean-Baptiste Pussin... surveillant à la Salpêtrière il y a deux cent ans. Bras droit du Dr Pinel, il entreprit de libérer les « fous » de cette époque qui étaient encore souvent enchaînés dans des conditions épouvantables. S’appuyant sur son expérience d’infirmier de secteur psychiatrique, Jean Fleuré, relate ses quarante ans de vie professionnelle passées dans le même établissement, le Centre Hospitalier Spécialisé du Bon sauveur, à Caen.
Les bouleversements auxquels il assiste (et auxquels il participe…) reflètent l’évolution spectaculaire du monde de la psychiatrie durant toutes ces années. Embauché comme « gardien des fous » en 1969, il obtient son diplôme d’infirmier psychiatrique deux ans plus tard, puis devient cadre de santé en 1993, avant de finir sa carrière comme cadre supérieur de santé en 2011.

« Le service Saint-Isidore était pourvu de dortoirs vétustes et insalubres comprenant une quarantaine de lits. Les conditions d’hygiène y étaient effroyables : deux toilettes et quatre lavabos pour l’ensemble des patients. »

Profondément humain, passionné par son métier, il ne cessera de bousculer les préjugés pour faire évoluer la profession dans le respect de la personne et dans un professionnalisme exigeant. Son récit se veut la chronique fidèle de tout ce qui a pu le marquer au fil du temps. Dans un style sobre, retenu, Jean Fleuré ne veut rien oublier et dans son grand désir de « transmettre » (ce qui l’a motivé à écrire ce livre), il n’oublie en effet rien ni personne. Entrecoupés de plusieurs portraits (assez synthétiques) de patients ou de collègues, il déroule les chapitres où l’on sent que le monde extérieur frappe furieusement à la porte… : l’état des lieux, terrible, à la fin des années soixante (impressionnant), la lente professionnalisation des soignants, les freins administratifs ou médicaux, les conflits avec certains collègues, le suivi des patients en externe, l’ambiance western des années soixante-dix, « l’age d’or » quelques années plus tard… sans oublier la guéguerre entre la psychiatrie et les soins généraux, la certification, le document unique, la grippe aviaire, la canicule, la réforme de la fonction de cadre, le piège des 35 h…

« Jean Fleuré apporte sa modeste contribution pour que ce « monde » encore décrié de la psychiatrie en ce début du XXIe siècle puisse être reconnu. »

Jean Fleuré aborde tous les sujets en insérant de façon régulière des rappels pédagogiques sur les pathologies, les traitements… L’exercice a cependant ses limites, un seul livre ne pouvant aborder tous les aspects de la question. Nous restons aussi un peu sur notre faim lorsque l’auteur évoque le tout sécuritaire, les interactions de la souffrance psychique avec la société environnante. Mais c’est la règle du jeu, vu la taille (déjà conséquente) de l’ouvrage.
Une petite frustration également en ce qui concerne l’auteur lui-même. Fleuré, qui maîtrise son sujet et se maîtrise lui-même parfaitement, ne se livre pas beaucoup, finalement. On aimerait bien en savoir un peu plus sur le personnage, mais ce n’est pas le but qu’il poursuit. Et puis le style reflète l’homme : volonté d’acier, en lien avec une grande pudeur des sentiments…
Bref, cette chronique du CHS de Caen comblera le lecteur qui s’intéresse à l’histoire récente de la psychiatrie, aux réponses que l’hôpital met en place dans ce domaine si particulier. Il passionnera ainsi celui qui veut comprendre le système de l’intérieur. Cependant, il déroutera peut-être le grand public, de par les querelles byzantines et les subtilités administratives évoquées par l’auteur, trahissant ainsi le côté un peu « usine à gaz » de l’institution.
Hormis cela, cet ouvrage sera très utile aux professionnels, aux étudiants, qu’ils désirent travailler en psychiatrie ou en soins généraux. La « culture psy », chère à Jean Fleuré, est en effet « diluée » dans le programme de formation unique et ce livre vient, modestement, rééquilibrer la balance…

Didier MORISOT
Infirmier en Saône-et-Loire
didier.morisot@laposte.net


Source : infirmiers.com