Dans ce projet de loi de Santé qui compte quatre grandes orientations - prévention, parcours de santé, innovation et nouvelle gouvernance - quelle sera la place et le rôle des infirmier(e)s et ce dans tout le champ de leurs compétences exercées sur de multiples terrains... On est en droit de se le demander...
Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, l'a dit et répété à plusieurs reprises le 19 juin dernier lors de la présentation de son projet de loi de Santé
: Il n’y a qu’une seule politique de santé et chacun doit y contribuer pour sa part, acteurs nationaux comme acteurs locaux, acteurs publics comme acteurs privés
.
Manuel Vals, le Premier ministre, a lui-même insisté lors de la conférence sociale du 8 juillet, rappelant que notre système social est au coeur de notre modèle social et que pour le préserver, nous devons le rendre plus proche des Français et plus performant...
Il est dès lors légitime de se poser une question : dans ce projet de loi de Santé qui compte quatre grandes orientations - prévention, parcours de santé, innovation et nouvelle gouvernance - quelle sera la place et le rôle des infirmier(e)s et ce dans tout le champ de leurs compétences exercées sur de multiples terrains : à l'hôpital, en clinique, en libéral, en entreprise, dans les établissements scolaires, en crèche, en PMI ou ailleurs... Car lorsqu'on parle de santé primaire, de prévention, de parcours de soins, de professionnels de premiers recours, on ne peut imaginer que Marisol Touraine ne parle pas des infirmier(e)s. Pourtant, son projet de loi de Santé ne les a pas évoquées, hormis une séquence de quelques mots indiquant que le texte reconnaîtra de nouveaux métiers
, comme celui d'infirmier clinicien
, notamment en cancérologie... Un peu court, non ?
A ce sujet, ce que que l'on peut lire dans un article du Quotidien du Médecin daté du 10 juillet et intitulé Loi de santé : les médecins libéraux entre malaise et colère
n'est guère engageant à l'encontre des infirmier(s) et des nouvelles missions qui pourraient leur être confiées. L'article souligne que plusieurs syndicats se sont en effet "alarmés" du risque de dépossession du médecin de ses missions (en cancérologie, dans la prise en charge du diabète...). Telles que les choses sont présentées, on prend une partie de l’activité du généraliste pour la transférer, ce n’est pas ça la coopération
, relève le Dr Rua, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). En cancérologie, le ministère veut squizzer le médecin de premier recours avec l’infirmière
, redoute le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF)... Les "coopérations interprofessionnelles" si souvent mises en avant et riches de belles perspectives quand elles sont menées en toute synergie et intelligence promettent donc de belles batailles de territoires ! Quant à la reconnaissance des "pratiques avancées"
, déjà assez mal comprises chez les infirmier(e)s eux-mêmes, elles pourraient souffrir d'une reculade, du mois dans les esprits...
Devant ce manque de reconnaissance assez chronique, reconnaissons-le, du moins de la part de leurs tutelles, des voix (associatives et syndicales) se sont fait entendre.
Les puéricultrices montent au créneau...
Dès le 19 juin, l'Association Nationale des Puéricultrices(eurs) Diplômé(e)s et des Étudiants (ANPDE) réagissait aux orientations du projet de loi santé rappelant que les infirmières puéricultrices sont en première ligne pour lutter contre les inégalités sociales de santé, qui commencent dès la conception de l'enfant. Quel que soit le lieu d'exercice [...] le coeur de métier des infirmières puéricultrices est constitué d'activités de prévention et d'éducation à la santé pour l'enfant et sa famille. Bien que les IPDE répondent d'ores et déjà aux demandes et besoins de la population, ces activités ne sont ni valorisées par l'Assurance Maladie, ni reconnues par le Code de la Santé Publique. Profitons de cette loi de santé pour y remédier : l'infirmière puéricultrice est l'infirmière spécialisée de l'enfant, de l'adolescent et de leur famille, au même titre que le pédiatre est le médecin spécialisé de l'enfant, de l'adolescent et de la famille. Il paraît donc indispensable d'élaborer des missions exclusives pour les IPDE concernant la santé de l'enfant, en fonction des compétences attendues pour garantir des réponses adaptées aux besoins de la population.
Les infirmières puéricultrices sont en première ligne pour lutter contre les inégalités sociales de santé, qui commencent dès la conception de l'enfant
Les Ibode s'interrogent...
Le 8 juillet, ce sont les infirmier(e)s de bloc opératoire qui réagissaient à leur tour par la voix de l'Unaibode et de l'AEEIBO dans un communiqué intitulé "Concertation loi de Santé : les ibode s'interrogent", elles soulignent que les Ibode ne semblent pas être un sujet important par ce projet ni même les infirmiers..., au regard du discours de Madame la Ministre Marisol Touraine, les champs à investir par les Ibode semblent nombreux. Les association de créer des nouveaux métiers, de faire évoluer les métiers existants tout en respectant les orientations de la loi.
Elles déplorent également que cette loi ne se préoccupe absolument pas de l'inefficacité des organes de contrôle et ne propose aucune réforme d'envergure permettant de lutter contre l'emploi de personnel non qualifié dans les blocs opératoires
. Elles rappellent leurs attentes en matière de reconnaissance de "masterisation" de leur formation, de la suppression du prérequis de deux ans d'exercice avant l'accès à la formation d'Ibode ainsi que de la finalisation du processus d'accès au diplôme d'Ibode via la validation des acquis de l'expérience (VAE) en reprenant le référentiel de formation dans le cadre de la réingénierie des diplômes de santé
. Elles plaident pour développer un rôle de l'Ibode en lien avec la régulation du programme opératoire
.
Rappelons néanmoins qu'un projet de décret et deux projets d'arrêtés soumis à concertation prévoient l'accès des infirmiers de bloc opératoire diplômés d'Etat (Ibode) à de nouveaux actes et activités qu'ils exerceraient en exclusivité. Ils ont été examinés le 9 juillet dernier par le Haut conseil des professions paramédicales (HCPP).
Les Ibode ne semblent pas être un sujet important par ce projet ni même les infirmiers...
Les infirmier(e)s libéraux lancent une contre-offensive...
Du côté des infirmiers libéraux, le 7 juillet, le Sniil, a également commenté largement le projet de loi de Santé, souhaitant faire des contre-propositions à Marisol Touraine (lors de la réunion de concertation sur le projet de loi de Santé le 8 juillet) jugeant plusieurs mesures inadaptées
: soit parce qu’elles méconnaissent le droit infirmier et restreindront l’accès aux soins des Français ; soit, parce que des solutions plus simples et rapides existent.
Le syndicat d'infirmiers libéraux propose ainsi de revoir - et de supprimer - la mesure suivante : permettre à des infirmiers, sous la responsabilité d’un médecin, d’assurer des actions de prévention des comportements à risque en matière de sexualité
. Le Sniil rappelle que selon l’article R4311-15 du Code de la Santé Publique, l’infirmière a déjà toute autorité pour agir, seule, dans ce domaine puisqu’ayant déjà la possibilité en fonction des besoins de santé identifiés
, de proposer des actions, les organiser ou y participer dans le domaine de l’éducation à la sexualité
. Cet article porte donc atteinte aux compétences infirmières et peut restreindre l’accès de la population à la prévention
.
Autre mesure pouvant, à terme, entraîner un glissement de compétences préjudiciable pour les infirmières, la possibilité pour les pharmaciens d’administrer certains vaccins sur prescription
… Le Sniil rappelle que, pour l’heure, selon l’article 16-3 du Code Civil, seules les professions médicales et, par délégation, les infirmières, sont autorisés à porter atteinte à l’intégrité du corps humain
, en réalisant, par exemple, des injections. Le référentiel de compétences des pharmaciens d’officine ne fait, d’ailleurs, pas état de tels actes techniques. Le Sniil refuse donc que cette compétence soit transférée aux pharmaciens et demande au Ministère de la Santé de procéder à une adaptation par décret de l’article R4311-1 du Code de la Santé Publique : autrement dit d’élargir le droit infirmier à vacciner avec information du médecin traitant.
Plus largement, le Snill demande également au Ministère de la Santé de reconnaître les infirmières comme professionnelles de santé de premier recours
ainsi qu' une meilleure définition et reconnaissance de leurs missions
(prévention , suivi des patients en soins psychiatriques, maître de stage rémunéré, pratiques avancées...). Quant à l'avenir de l'Ordre infirmier, le Sniil souligne que toute disposition allant à l’encontre de l’Ordre Infirmier
serait très délétère, entraînant notamment un vide juridique quant au droit des citoyens en cas de manquement à la déontologie d’un professionnel infirmier
.
En résumé, le syndicat d'infirmiers libéraux ne souhaite, en fait, qu’une seule chose : que la Ministre de la Santé fasse preuve d’un vrai courage politique, en donnant la place qui leur revient aux infirmières libérales. Et ce, pour un meilleur accès aux soins de la population.
Reconnaître les infirmières libérales comme "professionnelles de santé de premier recours" ainsi "qu' une meilleure définition et reconnaissance de leurs missions" ...
Toute la place qui revient aux infirmier(e)s...
Reprenons donc ce message en le rendant plus universel : que ce projet de loi de Santé qui va être présenté à l'automne au Parlement soit ajusté, peaufiné, concerté... afin que la Ministre de la Santé fasse preuve d’un vrai courage politique, en donnant - enfin - aux infirmier(e)s la place qui leur revient !
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com
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