Pour les infirmiers libéraux, la rentrée en ce mois de septembre 2020 ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Les préoccupations, prégnantes lors de la crise sanitaire, perdurent alors que « la deuxième vague » redoutée, semble arriver, la déception "post-Ségur" s’exprime, la place et le rôle des IDEL dans le système de santé tarde toujours à être reconnus par les tutelles… Bref, l’heure est toujours aux revendications, légitimes, exprimées d’une même voix par leurs représentants syndicaux. Revue de détails.
Ségur de la Santé… oui et alors ?
Le Ségur de la Santé, clôturé en juillet dernier
, a déçu les infirmiers libéraux qui attendait un véritable "renouveau" du système de santé. Une fois encore, les conclusions rendues par les tutelles ne prennent pas en compte les compétences des IDEL, voire les ignorent et pire les méprisent
. Pour le Sniil, cela constitue une perte de chance pour la population d’un meilleur accès aux soins dans tous les territoires. Ce Ségur de la Santé est donc de la poudre aux yeux, ne résolvant aucun des problèmes actuels et à venir du secteur de santé de ville. Les propositions concrètes étaient pourtant là, et certaines apportées par le syndicat auraient permis l’émergence d’un "système de santé plus simple, plus souple, plus proche" comme l’avait promis Olivier Véran : créer un statut de « cabinet infirmier référent », permettre aux infirmiers libéraux de réintégrer les Ehpad, remplir la coquille aujourd’hui vide du "télésoin ", reconnaître la profession infirmière dans le 1er recours, élargir le droit infirmier à prescrire ou à vacciner…
Pour le Sniil, l’après-Ségur est donc totalement semblable à l’avant-Ségur
.
33 organisations infirmières s’unissent une nouvelle fois pour faire entendre la voix de la profession lors des "Etats Généraux Infirmiers" qui vont avoir lieu le 1er octobre prochain et parmi elles les représentants des IDEL : Convergence Infirmière, la Fédération nationale des infirmiers libéraux (FNI) le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL), l'ONSIL (Organisation nationale des syndicats d'infirmiers libéraux) ainsi que l'Unidel (Union nationale des infirmiers diplômés d'Etat libéraux) et AILBA (Association des Infirmiers Libéraux du Bassin Alésien).
Garantir le maintien à domicile des plus âgés… oui mais…
Il a suffi d'un message de l'Assurance Maladie pour déclencher la colère des infirmiers libéraux. La réforme du bilan de soins infirmiers (BSI), qui a fait évoluer les rémunérations des libéraux, est au coeur des débats : la part des forfaits de prises en charge lourdes réalisées en 2020 dépasse les prévisions de l'Assurance Maladie (il devait s'élever à 25% quand les premiers chiffres réels montrent une part de 40%). Or, c'est justement cette évolution qui semble lui poser problème aujourd'hui
. La CNAM appelle ainsi les partenaires conventionnels à définir en octobre les mesures de corrections nécessaires pour permettre la poursuite du déploiement du Bilan de Soins Infirmiers (BSI). Le Sniil prévient qu'il ne lâchera rien sur la question
. Il invite d’ores et déjà tous ceux qui seront contactés par les CPAM à propos du BSI à le prévenir : le Sniil sera à leurs côtés afin de s’assurer que l’étude annoncée en mode "accompagnemen" ne se transforme pas en mode "contrôle"
.
La FNI , à son tour, a prévenu : une renégociation à la baisse des forfaits BSI n’est même pas envisageable, et menace : toute mesure imposée de manière unilatérale par la CNAM aura des conséquences désastreuses sur la poursuite du dialogue conventionnel
.
Quant à Convergence Infirmière, il rappelle qu’il avait refusé de signer la clause de revoyure de l’avenant 6 craignant ce qui se passe aujourd’hui : le resserrement de l’étau autour des IDEL
. Il s’insurge : sur quelle base un personnel non-soignant, non formé à l’évaluation pourra juger des IDEL formées pendant plusieurs années pour prendre en soin des patients, effectuer les diagnostics et interventions infirmiers, déterminer les soins de base, relationnels, éducatifs, techniques nécessaires. Comment accepter que des personnels administratifs aient directement accès à des informations soumises aux secrets médical et professionnel ?
BSI enquête de la Cnam : concrètement, ça se passe comment ? Combien, parmi les infirmiers, ont dû renoncer à prendre en charges les patients porteurs de pathologies lourdes, ou de handicap ou nécessitant des soins palliatifs ? L'Onsil nous en dit plus...
Vacciner, ou mais…
Sans aucune explication, ce que déplore une fois encore le Sniil, la Haute Autorité de Santé a décidé, cet été, de suspendre les travaux consacrés à l’extension des compétences des professionnels de santé en matière de vaccination. Une décision totalement incompréhensible et inadaptée, surtout dans le contexte de pandémie Covid-19 que subit actuellement le pays et alors que la campagne de vaccination antigrippale commençant mi-octobre en métropole est jugée comme très importante en cette année de pandémie Covid-19 par le Professeur Delfraissy, Président du Conseil Scientifique
, souligne Catherine Kirnidis, présidente du syndicat. Et de poursuivre : cela implique que les 123 000 infirmiers libéraux, professionnels de santé les plus proches de la population, et dont l’influence est la plus importante auprès de la population âgée dans le processus d’acceptation de la vaccination, ne peuvent vacciner contre la grippe saisonnière de façon autonome qu’une seule partie de la population française (personnes âgées, malades chroniques…) et ne pourront pas utiliser leurs compétences à leur juste valeur dans une future campagne de vaccination rapide et massive contre le Covid-19
. Dénonçant avec force un manque total d’anticipation de la part de la Haute Autorité de Santé comme du gouvernement, le Sniil demande donc aujourd’hui à Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, de faire preuve de courage politique et de mettre en œuvre un vrai droit infirmier à vacciner avec information des médecins traitants et/ou mise en place d’un carnet de vaccination électronique
.
La FNI souligne de son côté qu’un supplément pour vaccination antigrippale dans le cadre de la campagne de vaccination antigrippale est désormais effective dans le cadre du BSI et de l’AIS. Autrement dit, si, auparavant, la vaccination était effectuée gratuitement dans le cadre de la dépendance, elle est à présent facturable et doit être cotée AMI ou AMX 1
. Et de rappeler les IDEL à leur responsabilité : Vaccinez-vous et vaccinez vos patients, aujourd’hui cela est plus qu’une nécessité, c’est un devoir !
Ignorer et mépriser encore une fois les compétences des infirmiers libéraux constitue une perte de chance pour la population d’un meilleur accès aux soins dans tous les territoires
S’équiper… oui mais…
Depuis cette annonce, le syndicat Convergence Infirmière ne décolère pas et ce n’est pas le seul… Tandis que L’État nous annonce un sursaut de l’épidémie de Covid-19, la fameuse ″seconde vague″, il se propose, simultanément, de mettre fin à la distribution de masques et autres équipements de protection individuelle (EPI), au soir du 30 septembre. Comment, ici, comprendre le phénomène de cause à effet ? Sans doute l’une des subtilités du ″en même temps″, cher à notre Président…
En conséquence, le syndicat d’IDEL a saisi le Ministre des Solidarités et de la Santé, afin de lui demander de poursuivre la fourniture gratuite de ces équipements de première nécessité sanitaire ou, à minima, d’assurer une régulation des tarifs sur un marché devenu fou. Et flou
. Et de rappeler qu’avant que la Covid-19 ne fasse son apparition, les infirmiers libéraux s’approvisionnaient en Équipements de Protection Individuelle à des tarifs raisonnables. Ainsi, nous achetions la boîte de 100 gants à 4,35€ HT… la même qui se négocie aujourd’hui entre 9 et 10 euros ! Et que dire des masques, qui voient leur prix passer de 8 à 35, voire 50 centimes l’unité ?
Les IDEL devraient donc se fournir elles-mêmes dans le cadre d’un marché hyper-tendu, où les prix sont très élevés. Pour Convergence Infirmière, travailler plus pour gagner mois, ça suffit !
Du côté du Sniil, même revendication : les tensions en approvisionnement d’EPI étant de plus en plus importantes nous demandons un encadrement de tous les prix des EPI à un tarif "raisonnable". De plus, nous revendiquons la mise en œuvre de la mesure compensatoire à l’achat d’EPI qui avait été négociée avec Nicolas Revel lorsqu’il était encore à la tête de l’Assurance Maladie. Alors que la pénurie en EPI n’affecte aujourd’hui plus qu’une seule catégorie de professionnels de santé : les libéraux, l’Etat doit, aujourd’hui, alors que la gestion de l’épisode 1 du Covid-19 fut désastreuse, s’assurer que l’ensemble des professionnels de santé puissent exercer en toute sécurité. Il en va, non seulement, de la santé des professionnels eux-mêmes, mais aussi de celle de leurs patients
.
La FNI quant à elle, le déplore également : Au moment où l’approvisionnement reste difficile pour certains équipements comme les gants chirurgicaux, l’arrêt des approvisionnements d’EPI par l’État aurait pu être mieux préparé et – c’est la moindre des choses – concerté avec la profession. Car, cerise sur le gâteau, la plateforme d’approvisionnement en équipements de protection individuels (EPI) prévue par la direction générale de la santé afin "d’assurer la transition du modèle d’approvisionnement" sera réservée aux seuls établissements ! Encore une fois, l’hospitalo-centrisme prévaut !
L'Onsil (Organisation antionale des syndicats d'infirmiers libéraux) a tenu lui aussi à exprimer sa stupéfaction et sa colère suite à la réception de la dernière directive de la DGS. En effet il y est indiqué que l’État a géré la distribution de masques depuis le "début de l’épidémie" et qu’il se désengagera de sa gestion dès le mois d’octobre prochain. L'Onsil ne peut, à nouveau, que s'insurger contre ce mensonge et pour cause. La DGS semble donc oublier un peu vite, à notre goût, que la majorité des professionnels de ville se sont débrouillés seuls pendant la crise pour se fournir non seulement en équipements de protection individuelle dont masques chirurgicaux, lunettes, sur blouses, charlottes, chaussons…
, soulignait début août le syndicat dans un communiqué.
Il faut que les tutelles et les membres des administrations comprennent enfin l’apport des libéraux. S’ils peuvent répondre et relever le défi du dépistage, c’est précisément parce qu’ils sont des libéraux : adaptables, agiles, et finalement économiques. Il est temps de le reconnaître et de cesser d’avoir une attitude de défiance, de contournement ou, pire, d’ignorance vis-à-vis d’eux.
Sur la question des statistiques liées à la maladie Covid19 chez les soignants, l’Onsil regrette que Santé publique France ne fasse aucune étude épidémiologique sur les contaminations des infirmiers libéraux. Santé publique France rechigne visiblement à comptabiliser les décès parmi la population infirmière depuis le début de la crise. On se demande pourquoi nos tutelles ne s’y intéressent pas, nos courriers restant désespérément sans réponse sur ce sujet
, s'insurge le syndicat. Le déni dans lequel le gouvernement nous maintient contraint et forcé n’a plus de limite. En effet, cela démontre une nouvelle fois que les infirmiers libéraux ne sont pas considérés comme ils devraient l’être
.
Récemment, encore, la publication du rapport de la Cour des Comptes relatif aux fraudes et aux prestations sociales a fait vertement réagir Convergence Infirmière car il jette le discrédit sur les IDEL
. Non seulement nos légitimes revendications ne sont pas prises en compte, notre place dans le système de santé n’est pas suffisamment reconnue mais, régulièrement, notre profession est maltraitée et déconsidérée. Oui, nous dénonçons les quelques brebis galeuses, nous condamnons la fraude mais nous attendons des pouvoirs publics un peu de hauteur de vue. Ce n’est pas dans l’invective mais dans le dialogue que nous bâtirons un système de santé plus vertueux
.
Enfin, le 16 septembre est paru au Journal Officiel un nouvel arrêté ministériel autorisant une nouvelle catégorie de professionnels de santé à pratiquer les tests PCR : les masseurs-kinésithérapeutes. Ils viennent s’ajouter à la liste déjà très longue de personnes autorisées à les réaliser. Cela fait réagir le Sniil : Sauf… que, sur le terrain, le problème ne tient pas du nombre de préleveurs… mais bien d’un manque de directives nationales claires et, surtout, de concertation avec les professionnels de santé.
Face à cette situation, et à la nouvelle possibilité offerte par le Ministère d’organiser des "opérations collectives de dépistage par des tests rapides nasopharyngés d'orientation diagnostique antigéniques", le Sniil tire, de nouveau, le signal d’alarme et exige de la part du Ministère un minimum de concertation
.
Les infirmiers libéraux, très engagés sur le terrain et au plus près de la population en demande de soins, attendent, comme le résume Convergence Infirmière, plus d’écoute, plus d’innovation, plus de discernement, plus de considération des instances publiques, une réelle prise en compte de leurs problématiques et des mesures concrètes qui permettront enfin de refonder notre système de santé
. Des attentes partagées par l'ensemble de la communauté infirmière libérale et de ses représentants, au delà des chapelles et des sensibilités de chacun.
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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