Les infirmiers et les aides-soignants doivent travailler ensemble dans leur exercice quotidien. Seulement, en pratique, tout ne se passe pas toujours de manière optimale, loin s’en faut. Sur le forum d’infirmiers.com, une jeune professionnelle fait part de son désarroi à ses pairs quant à ses relations avec les aides-soignants avec qui elle travaille. Des infirmiers plus ou moins expérimentés mais aussi des aides-soignants tentent de l’aider. Tous remarquent que le sujet est sensible et que cela ne date pas d’hier.
Depuis que je suis infirmière, j'ai toujours senti des tensions entre ces deux métiers. Même dans les services où le travail d'équipe était très présent
, souligne test164211 sur le forum en évoquant les relations entre les IDE et les AS. Elle assure qu’aujourd’hui elle aimerait juste comprendre pourquoi
et avoir l’opinion des aides-soignants.
Mes collègues aides-soignants trouvent que les IDE ne les aident pas suffisamment. D’autre part, les infirmiers estiment que les AS ne leur prêtent pas mains fortes, notamment en ce qui concerne les tensions, la température, les diurèses… Ils en ont assez que les aides-soignants prennent 20 minutes de pause dès le début de la garde pour un café, prennent le petit-déjeuner à 9h, et mangent le midi tous ensembles pendant que les IDE sont seuls en service
, raconte Test164211 qui se sent visiblement démunie face à cette problématique. Apparemment, les deux professions n’arrivent pas à se parler, du côté des AS beaucoup aimeraient être plus impliqués dans les soins, mais beaucoup aussi se plaignent dès que nous leur demandons quelque chose comme une préparation de bloc ou un bilan à descendre. IIs sont très soudés entre eux, mais pas avec les infirmiers. Et inversement.
L’infirmière sollicite des conseils car elle ignore comment enrayer la situation. Les IDE se retrouvent souvent dans le jus car ils aident les aides-soignants en plus de leurs soins. Ils restent seuls face à la montagne de soins à rattraper. Ainsi, avec le temps, ils arrêtent d’aider les aides-soignants car ils s'épuisent. Je ne veux pas en arriver là, c’est pourquoi j’ai besoin de votre aide. En réalité ce que je ressens, comme certains de mes collègues infirmiers avec qui j’ai discuté, c’est que nous avons le souci de bien faire. Du coup, on veut aider tout le monde : AS, ASH, IDE, médecins… mais on se fatigue vite. Plus on en fait, plus on nous en demande. Le service de neurologie où j’exerce ne parvient pas à garder les infirmiers alors que les AS et les ASH sont là depuis longtemps. Je ne comprends pas comment on a pu en arriver là, comment on peut reprocher aux infirmiers de « ne rien faire » ?
J’aimerais qu'ils comprennent notre charge de travail, pour qu'ils se rendent compte par eux-mêmes de ce qu'on peut faire ou non pour les aider. C’est peut-être pareil partout, on a toujours l'impression que ce qu'on fait est plus difficile que ce que fait le voisin...
Une incompréhension des rôles de chacun
Plusieurs infirmiers qui furent auparavant aides-soignants ont réagi à ce témoignage en évoquant l’ignorance face aux tâches à effectuer par chaque profession et la charge de travail qui en découle, notamment AryaShy. J’ai été AS et maintenant je suis IDE. Je pense qu'il y a vraiment une incompréhension des rôles de chacun, accentuée par la grosse charge de travail
. Celle-ci cite pour l’exemple l’ancien service de psychiatrie où elle travaillait. Il y avait beaucoup de toilettes. Les AS se posaient pas mal après le petit-déjeuner et nous, nous n’avions jamais le temps. Ce qui engendrait de gros soucis dans l'équipe car c'était complexe à gérer. Aider sur une ou deux toilettes, bien sûr, mais ils exigeaient que nous en fassions autant qu'eux ! Or, cela empiétait sur notre propre travail d'IDE. Nous n’étions que des jeunes diplômés, ce qui envenime encore la situation et entraîne pas mal de conflits malheureusement. La plupart des aides-soignants refusait d'aller à la pharmacie par exemple car on ne les aidait pas assez. Personnellement, j'avais de bonnes relations avec eux parce que je m'étais fait « bouffer » et que je n'aimais pas le conflit. Résultat : épuisement et burn out. Heureusement j'ai enfin changé d'hôpital…
Pourquoi en arriver là ? AryaShy se pose aussi la question : C'est dommage car cela serait vraiment chouette de travailler avec un vrai binôme si on était en effectif suffisant et ne plus courir dans tous les sens. Comme cela arrive en réanimation ou en soins intensifs. Malheureusement c'est rarement possible. On ajoute à cela des IDE qui refusent les soins d'hygiène et des AS qui refusent d'aider les IDE et cela entraîne des conflits importants. Je pense qu'il faudrait vraiment qu'on puisse travailler à deux pour que chacun voie vraiment le travail de l'autre
.
Ce problème de ne pas se rendre compte de l’ampleur du travail à accomplir pour l’autre profession est également mis en exergue par Lenalan, elle aussi ancienne aide-soignante et aujourd’hui infirmière libérale. J'ai connu cette problématique dans la plupart des services où j'ai travaillé, et je l'ai très mal vécu (parce qu'à "aider" les AS je me mettais en retard et je ne prenais aucune pause et ne partais jamais à l'heure, alors qu'eux, oui). Le jour où tu n'aides pas, tu passes pour la pimbêche qui ne veux pas exercer son rôle propre. Et ces propos, pour avoir été aide-soignante une dizaine d'années, j'ai beaucoup de mal à les supporter. Par exemple, j’entends "elle ne fout rien devant son ordinateur" alors que 3/4 de notre travail est devant l'écran
, s’énerve-t-elle arguant avoir vécu ces remarques de la part de ces anciens confrères comme une injustice
. Je sais très bien ce qui se dit des infirmiers : qu'ils font un travail moins physique ("le cul sur la chaise"), qu'ils sont moins fatigués, qu'ils ont plus de temps (travail "invisible" dont on ne se rend pas forcément compte quand on est AS : dossiers à remplir, médecins à appeler, temps passé "au bureau" à l'ordinateur ou au téléphone...). On raconte aussi qu'ils passent le DE infirmier pour ne pas "mettre les mains dans la merde" et par conséquent qu’ils ne veulent pas faire de toilettes (en même temps, si on a fait 3 ans d'études, ce n'est pas pour faire le travail des AS)
.
Pour pallier ce manque de reconnaissance devant le travail effectué Test164211 propose une solution potentielle : J'aimerais que les aides-soignants soient en journée d'observation avec nous, pour connaitre mieux notre travail. Vous pensez que ce serait envisageable juste une journée par an ? Je ne comprends pas les personnes qui n'essaient pas de se mettre à la place de leurs collègues. On a toujours l'impression que notre travail est plus dur que celui du voisin... D'un autre côté, je me doute que des IDE ne les aident jamais, et mes collègues aides-soignants ont peut-être de vieilles rancœurs sur ce sujet
.
Il n'y a que le vrai travail en binôme (très rare) qui puisse montrer à chacun la réelle charge de travail de l'autre. Mais tant que chacun travaillera de son côté, la situation demeurera identique
Le cas particulier de Test164211 : « il faudrait un recadrage de l’équipe ! »
Pour plusieurs internautes, le seul moyen pour la jeune infirmière de s’en sortir est d’en référer au cadre pour gérer les débordements. Ce serait effectivement à lui de rétablir les choses. Chacun doit être à sa place, chacun doit comprendre le travail de l'autre et les exigences inhérentes à ce travail, et je ne parle même pas du respect
, affirme Augusta. Pour Jo-Bis, les infirmiers du service de test164211 sont en partie responsables de cette situation : vous récoltez ce que vous avez semé. Vous vous comportez comme un gentil petit nounours, qui est venu se faire des amies, vous en subissez les conséquences
. Ce que vous pouvez faire : c'est vous unir entre IDE, aller voir le cadre et taper du poing sur la table. Demandez une refonte de l'organisation, des fiches de poste et un recadrage individuel, y compris sur les temps de pause. Boire un café en 10 minutes est une chose, en 30 minutes en est une autre
, lui suggère-t-elle.
Test164211 ne nie pas ses responsabilités : C'est dur car au niveau personnel, je les aime bien pour la plupart et nous avons des relations amicales. Je n'arrive pas à m'imposer, car j'ai peur qu'ils ne m'aiment plus
.
Si notre travail n'était pas important, il n'y aurait pas besoin de formation
Les Aides-soignants n’ont pas de rôle propre
Saxie59 avoue que le sujet, de manière plus générale, est sensible et pour cause : Il me semble que le rôle propre des AS
(qui n'en n’ont pour l'instant aucun) est en cours de discussion... En attendant, il reste difficile de se situer en tant qu’aide-soignant. Ils n’ont pas vraiment d'identité et sont réduits aux toilettes, au travail physique et souvent avec aucune reconnaissance
. Cependant, il est vrai qu'il y a un manque évident de communication entre AS et IDE... et tout irait mieux avec un petit peu de volonté et de compréhension...
Pour Lenalan comme Pour Jo_Bis, cela n’excuse pas tout. Ils savent parfaitement ce qu'ils ont à faire, même sans rôle propre défini...
, ce n'est pas une raison de ne pas faire le travail pour lequel on est payé. Les IDE n'ont pas plus de reconnaissance que les AS. D'ailleurs, actuellement, existe-t-il un métier reconnu ?
Toutefois Zeus-le-top tient quand même à rappeler que pour le moment le cadre légal fait que l’AS est sous la responsabilité de l’infirmier : Navré, oui le "travail de l'aide-soignant reste bel et bien celui aussi de l'IDE, si un infirmier affirme que ce n'est pas son travail d'aller faire une toilette, de mener un urinal dans un lave-bassin etc… il a tort (petit rappel de l’article R4311-5
). Pour ce qui est de l'abus de pause là, c'est un autre débat, je le concède
. Après entre la théorie et la pratique, notamment dans les métiers du soin, il y a un monde. Il est évident qu’au quotidien, la collaboration entre soignants entraine un état où il faut dépasser les silos disciplinaires si on désire que tout tourne bien. C'est comme mettre de l'huile dans les rouages. Mais, il faut aussi savoir rester à sa place et surtout parfois restaurer les rôles sans céder à toutes formes de dérives positives ou négatives (affinités, avantages, ou harcèlement, intimidation, chantage implicite ou explicite)
.
J'ai juste besoin d'avoir "confiance" en mon IDE et qu'il ait "confiance" en moi. Je ne le fais pas pour lui, il ne fait pas cela pour moi : nous travaillons ensemble pour le patient
Qu’est-ce qu’un bon binôme ?
Mais alors qu’est-ce qu’un binôme qui fonctionne ? LuzaMoon, également aide-soignante pense que c’est nécessaire pour exercer son métier dans de bonnes conditions. Lorsque le binôme AS-IDE ne fonctionne pas, j'ai tendance à changer de service. J'ai eu de la chance car, après 3 ans à naviguer dans des services qui ne me correspondaient pas, je suis tombée sur une équipe merveilleuse. Dans les services précédents, ce n’était pas tant le travail mais justement les comportements que j’avais du mal à gérer. Par exemple, on m’affirmait :" non, ne va pas avec les infirmiers parce qu'ils ne feront jamais rien pour toi". Dans ma nouvelle équipe, tout est réalisé en binôme aide-soignant et infirmier dès que possible. J'ai juste besoin d'avoir "confiance" en mon IDE et qu'il ait "confiance" en moi. Je ne le fais pas pour lui, il ne fait pas cela pour moi : nous travaillons ensemble pour le patient. Si, en plus, je peux apprendre quelque chose c'est top. Mais j'avoue que je suis parfois « frustrée » de ne pas pouvoir aller plus loin dans la prise en charge. Mais je n'en veux pas aux infirmiers, je les admire plutôt ! Au contraire je fais mon maximum pour alléger au maximum leurs journées ( j'ai eu l'occasion en formation de ne travailler qu'avec des IDE et je me rends bien compte de leur charge de travail). En revanche, je ne supporte pas les collègues infirmiers qui me balancent :" Si je suis devenu infirmier pas aide-soignant, c'est pour ne pas m'occuper de la merde alors tu te débrouilles » quand je demande de l'aide pour tourner une dame qui est très souillée. Mais je ne fais pas de généralité car j'ai eu la chance de croiser davantage de professionnels compréhensifs. D’ailleurs, je n'aime pas le système où les aides-soignants font leur pause d’un côté et les infirmiers de l’autre.
Pour Maximousse1989, il n’y a aucune raison d’être méprisant dans un corps de métier comme dans un autre. Il existe des IDE qui exploitent les AS, dans le cas présent c’est l'inverse mais ce n'est pas plus acceptable. Aider c'est bien, mais il faut que ce soit donnant-donnant, il est inconcevable que vous vous mettiez en retard parce que certains prennent votre aide pour un dû. Pourquoi agissent-ils ainsi ? Peut-être sont-ils tombés sur des infirmiers qui les exploitaient, peu importe… Je n'ai pas une expérience énorme, mais j'ai déjà fait 3 services différents et c'est le genre de problématiques qui revient souvent, j'ai toujours vu des frictions entre infirmiers et aide-soignants
. C’est pour cela qu’il faut être clair dès le départ : tous les jours je fais le point et je propose mon aide en me focalisant en priorité sur les situations complexes et celles nécessitant des soins purement infirmiers, ainsi j'aide ma collègue, je vois ce qui peut poser problème, on regroupe les soins. Tout le monde y gagne et franchement je préfère effectuer un soin en binôme : le simple fait d'être deux peut aider à désamorcer certaines situations ou à mieux gérer l'énervement lié à la fatigue. Les aides-soignants savent maintenant que si je n'ai pas la possibilité de faire de toilettes ou d’autres soins d'hygiène c'est que vraiment je n'ai pas le choix. Dès le début j'ai mis les choses au clair. Tous les jours ne se ressemblant pas, je pouvais être très disponible lundi et pas du tout mardi.
LuzaMoon, de son côté, estime que ces frictions sont très services-dépendants
: J'ai eu la chance de travailler dans des services ou la technique est assez importante (par exemple aux urgences, aux soins intensifs neurologiques...) ou nous sommes obligés de travailler en binôme pour la sécurité et le confort de tous
. Un point de vue partagé par Lafolldingue : dans ces secteurs des modes d'organisation sont rodés depuis un moment si bien qu'ils font partie des pratiques de service. Forcément pour les nouveaux arrivants, ou les personnes extérieures, ça surprend. En réanimation c'est pareil. Le binôme IDE/AS est un vrai binôme où chacun se complète et où chacun peut compter sur l'autre dans sa pratique. Aux urgences ou en réanimation, il arrive parfois que ce soit les aides-soignants qui m'apprennent des choses... J'adore ce binôme, je trouve leur travail très valorisé dans ces services
.
Alors comment faire pour former une équipe soudée quel que soit le service ? La recette nécessite peut-être un peu de dextérité mais si on résume les interventions des forumeurs : il faut une forte dose de compréhension, une pointe de dialogue, une louche d’organisation. De même, un cadre sachant écouter peut s’avérer un ingrédient d’importance. Quoi qu’il en soit lorsque l’on travaille à flux tendu constamment, et ce, pour peu de reconnaissance, n’est-il pas normal que des tensions apparaissent ? Et pas forcément qu’entre aide-soignant et infirmier…
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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