Le 1er décembre 2016, l’association Asalee (Action de santé libérale en équipe), qui est à l'origine d'une organisation des soins primaires en binômes médecins généralistes/infirmiers intégrant un protocole dérogatoire, a organisé un séminaire de travail à Paris réunissant quelques 250 infirmiers. Infirmiers.com a rencontré Amaury Derville, ingénieur général Asalee. Il répond à quelques questions et revient sur la création d'Asalée, son intérêt et son avenir.
Ce qu'il faut savoir sur l'expérimentation Asalee
Le protocole Asalee a été lancé en 2004 dans les Deux-Sèvres par l'association du même nom. Il a fait partie des expérimentations de coopération dites "Berland", puis a été autorisé en 2012 au titre de l'article 51 de la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009. Dans les cabinets libéraux participants, des infirmiers délégués à la santé publique mènent des actions de prévention en coordination avec des médecins généralistes, principalement auprès de patients atteints de maladies chroniques.
Infirmiers.com – Comment la démarche clinique infirmière et Asalee (Action de santé libérale en équipe), au travers de la réalisation d'actes dérogatoires , se combinent-elles ?
Amaury Derville - La réalisation d'actes dérogatoires (dépistage de neuropathie du pied diabétique par exemple) raffermit la position de l’infirmier délégué à la santé publique et rend un service de santé. Mais ces activités font sens lorsqu'elles sont intégrées à une démarche d'éducation thérapeutique (ETP). Elles permettent ainsi une prise en charge globale et pluri-professionnelle . Les deux activités, ETP et actes dérogatoires, interagissent en se confortant. Citons par exemple l'intérêt que présente le protocole sur le repérage des troubles cognitifs dans les situations de polypathologies. Sa mise en place permet une prise en charge globale du patient par l’infirmier qui peut passer d’un protocole à l’autre facilement (repérage des troubles cognitifs et protocole diabète...). L’IDE apporte ainsi à l’équipe une vision complémentaire.
Infirmiers.com – Quelle place l’activité dérogatoire tient-elle dans le suivi du patient ?
A.D. - L'activité dérogatoire dépend des cabinets libéraux, de la volonté des professionnels et du fonctionnement des équipes. Dans certains cabinets, l'accent est mis sur l'éducation thérapeutique. Dans d'autres, les infirmiers pratiquent des actes dérogatoires de façon variable. L'activité en ETP a d'ailleurs été évaluée et jugée efficiente (IRDES, CNAM puis confirmé par l’IGAS en 2012) notamment auprès des patients diabétiques et insuffisants cardiaques . Au travers de cette démarche, le patient est replacé au coeur de sa prise en charge.
Infirmiers.com - Depuis sa création, Asalee ne cesse d'évoluer. Est-ce un ajustement constant de votre part ou un esprit visionnaire ?
A.D. - La création d’Asalee en 2004 émanait de la volonté des médecins de travailler avec des infirmiers en équipe pour les patients. À l’époque, il n'y avait pas de désert médical… De plus en plus, le patient est devenu responsable et acteur de sa santé. Les réformes dans la santé sont fréquemment des échecs car elles oublient les besoins des patients et des acteurs de soins. Le système de santé actuel mis en place par les politiques reprend les mêmes principes qu'Asalee et repose sur deux piliers : implication du patient et équipe travaillant ensemble en proximité.
L'activité dérogatoire dépend des cabinets libéraux, de la volonté des professionnels et du fonctionnement des équipes. Dans certains cabinets, l'accent est mis sur l'éducation thérapeutique. Dans d'autres, les infirmiers pratiquent des actes dérogatoires de façon variable.
Infirmiers.com – Quelles suites seront données à ce séminaire ?
A.D. - L’intérêt du séminaire est que chaque participant soit au courant de tout ce qui se profile. C’est souvent ainsi, les idées émergent de petits groupes qui commencent à travailler. Ensuite les professionnels intéressés se greffent au groupe initié. Les infirmiers et médecins déploient des compétences découvertes dans les ateliers dans leurs propres exercices, ou trouvent des ressources auprès d’autres professionnels pour faire avancer des projets. Les soins primaires ont besoin de créativité. Les acteurs l’ont en eux et ce type de rencontre permet de l’exprimer.
Infirmiers.com – Quelle vision d'avenir pour les soins primaires ?
A.D. - Aujourd’hui, une fédération des soins primaires (FSP) existe et réunit les représentants des professions souhaitant coopérer. Ils seront force de propositions et les négociations pluri-professionnelles amèneront plus de cohérence. Asalee, en toute logique, est membre créateur de la nouvelle fédération des soins primaires.
Les soins primaires ont besoin de créativité. Les acteurs l’ont en eux et ce type de rencontre permet de l’exprimer.
Infirmiers.com - Quel est votre positionnement face à la pratique avancée infirmière ?
A.D. - Le travail fait dans le groupe de réflexion Asalee médecins/infirmiers sur ce sujet a été remarquable. La force des infirmiers en pratique avancée sera de faire alliance avec les médecins. Son rôle dans les domaines de la santé, du soin, du lien social va assez loin, puisqu'il entreprend et établit le lien avec le médecin. Nous sommes pour l'heure en attente du cadre législatif.
État des lieux
Fin 2016, Asalee en constante évolution, compte dans ses effectifs 400 infirmiers sur 500 lieux géographiques distincts, auprès de 1 400 médecins généralistes. Cela représente 230 équivalents temps plein infirmiers. Environ 1 200 000 patients peuvent bénéficier de ce service dans les cabinets médicaux où ils sont suivis régulièrement.
Retour sur le séminaire en vidéo
Propos recueillis par Pierrette MEURY Rédactrice Infirmiers.com Infirmière libérale
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