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AU COEUR DU METIER

Ce système de santé s’autodétruira dans…

Publié le 25/05/2018
maison qui brûle

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La qualité des soins en chute libre, les soignants s’engagent toujours plus pour pallier cette dégradation. Résultat : la situation devient intenable ! Tel est le constat de cette nouvelle enquête réalisée auprès de plus de 2000 professionnels de santé dont la majorité était des infirmiers. Ceux-ci jugent aujourd’hui la qualité des soins "très moyenne" et sont "pessimistes" quant à son évolution…

La qualité des soins est en chute libre, les soignants en payent le prix !

Mention tout juste passable ! Les médecins et les infirmiers en exercice jugent que la qualité des soins en France mérite à peine la moyenne alors que notre système de santé est considéré comme un des meilleurs du monde. C’est ce que révèle une enquête en ligne réalisée par 360 médics en partenariat avec Egora. Elle démontre notamment une dégradation importante du système de soins sur ces cinq dernières années.

En effet, 2697 professionnels de santé ont complété le sondage mis en ligne du 12 au 30 avril 2018. En totalité, les réponses de 951 médecins (44%) ou étudiants en médecine et 1217 infirmiers (56%) ou étudiants en soins infirmiers (encadré ci-dessous) ont été conservées pour analyse. Parmi les infirmiers, une petite majorité était salariée à l’hôpital. De manière générale, les données ont été pondérées selon le métier exercé et le mode d’exercice. Ainsi, la note des infirmiers en exercice représente 72,23% de la note finale.

L’autodestruction du système santé est en cours

La qualité des soins : une baisse drastique depuis 5 ans

La perception de la qualité des soins par les professionnels de santé est au plus bas : les infirmiers en exercice délivrent la faible note de 5,11/10. Pour les paramédicaux salariés non hospitaliers, celle-ci bascule même en dessous de la moyenne avec 4,87/10. Pour comparaison, les praticiens sont à peine plus cléments avec une note de 6,31/10. Ce jugement sévère pourrait avoir une moindre signification si le sentiment de dégradation n’était pas aussi important sur ces cinq dernières années. En effet, 88 % des professionnels de santé (77% des médecins et 92% des infirmiers en exercice) pointent du doigt une déliquescence du système de soins.

Ce sentiment est d’autant plus fort pour le personnel hospitalier (64% des infirmiers de la fonction publique contre 55% des libéraux). Le constat est particulièrement affligeant en Bretagne, sans doute parce que c’est une zone engagée dans ce domaine. En effet, plus les professionnels sont engagés plus leur jugement est sévère.

De plus en plus de contraintes et de moins en moins de temps

Le principal facteur impactant est, sans surprise, la surcharge de travail qui pèse sur les soignants. Les salariés non hospitaliers sont les premiers à demander davantage de personnel. Alors que d’après le rapport de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) il n’y aurait jamais eu autant de soignants ! Mais la vérité c’est que l’on n’a jamais eu non plus autant de patients âgés et pluripathologiques qui nécessitent une prise en charge complexe, explique le Dr Grégoire Pigné, président de 360 médics. Ensuite, ce sont les contraintes administratives imposées (comme le tiers payant) qui sont citées comme élément déclencheur, juste avant le manque de moyens financiers.

Si on regarde à présent à l’échelle de l’individu : même constat. Les conditions matérielles sont considérées comme la cause principale de la dégradation de la qualité des soins notamment pour les infirmiers exerçant à l’hôpital. Le moral et le mal-être est le second facteur signalé. Le malaise semble plus présent chez les paramédicaux qui semblent faire face à une pression accrue. Ils ont le sentiment d’une perte d’accomplissement professionnel, suggère le praticien en mettant en lien l’enquête menée en novembre sur les professionnels de santé montrant un réel épuisement moral comme physique chez la totalité des répondants (47% avaient été touchés par un burn out et 53% reconnaissaient que leur état avait des répercussions sur leur capacités au travail).

Les soignants s’engagent davantage pour pallier cette dégradation

Le désir de bien faire toujours présent

Malgré la situation, les soignants restent très engagés. Par exemple, ils sont 96% à participer activement à transmettre de manière qualitative les informations aux patients. De même, les professionnels tiennent à être à jour sur leurs connaissances. Un infirmier sur deux se tient informé de l’actualité spécialisée de manière au minimum hebdomadaire (contre 8 médecins sur 10). Mieux encore, 20% des infirmiers libéraux le font de façon quotidienne.

Au niveau individuel, cet engagement est encore plus visible, et ce quel que soit leur mode d’exercice. Seuls 14% des infirmiers admettent être démotivés et faire preuve de moins d’engagement personnel. Au contraire, ils sont même encore plus présents afin de pallier la baisse de qualité des soins : 79% ont déclaré redoubler d’efforts dans ce sens.

En outre, pour améliorer les soins, les professionnels de santé tentent de mettre en place des stratégies. Par exemple, 7/10 ont recours à divers outils pour s’aider dans la pratique quotidienne. Les bases de données médicamenteuses et les messageries sécurisées de santé figurent parmi les outils les plus sollicités y compris par les infirmiers. Les délégations de tâches peuvent être l’une des raisons.

On remarque donc un important investissement personnel pour optimiser la qualité des soins de la part de tous les soignant. Mais faute de personnel, ceux-ci sont au bord de l’épuisement. L’autodestruction de notre système de santé est en cours. Il faut faire des économies, or, ce qui coûte le plus cher c’est la main d’œuvre, donc les soignants, souligne le Dr Pigné. Pourtant, la richesse de notre système demeure dans ses professionnels qualifiés ! Pour le praticien, pour enrayer le phénomène, il faut se recentrer sur l’essentiel : les soignants. Le système de soins a été conçu pour servir les professionnels de santé, mais aujourd’hui, au lieu de cela, il leur impose de plus en plus de contraintes. Il préconise également de faire en sorte que ces filières attirent toujours les meilleurs. Dans le même registre, il serait préférable qu’il n’y ait pas d’intermédiaire entre les soignants et les patients. Le professionnel ne travaille plus pour son patient mais pour le réseau de soins. Pour lui, le réseau de soin peut par conséquent imposer des décisions au professionnel de santé, probablement les moins coûteuses mais pas forcément les meilleures pour le patient.

Les étudiants en soins infirmiers sont conscients des problèmes

Parmi les infirmiers questionnés 21% étaient encore étudiants. Toutefois, il se rendent parfaitement compte de la gravité de la situation. Leur note sur la qualité des soins est quasi-identique à celle des infirmiers en exercice (5,28/10 contre 5,11/10). Ils sont 82% à confirmer une dégradation significative et la même proportion pense que cela nécessite un engagement personnel plus important.  A l’échelle individuelle, les facteurs impactant la qualité des soins qui sont cités sont les mêmes que pour les soignants en exercice. En revanche, au niveau global, ils estiment que le mal-être des professionnels de santé et le manque de moyens financiers est plus dommageable que les contraintes administratives. Fait remarquable : ils sont 41% à se sentir très engagés dans une formation diplômante, ce qui n’était pas le cas pour les infirmiers en exercice.

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com