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RECHERCHE

"Evitons de promouvoir une recherche hors sol" !

Publié le 04/04/2018
Cécile Jaglin-Grimonprez, Directrice générale du CHU d’Angers

Cécile Jaglin-Grimonprez, Directrice générale du CHU d’Angers

Les Journées Francophones de Recherche en Soins (JFRS) 2018 ouvrent leurs portes ce 5 avril. À cette occasion, Cécile Jaglin-Grimonprez, Directrice générale du CHU d’Angers a accordé une interview à Infirmiers.com et Cadredesante.com dans laquelle elle salue le dynamisme des paramédicaux qui se lancent dans le recherche, notamment sur ce territoire. Elle évoque également l’importance de la recherche pour la pratique infirmière et, par ricochet, pour la santé publique.

Pour Cécile Jaglin-Grimonprez, Directrice générale du CHU d’Angers, "il faut éviter de promouvoir une recherche « hors sol », déconnectée des questions de santé". 

Crédit photo : CHU Angers – Catherine Rouger Jouannet

A ses débuts, les Journées Francophones de Recherche en Soins (JFRS) avaient pour objectif de promouvoir la recherche en soins. Aujourd’hui la recherche paramédicale est reconnue et pourtant l’édition 2018 des JFRS rencontre encore un grand succès ; comment l’expliquez-vous ?

Cécile Jaglin-Grimonprez -  En effet, l’intérêt pour cet évènement est toujours marqué. Près de 400 congressistes -très majoritairement infirmiers (cliniciens, enseignants, chercheurs, étudiants…) - sont attendus à cette 4e édition des Journées Francophones de la recherche en soins. Cela atteste de l’intérêt pédagogique de l’évènement, qui reste une occasion unique pour ces professionnels d’acquérir des nouvelles connaissances issues d’une recherche, certes encore émergente, mais extrêmement dynamique. Les soignants prennent conscience que la recherche peut aussi être un mode d’action au quotidien, qui approfondit, vérifie et restructure une pratique soignante. Les JFRS contribuent à cette évolution de perception. On peut affirmer, sans risque de se tromper, que les journées francophones d’Angers ont contribué et contribueront aux évolutions professionnelles.

Ces journées se font l’écho des nouvelles perspectives dans lesquels les hospitaliers doivent s’inscrire pour répondre aux besoins de santé des usagers. Allongement de la durée de vie avec la prise en charge de nouvelles situations cliniques, progrès thérapeutiques et nouveaux outils technologiques issus de la recherche et l’innovation imposent aux métiers médicaux et paramédicaux d’évoluer. Le processus d’universitarisation des formations en santé contribuera à cette adaptation. Ainsi, comme le soulignent conjointement les ministères de la Santé de l’Enseignement supérieur, tous les étudiants en santé doivent avoir une formation par et à la recherche. A ce titre, les instituts de formation en soins infirmiers et la faculté de santé du Maine-et-Loire, en partenariat étroit avec le CHU d’Angers et les CH de Cholet et de Saumur, se sont d’ores et déjà engagés dans ce processus d’évolution, concrétisé par la création d’un département universitaire en sciences infirmières où la recherche et l’innovation pédagogique auront une place prépondérante.

Près de 400 congressistes -très majoritairement infirmiers (cliniciens, enseignants, chercheurs, étudiants…) - sont attendus à cette 4e édition des Journées Francophones de la recherche en soins

La thématique 2018 place la prise en charge des maladies chroniques au cœur de l’événement avec une place prépondérante des paramédicaux. En quoi la recherche peut-elle être une valeur ajoutée à cette mission (entre prévention, éducation, soins et suivi...) et avec quelles innovations ?

C.J-G. - L’accès aux soins et le suivi sur le long terme des patients atteints de maladies chroniques est, comme on le sait, un problème de plus en plus prégnant du fait de la prévalence de ces pathologies. Les parcours de santé de ces patients ne sont pas, à ce jour en France, structurés de façon formelle et optimale. Aux JFRS, Jacinthe Pépin, infirmière canadienne, viendra partager son expérience qui confirme la légitimité, voire le potentiel leadership des infirmier(e)s dans la prise en soins des patients chroniques. Il sera aussi question de pratiques avancées, axe de développement majeur des compétences et des responsabilités des infirmier(e)s, qui consitutent une plus-value dans la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques.

La recherche paramédicale a fait ses preuves, mais tarde toujours à se faire connaître et donc reconnaître (quid des contraintes de publication par ex...). Les paramédicaux souffrent-ils d’un complexe en la matière alors que paradoxalement les PHRIP, très sollicités, sont finalement peu nombreux à aboutir concrètement... Au CHU d’Angers, qu’en est-il ? Les programmes pédagogiques de recherche en soins dans les instituts de formation - et donc en formation initiale - sont-ils suffisamment étayés ? Quid de la place des cadres formateurs en la matière...

C.J-G. - Les premiers PHRIP angevins ont été financés en 2010. Les projets financés respectent le calendrier prévu et les premières publications arrivent. Des publications de bon niveau devraient arriver en 2018. C’est très encourageant et satisfaisant… et cela vaut aussi pour les projets financés par d’autres appels à projets que ceux de la DGOS. Par ailleurs, la dynamique de collaboration inter-régionale souhaitée et soutenue par le GIRCI-GO1 - qui est cette année co-organisateur des JFRS - incite les paramédicaux à des projets collaboratifs multicentriques sur le Grand Ouest. Ces mises en réseau apportent une force et une pertinence particulière aux projets issus de ce territoire.

Quant à votre question sur la formation en recherche, je pense qu’il faut la mettre sur un plan plus général. Celle-ci reste objectivement encore trop peu présente dans la formation des infirmier(e)s. L’approche scientifique reste à travailler, et doit être étayée, soit par la lecture d’articles scientifiques, soit par la participation à des programmes de recherche. Evitons de promouvoir une recherche « hors sol », déconnectée des questions de santé. La démarche des étudiants reste donc souvent et avant tout personnelle. Or, il nous faut dispenser un savoir nouveau généralisable. La possibilité de création de Départements Universitaires en Sciences Infirmières devrait faciliter l’intégration de nouvelles approches pédagogiques et de savoirs plus centrés sur la discipline infirmière. Nous sommes également entourés de modèles universitaires qui devraient nous aider à choisir des approches ambitieuses qui restent adaptées au contexte français, qui est indéniablement en mutation.

Une solide formation initiale ancrée dans une discipline infirmière bien définie est indispensable pour pouvoir travailler ensuite dans une dynamique d’inter professionnalité.

Les cadres de santé ont-ils aujourd’hui le temps et les moyens d’impulser ces démarches de recherche ?

C.J-G. - Ce n’est pas uniquement une question de temps, même si les missions des cadres sont centrées sur le management des ressources humaines. La formation à la recherche dans les Instituts de formation des cadres de santé (IFCS) reste aussi perfectible.

Enfin, la recherche paramédicale s’appuie-t-elle aujourd’hui suffisamment sur la pluridisciplinarité, s’enrichit-elle d’interlocuteurs extérieurs à l’hôpital - quid des patients ? - pour développer des programmes mixtes, ouverts, où la synergie hôpital / ville n’est pas un vain mot ?

C.J-G. - Une solide formation initiale ancrée dans une discipline infirmière bien définie est indispensable pour pouvoir travailler ensuite dans une dynamique d’inter professionnalité. C’est parce que les professionnels possèderont les fondamentaux de leurs disciplines qu’ils pourront travailler efficacement ensemble par la suite. Cela ouvre aussi la perspective d’écoles doctorales et de laboratoires de recherche universitaires au sein desquels des problématiques de santé, particulièrement dans le domaine des maladies chroniques, pourraient être étudiées en interdisciplinarité. Par ailleurs, je suis convaincue de l’importance de la place des patients, en tant que partenaires et détenteurs de « savoirs propres », dans les programmes de recherche. Preuve en est : des ateliers traitant de la maladie chronique et de la place des patients dans les programmes de recherche sont organisés aux JFRS 2018.

Note

  1. Groupement interrégional pour la recherche clinique et l’innovation Grand Ouest

Prix de la Communication orale

Cadredesante.com et Infirmiers.com sont, comme à chaque édition, partenaires de cette manifestation qui rassemble en moyenne plus de 400 professionnels paramédicaux dans la cité angevine. Ils parrainent cette année le Prix de la Communication orale qui sera remis le jeudi 5 avril en fin d’après-midi.

Propos recueillis parBernadette Fabregas Rédactrice en chef Infirmiers.com bernadette.fabregas@infirmiers.com  

Et Bruno Benque 
Rédacteur en chef cadredesante.com  bruno.benque@cadredesante.com


Source : infirmiers.com