Alors que la création d'une "profession intermédiaire" est à l’ordre du jour de l’amélioration du système de santé, les travaux des parlementaires ont invité uniquement les infirmiers et les médecins à discuter pour amorcer la réflexion. Les Conseils professionnels des autres filières paramédicales ainsi que l’Union Inter Professionnelle de Rééducateurs et Médicotechniques (UIPARM) auront un rôle majeur à jouer s’ils souhaitent voir les autres métiers paramédicaux influer sur les prochaines orientations conduisant à ce statut professionnel intermédiaire. D'autres réactions hostiles ne se sont pas fait attendre face à ce projet de loi, loin de faire l'unanimité...
Le Rapport de conclusions relatif au Ségur de la Santé a élaboré plusieurs constats sur lesquels les parlementaires planchent actuellement dans le cadre de l’amélioration du système de santé par la confiance et la simplification. Une Proposition de Loi (n°3470) a ainsi été déposé le 22 octobre dernier par la député Stéphanie Rist (LREM, Loiret) et comportant plusieurs dispositions susceptibles de favoriser cette amélioration.
"Cette proposition de loi constitue donc la traduction législative des mesures issues des conclusions du Ségur de la santé qui ne relèvent pas du domaine budgétaire. En effet, la crise sanitaire a révélé un besoin urgent de simplification de notre système de santé qui doit s’appuyer sur une confiance renforcée dans nos professionnels de santé. Cette simplification aboutira à un système plus réactif et plus performant grâce à des mesures fortes et nécessaires. Il convient de simplifier les dispositifs actuels pour faire gagner du temps aux soignants et leur permettre de mieux s’organiser, en mettant à profit les compétences de chacun".
Créer un métier intermédiaire de santé
A chaque fois qu’un patient a besoin d’une radio ou d’une prescription de médicament, je dois appeler le médecin de garde pour qu’il vienne prescrire sur notre logiciel de service. Infirmière depuis 20 ans dans l’unité de soins, je ne peux pourtant pas le faire moi-même... Dommage qu’en France, il n'y ait personne entre le bac + 3 de l’infirmière et le bac + 10 du docteur.
Tel est le témoignage recueilli par les enquêteurs du Ségur de la Santé
et répercuté dans le Rapport ad hoc. Il matérialise ainsi la nécessité de créer un statut intermédiaire entre les professions paramédicales et médicales. Le Ségur de la Santé souhaite ainsi lancer une mission de réflexion, associant les ordres professionnels, en concertation avec l’ensemble des acteurs, sur la création d’une nouvelle profession médicale intermédiaire, en milieu hospitalier.
Les Ordres -infirmier et médecin- uniquement invités à discuter
La députée Stéphanie Rist a donc intégré cet item dans la Proposition de Loi N°3470 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification et a commencé à prendre contact avec les institutions représentatives des professions infirmières et médicales pour mettre en place la concertation sur ce sujet. Ce sont effectivement les Conseils nationaux des Ordres (infirmier et médecin) qui ont été choisis pour mener les discussions, ce qui restreint significativement le champ d’application d’une éventuelle profession intermédiaire. Car les professions paramédicales ne se réduisent pas aux seuls personnels infirmiers.
"La création d’une nouvelle profession prévue à l’article 1er de cette proposition de loi répond aux engagements du Ségur de la santé pour inscrire dans le code de la santé publique les conditions de définition de cette nouvelle profession intermédiaire et traduire par décret les orientations qui seront proposées par le conseil de l’ordre des médecins et le conseil de l’ordre des infirmiers".
Un rôle majeur à jouer pour les Conseils professionnels et l’UIPARM
Cette tendance n’est pas, on s’en doute, du goût des autres filières, kinésithérapeutes et manipulateurs d’électroradiologie médicale en tête, qui n’ont pas tardé à réagir. Le Collège National de la Kinésithérapie Salariée (CNKS) a ainsi pris contact avec les représentants des manipulateurs radio, des techniciens de laboratoire et autres, notamment via l’Union Interprofessionnelle des Associations des Rééducateurs et Médicotechniques (UIPARM), afin que ces métiers paramédicaux s’expriment d’une seule voix pour accéder, eux aussi, aux discussions relatives aux métiers intermédiaires. Leurs cursus de formation sont intégrés au processus LMD, certaines de leurs activités mobilisent certaines compétences s’apparentant à de la pratique avancée et se pratiquent en en toute autonomie.
De son côté, l'ANCIM (association nationale des cadres de santé), s'exprime également par communiqué et va dans le même sens. Il est effectivement indispensable que la concertation soit menée avec l’ensemble des acteurs concernés c’est-à-dire l’ensemble des professions du titre I à VII du livre 3 de la partie IV du Code de la santé publique et leurs cadres de santé, cadres supérieurs et directeurs de soins qui semblent à nouveau exclus de ces évolutions aux fins d’envisager avec sérénité l’inclusion d’une éventuelle nouvelle profession et une collaboration avec le corps médical dans un objectif de partage et non de subordinationMais force est de constater qu’en matière de confiance. (...) faire fi, voire renier les cadres de santé, est pour le moins singulier. Quant à la simplification si elle se caractérise par les seules propositions des CNO médecins et infirmiers … c’est à coup sûr prendre le risque d’une démarche contraire au nécessaire décloisonnement indispensable au bon fonctionnement de nos structures.
L’ANCIM dans ce contexte soutient sans réserve et s’associe aux revendications de l’UIPARM et de ses associations, exprimées par communiqués de presse
Quant aux intersyndicales de praticiens hospitaliers, elles se sont fendues d’un communiqué commun pour rejeter cette proposition : Défendre en 2020 la renaissance du corps des « Officiers de Santé » de I803 (exercer la médecine sans avoir le titre de Docteur en Médecine) il fallait y penser : Olivier Véran l’a fait en réclamant en urgence et en catimini, un blanc-seing pour la restauration d’un corps d’exception. En essayant de faire passer en force cette mesure unanimement dénoncée, et refusé en bloc par l’ensemble des professionnels de santé (encore récemment lors du Ségur de la santé) le gouvernement pense retrouver la confiance avec les patients et les professionnels de santé. C’est évidemment tout le contraire. Ce manque de considération pour les uns comme pour les autres est décevant. L’ensemble des organisations syndicales de praticiens hospitaliers demande le retrait immédiat de ce projet de loi incongru, dans son intégralité. Ce texte n’a fait l’objet d’aucune concertation
.
Dernier communiqué en date du 12 novembre 2020, celui des Conférences des doyens de facultés de médecine, de pharmacie, d'odontologie, de la Conférence nationale des enseignants en maïeutique et de la Conférence des Présidents de CME de CHU intitulée "Professions intermédiaires : Ne tombons pas dans la précipitation … surtout en ce moment !". Nos conférences estiment qu’une telle évolution professionnelle ne peut être envisagée sans la contribution des structures de formation et sans l’avis de l’ensemble des responsables professionnels. Les Conférences des Doyens de médecine et de formations médicales, pharmacie, odontologie et maïeutique, déplorent par ailleurs de ne pas avoir été auditionnées par la députée Stéphanie Rist. Il est certes légitime d’explorer toutes les solutions possibles, même les plus archaïques, pour répondre aux besoins médicaux et soignants notamment, mais pas seulement, dans les zones encore à faible densité médicale. La création des infirmiers et infirmières de pratique avancée (IPA) constitue déjà une réponse originale. La première promotion vient d’être formée. Le modèle économique de cette nouvelle formation universitaire et son attractivité ne sont pas stabilisés. Il n’est pas encore possible de faire une évaluation et un retour des professionnels eux-mêmes.
L'Union Nationale des Professions de Santé (UNPS) demande également le retrait pur et simple de l'article 1er de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la «simplification». Pour répondre rapidement aux besoins réels des patients et rendre notre système plus efficient, il est urgent de renforcer la coordination et le décloisonnement des professionnels de santé, déjà compétents, dans leur exercice quotidien, avec des outils interopérables. Les équipes de soins naturellement formées par les professionnels de santé choisis par les patients doivent être enfin valorisées.
Stéphanie Rist devra, si elle souhaite faire vraiment progresser le système de santé dans la confiance et la simplification
, ne pas oublier toute une partie des forces vives soignantes de ce pays et même au-delà si l'on en croit les différentes réactions citées. Il y va de la cohérence même de son action dans ce domaine. Et les Conseils nationaux professionnels auront, dans ce cadre, un rôle prépondérant à jouer. Nous serons bien évidemment attentifs à l’évolution de ce dossier...
Sommes-nous, professionnels de santé, unanimement contre ? Oui ! Et c’est assez rare pour être souligné Le Ministre de la Santé semble particulièrement impliqué dans l’urgente volonté de faire aboutir un texte que personne ne demande. On l’a connu mieux inspiré ! Intersyndicale de praticiens hospitaliers
Bruno Benque, Rédacteur en chef www.cadredesante.com ; bruno.benque@cadredesante.com ; @bbenk34 ; article enrichi par la rédaction d'Infirmiers.com
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