Marine, aide-soignante, a choisi d’effectuer une mission loin de chez elle fin décembre dans le cadre de la réserve sanitaire, ces soignants mobilisables rapidement pour prêter main forte dans des établissements débordés par l’épidémie de Covid 19. Lors de deux précédents récits, elle nous a raconté son arrivée dans un hôpital de l’Est de la France où elle a été affectée et son intégration à une toute nouvelle équipe . Dans ce dernier texte, elle évoque le manque criant de moyens, son impuissance devant l’angoisse des patients et des familles et fait le bilan de sa mission.
Les jours passent. Parfois nous sommes deux pour dix patients, douze patients… En fonction des effectifs que la cadre parvient à trouver. Aujourd’hui, c’est vendredi. Avec ma collègue, on forme un seul binôme pour quinze patients. Arrivées dans le couloir, sept patients sonnent en même temps et en bruits de fond : des pousses seringues retentissent dans deux chambres et des voix de patients nous parviennent, qui semblent se sentir terriblement seuls j’ai mal
, je vais mourir
, j’étouffe
. Comment gérer cela ?
Nous manquons cruellement de mains et de cerveaux. Le téléphone sonne en permanence et nous ne pouvons décrocher que lorsque nous sommes dans le couloir. Le standard de cet hôpital est engorgé. La détresse des familles qui n’arrivent pas à joindre directement leurs proches au téléphone et qui appellent encore et encore, est permanente. Je décroche une dernière fois avant d’aller à la rencontre d’un patient dans une chambre. Au bout du fil, c’est la fille d’un patient qui s’inquiète. Son père appuie sur la sonnette depuis une vingtaine de minutes et elle s’étonne de ce que personne n’aille à sa rencontre. Je ne peux pas lui dire que c’est à cause de la charge de travail conséquente ! S’habiller, se déshabiller… Tout prend bien plus de temps quand il s’agit de se rendre dans des chambres en isolement Covid.
Tous les soignants comprendront cette frustration et déception… Celles de ne pas se sentir en sécurité, d’être confronté à ce manque de temps terrible qui nous empêche d’octroyer aux patients que nous rencontrons chaque jour les soins dont ils ont besoin dans de bonnes conditions.
J’ai envie de lui dire que ça va aller, mais je n’en sais rien
Les patients se succèdent, les chambres restent libres uniquement le temps d’y faire le ménage. Dans la plupart des cas, selon leur âge et/ou leurs antécédents, si l’état des patients malheureusement se dégrade, c’est un accompagnement à la fin de vie qui est préconisé par l’équipe médicale dans ce service.
En procédant à son transfert, j’ai envie de lui dire que ça va aller, mais au fond je n’en sais rien. Tout est incertain avec ce virus. Ma main gantée se sépare de la sienne et il part pour une nouvelle prise en soins…
Mon hôpital a aussi connu ses périodes délicates à cause du virus, mais ce que cette crise sanitaire met partout en évidence : c’est le manque cruel de moyens matériels et humains dans les services…
L’heure du bilan
Cette mission s’achève pour moi, il est temps de retrouver (sans transition) mon hôpital habituel. La cadre, la direction, les soignants me demandent de renouveler ma mission. J’aurais beaucoup aimé pouvoir les aider plus longtemps mais j’ai aussi besoin de retrouver les miens pour les fêtes de fin d’année (nous sommes à la fin du mois de décembre).
C’est l’heure de faire le bilan. Cette mission a été ponctuée chaque jour pour moi de magnifiques rencontres avec les soignants. Dans ces moments difficiles, des liens forts se tissent, bien plus rapidement qu’à l’habitude. Chaque jour ils m’ont remerciée d’être là, de les aider... Alors qu’au fond, tout le courage vient d’eux : d’être au front comme ils le sont au quotidien, sur une durée indéterminée. Je suis tellement admirative de leur force, leur résilience face à la situation. Ils ne se connaissent pas pour la plupart, sont épuisés et pourtant, œuvrent telle une équipe soudée et bienveillante. C’est avec le cœur lourd que je les quitte en pleine tempête, avec la pleine connaissance, à présent, de leur quotidien difficile. Je suis bien consciente que ce n’est pas le seul établissement dans ce cas. Mon hôpital a aussi connu ses périodes délicates à cause du virus, mais ce que cette crise sanitaire met partout en évidence : c’est le manque cruel de moyens matériels et humains dans les services…
Merci à tous ces soignants et à leurs ressources intérieures, pour cette leçon de vie que je viens de recevoir et que je vais garder en moi. A bientôt, dans d’autres conditions, je l’espère.
Marine L.
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