Dans un contexte de démographie médicale tendue, il faut faire le pari du transfert des tâches en premier recours entre professionnels de santé, aidé en cela par la réécriture, imminente, du décret infirmier estime l’Ordre national des infirmiers (ONI). Patrick Chamboredon s’est exprimé précisément lors d’une récente conférence de presse sur la nécessité d’engager une évolution forte du métier, avec en ligne de mire la réécriture du décret infirmier.
L’urgence de passer des actes aux compétences
Cheval de bataille prioritaire de l’Ordre : le passage effectif du décret d’actes à un décret de compétences est envisagé pour 2024. Un délai bien trop long, juge Patrick Chamboredon, qui réclame une mise en œuvre dès juin 2023. Car plusieurs enjeux sont liés à la révision du décret qui cadre la profession infirmière. D’une part, il y a l’absence de prise en compte des compétences acquises par ces professionnels dans le cadre des expérimentations permises par l’Article 51 et dont le décret d’actes entrave la généralisation. Avec, pour conséquences, de placer certains infirmiers dans une situation d’exercice illégal de la médecine. « Les expérimentations de l’Article 51 ne sont jamais entrées dans le droit commun. Or, si on passait sur un décret de compétences, on se rapprocherait plus des compétences réellement présentes sur le terrain, certaines d’entres elles étant réalisées par des infirmiers. »
Selon le rapport au Parlement 2022 du conseil stratégique de l’innovation en santé sur le dispositif, les infirmiers sont en effet impliqués dans 72% des 122 projets actuellement autorisés. À noter à ce sujet que le conseil appelle justement à une généralisation du cadre, permettant ainsi l’inclusion des expérimentations qui auront abouti. Le nouveau décret pourrait, de son côté, intégrer les compétences apprises par les infirmiers y ayant participé (voir encadré).
Parallèlement, la réécriture du décret embarque un autre enjeu : celui de la certification. « Nous avons la nécessité d’avancer en simultané sur l’ensemble des projets. Il faut par exemple définir les axes de la certification des infirmiers, pour une question de formation, en cohérence avec le futur texte », explique ainsi Patrick Chamboredon. « Il faut que tout s’imbrique rapidement. » Plus globalement, un tel décret représente également l’opportunité de faire évoluer la profession infirmière avec, pour horizon possible, la création d’infirmiers praticiens en pratique avancée, prolongement logique des infirmiers en pratique avancée (IPA), proposée par la rapporteuse générale de la commission des affaires sociales, Stéphanie Rist. Soit des professionnels qui seraient en capacité de dresser les diagnostics et de délivrer les traitements en autonomie.
Selon un sondage réalisé par l’Ordre auprès de 44 802 infirmiers inscrits à son tableau :
• 97% d’entre eux jugent urgent que le gouvernement tienne son engagement d’actualiser le décret, avec pour enjeux :
• Pour 94%, le développement des compétences en matière de lutte contre les addictions ;
• Pour 94%, plus de responsabilités en matière de prévention et d’éducation thérapeutique sans prescription médicale ;
• Pour 88%, le développement de la consultation infirmière ;
• Et pour 77%, d’obtenir l’autorisation de prescrire des actes simples (bilan sanguin, échographie…).
7 professions, une responsabilité commune
L’évolution du métier passe toutefois par une redéfinition des schémas de collaboration entre les différentes professions de santé. Et de faire évidemment référence à l’accord trouvé au sein du Comité de liaison des instances ordinales (CLIO) sur le nécessaire transfert des tâches, qui n’a pas manqué de susciter une levée de boucliers au sein des syndicats de médecins. Cet accord, a rappelé Patrick Chamboredon, doit permettre aux patients de bénéficier « des premiers soins auprès d’un professionnel de santé puis d’être intégré dans un parcours de soins » et a bien été pensé en concertation avec l’ensemble des professions de santé réglementées. « Les Ordres sont certes des organisations corporatistes, mais ceux qui ont signé cet accord ont mis leur égo de côté afin d’améliorer l’offre de santé. » Et de tenter de rassurer les médecins qui pourraient se sentir déposséder de leurs prérogatives. Pas question ici de « sortir le médecin », celui-ci demeurant celui qui établit le diagnostic, prescrit le traitement, organise la coordination. Peine perdue. Jeudi 24 novembre, l’Ordre des médecins, par la voix de son président, François Arnault, marquait son opposition à la possibilité de prescription des infirmiers de pratique avancée, qui doit faire l’objet d’une expérimentation.
Nous sommes face à un problème de santé publique et de fracturation de la société, face à des usagers qui sont pris en charge et d’autres pas.
En revanche, il n’a pas manqué d’en appeler à leurs responsabilités, et à celles de l’ensemble des professionnels, dans un contexte de démographie médicale particulièrement tendu et alors qu’aucun retour à la normale n’est prévu avant 2035. « Nous sommes face à un problème de santé publique et de fracturation de la société, face à des usagers qui sont pris en charge et d’autres pas », a-t-il martelé. Selon les différentes agences, entre 6 et 16 millions de Français seraient éloignés du soin, avec, selon l’Assurance maladie, près de 600 000 patients en affection longue durée (ALD) ne bénéficiant pas du suivi rapproché dont ils ont besoin. « Chacun doit être pro-actif, ce qui demande des efforts de chaque profession », a-t-il concédé, percevant toutefois dans les résistances affichées un problème « parisien ». Car, sur le terrain, « le dialogue n’a jamais cessé entre les professionnels, qui savent très bien s’organiser. »
En rôle propre dans le cadre d’un exercice coordonné :
• Pose de dispositifs transcutanés et surveillance de leurs effets ;
• Pose de bandages de contention ;
• Mesure de la pression veineuse centrale ;
• Pose d’une sonde à oxygène ;
• Recueil aseptique des urines.
Issus des expérimentations dans le cadre de l’Article 51 :
• Délégation médicale d’activité de prescription, en MCO ;
• Suivi, prescriptions et orientation de patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou une affection apparentée, en gériatrie ;
• Première consultation d’alcoologie par une infirmière, pour des patients adressés par un service des urgences, en addictologie.
Les « signaux forts » du PLFSS
Dans ce contexte, Patrick Chamboredon voit dans les discussions du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2023 (PLFSS 2023) des signaux forts d’une volonté politique de faire progresser la profession. Six amendements relatifs aux infirmiers ont ainsi été portés au texte : la réalisation des certificats de décès, amendé au Sénat, l’expérimentation d’un accès direct pour les IPA, la participation des infirmiers à la permanence des soins, et la mise en place de ratio entre soignants et résidents en EHPAD, toutes 3 supprimées par le Sénat, l’intégration des IPA dans les établissements privés et lucratifs, toujours difficile à facturer, et l’extension des compétences vaccinales (prescription et élargissement des vaccins qu’ils sont autorisés à administrer), qui ont, elles, survécu en l’état à l’examen des Sénateurs. Mais rien n’est encore acté, le texte étant actuellement en seconde lecture à l’Assemblée nationale. « Nous attendons toujours la sortie du décret d’expérimentation sur la prescription pour les IPA, qui était prévu dans le PLFSS 2022 », a toutefois déploré le président de l’Ordre.
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