On le sait, les conditions des urgences saturées obligent parfois les soignants à laisser leurs patients attendre de longues heures sur des brancards. Or ces conditions d'accueil ne sont pas sans conséquences, notamment sur la santé des plus âgés. L'étude intitulée «No bed Night»*, nuit sans lit en français publie des chiffres précis sur le sujet. Quand un patient de 75 ans passe la nuit sur un brancard, le risque qu'il meure à l'hôpital passe de 11,1% à 15,7%. Parmi les patients avec un niveau d'autonomie limité et nécessitant une assistance au quotidien, cette nuit «augmente de près de deux fois le risque de mortalité», précise même un communiqué de l'AP-HP (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris).
Ne pas hospitaliser un patient, c'est comme ne pas donner un médicament qui aurait un effet très bénéfique, lui refuser un traitement
Perte de chance
«Ce sont des choses qui étaient suggérées, pressenties, mais on a aujourd'hui démontré qu'il y a une vraie association. Ne pas hospitaliser un patient, c'est comme ne pas donner un médicament qui aurait un effet très bénéfique, lui refuser un traitement», a commenté le Pr Yonathan Freund, l'un des deux urgentistes ayant coordonné l'étude.
L'étude montre aussi un risque plus élevé de complications: «plus de chutes, plus d'infections nosocomiales ou d'escarres par exemple. (...) Si tous les patients de cette étude avaient pu être hospitalisés avant la nuit, on aurait évité 3% des décès», conclut le médecin. Selon le Pr Freund, le modèle statistique utilisé prend en compte les comorbidités, l'âge et l'état de gravité initiale des patients et permet ainsi de «comparer deux patients exactement équivalents». Plusieurs facteurs permettent d'expliquer cette surmortalité : «le fait de ne pas dormir, de ne pas avoir le suivi suffisant, car le service est surchargé, ou ne pas avoir toujours le traitement à temps», résume encore le médecin.
L'étude amène l'AP-HP à appeler à des «mesures» fortes pour atteindre «l'objectif de zéro lits brancards aux urgences», en particulier pour les patients de plus de 75 ans. Des mesures qui doivent être considérées comme «un objectif de santé publique».
*Publiée lundi 6 novembre, l'étude a été réalisée du 12 au 14 décembre 2022 dans 97 services d’accueil des urgences en France, incluant 1 598 patients de plus de 75 ans. L'étude a été publiée dans la revue Jama Internal Medicine. A noter tout de même qu'en décembre 2022, au moment où s'est déroulée l'étude, les services d'urgences subissaient «une augmentation considérable du nombre de patients à hospitaliser en urgence» en raison notamment d'une «triple épidémie concomitante: COVID-19, grippe, et virus respiratoire syncitial (VRS)», rappelle l'AP-HP, alors que la situation était en plus «aggravée par une diminution du nombre de lits disponibles en aval du fait d’une pénurie de personnels».
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