Sabine est infirmière. Elle vient de passer six mois au Katanga, en République Démocratique du Congo. C'était sa première mission pour MSF. Rencontre.
En mars 2004, lorsque Sabine arrive à Kitengé, dans le Nord-Katanga, le contexte est difficile. Plus de cinquante villages sont pillés et brûlés, des dizaines de milliers de personnes prennent la fuite, en forêt ou dans les villages épargnés par les violences. "Quand je suis arrivée, la situation dans la ville et ses alentours était tendue et instable. Nous avions des règles de sécurité très strictes et du coup, c'était "boulot-dodo, hôpital-maison". Mais même si nous étions coincés entre quatre murs, l'équipe était très soudée", se souvient Sabine.
« J'ai aimé ce que j'ai fait avec MSF, mon objectif était d'échanger les connaissances, médicales, techniques, mais aussi générales. »
Plusieurs semaines durant, les équipes ne peuvent se rendre dans les centres de santé périphériques où elles travaillaient d'habitude, les routes étant impraticables à cause de l'insécurité. Un des centres avait été pillé et brûlé, et la population avait fui. Aujourd'hui encore certains ne sont pas rentrés chez eux.
"L'équipe avait soigné des blessés et des femmes violées. Une femme qui venait chercher de l'aide avait été tuée devant la porte de l'hôpital. J'ai mis quelques semaines à comprendre vraiment ce qui se passait dans cette zone. Il fallait que je me plonge dans le bain, que je discute avec les personnes qui travaillaient avec moi, pour vraiment comprendre ce que vivent les Congolais du Nord-Katanga. Les conditions de vie de la population sont difficiles, notamment à cause des attaques, pillages, déplacements de population, ainsi que la malnutrition qui souvent les accompagne. Nous avons eu jusqu'à 190 enfants soignés en même temps dans le centre de nutrition", raconte Sabine.
» FIÈVRE TYPHOÏDE ET "MUTINERIE" DES PATIENTS
En mars, des cas de fièvre typhoïde apparaissent et trois premiers malades sont pris en charge. Cette maladie bactérienne très contagieuse se transmet de manière directe (mains sales) ou indirecte (eau ou aliments souillés). Elle se répand notamment lorsque des déplacements et regroupements de population ont rendu les conditions de vie et d'hygiène précaires. "Nous avons créé un centre d'isolement pour soigner les patients en évitant les risques de contagion, avec des règles strictes comme l'impossibilité pour les malades d'être en contact avec leur famille pendant plusieurs jours", explique Sabine. En août, la tente d'isolement accueille trente-cinq patients. "Les règles d'isolement sont difficiles à vivre pour les patients, surtout pour les mamans. Il y a même eu une "mutinerie" des patients qui refusaient de prendre leur traitement et menaçaient de tous sortir s'ils ne pouvaient voir leur famille. Il a fallu expliquer à nouveau le pourquoi et le comment de la maladie ainsi que les mesures d'hygiène. Heureusement, tous les patients sont restés jusqu'à la fin du traitement. Voir les gens sortir au bout de 10 jours en pleine forme les a motivés."
» SENSIBILISATION ET RELAIS COMMUNAUTAIRES
Pour sensibiliser la population de Kitengé, ville de seize mille habitants, une éducatrice a été formée, ainsi qu'une quarantaine de femmes pour servir de "relais communautaires". Objectif: expliquer de manière très claire les règles de prévention dans tous les quartiers et encourager les malades potentiels à venir consulter. "Cela a si bien marché qu'une fois terminée la sensibilisation typhoïde, ces femmes ont voulu continuer à apprendre et à sensibiliser. Depuis, tous les mercredis, il y a une réunion, en présence d'un médecin. Les femmes parlent de différents sujets qui les intéressent et les touchent : planning familial, espacement des naissances, infections sexuellement transmissibles, etc. Puis elles s'en font l'écho dans leur quartier. Elles sont toutes bénévoles."
» DES ÉQUIPES CONGOLAISES ENTHOUSIASTES ET DYNAMIQUES
"J'ai été impressionnée par la motivation et l'enthousiasme des équipes, qui avaient envie de travailler, de progresser, malgré les difficultés. Quand je vois tout ce qui a été accompli en termes de qualité des soins, c'est impressionnant. Ils savent que MSF partira un jour, et ils cherchent à mettre en place des techniques et procédures qui leur permettront de conserver cette qualité de soins."
» LES LIMITES DE L'ACTION MSF
"Le plus dur, même si je comprends très bien les raisons, c'est de ne pas pouvoir soigner tout le monde. Un programme est nécessairement restreint à une zone géographique ou à quelques pathologies. À Kitengé, on ne prenait pas en charge le diabète, le VIH ou encore le cancer. Il est impossible de tout faire, et dans un contexte de conflit, débuter un traitement à long terme alors que l'on ne sait pas si l'on pourra rester et assurer le suivi n'est pas responsable."
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