L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) n'a pas relevé de manquements graves lors de son contrôle de l'organisme gestionnaire du développement professionnel continu (OGDPC) des professions de santé mais elle pointe de nombreux dysfonctionnements et une conduite de projet "désastreuse", dans un rapport rendu public le 30 avril 2014.
Fusionnant la formation médicale continue (FMC) et l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP), le DPC, en place depuis début 2013, a soulevé de nombreuses critiques. Durant l'été 2013, la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a commandé à l'Igas une enquête sur les conditions de son déploiement , dont une première version du rapport a circulé en début d'année.
La mise en place du nouveau dispositif a été émaillée de nombreuses difficultés de nature différente
, observent les auteurs du rapport, Bertrand Deumie et Philippe Georges de l'Igas et Jean-Philippe Natali, interne de santé publique et stagiaire à l'Igas. Des dysfonctionnements affectent notamment les procédures d'inscription des professionnels ainsi que de leur indemnisation, et l'enregistrement des organismes n'a pas encore abouti, à cause du lent démarrage de la procédure d'évaluation
, notent-ils dans leur rapport de 60 pages (sans les annexes). Ils évoquent un épais nuage de problèmes de nature extrêmement diverse
autour du DPC.
Ils ont tout d'abord relevé plusieurs vices de conception
, notamment sur l'absence de contenu précis pour l'obligation de formation et d'organisation de la sanction pour le manquement à cette obligation.
S'agissant des budgets de l'OGDPC qui emploie 34 ETP (équivalents temps plein), les aléas budgétaires qui affectent leur construction [...] ne donnent aucune assurance qu'il sera possible de financer le coût d'un DPC généralisé à tous les effectifs de l'ensemble des professions
. Un calcul détaillé du coût pour les seules professions à la charge de l'OGDPC établit à 565 millions d'euros le coût d'une formation généralisée aux conditions actuelles de prise en charge alors que les ressources de l'organisme s'élèvent aujourd'hui à 155 millions d'euros. L'Igas observe que le schéma initial de financement de l'OGDPC a été modifié en 2013, notamment par le fait que la contribution des entreprises pharmaceutique ne peut lui être versée directement "par défaut de disposition dans une loi de financement de la sécurité sociale" (LFSS). Les syndicats dénoncent une disparition des fonds conventionnels et un financement partiel par la contribution de l'industrie pharmaceutique fondue dans les recettes de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts)
et sur laquelle celle-ci opère une ponction
, rapporte-t-elle.
De « mauvais réglages » mais une responsabilité « limitée » de l'OGDPC
La mission a également constaté quelques mauvais réglages
. Elle estime que la procédure d'évaluation préalable des organismes par des commissions scientifiques indépendantes n'apporte pas toute garantie de qualité
et observe que le contrôle a posteriori n'est pas encore mis en place. Pour elle, l'organisation institutionnelle de l'OGDPC fait obstacle à une gouvernance claire
.
Elle souligne que son fonctionnement n'est pas strictement conforme à sa nature de groupement d'intérêt public (GIP) car son autonomie de décision par rapport à l'Etat est quasi nulle, le contrôle de l'Etat par le contrôleur général économique et financier (CGEFI) mal calibré
et ses instances représentatives du personnel sont pour le moment héritées de l'organisme gestionnaire conventionnel (OGC) auquel elle a succédé.
L'Igas dénonce une conduite de projet défectueuse
. Dans un cadre juridique contraint par des textes qui empiètent sur la marge de gestion nécessaire, les remises en cause de règles édictées après 'arbitrage politique', les délais trop serrés et le choix technique hasardeux d'un recours exclusif à l'informatique, ont mis sous une pression excessive l'OGDPC
.
Le choix initial du tout informatique
pour les relations avec les professionnels de santé, les organismes de formation, les commissions scientifiques indépendantes et les partenaires institutionnels, a créé des contraintes ingérables
pour l'OGDPC.
La précipitation générale
liée à la signature rapide par l'OGC en toute fin d'existence pour la prestation de système informatique (Kertios) et donc la soustraction de l'OGDPC aux impératifs de la commande publique, explique aujourd'hui un certain nombre des dysfonctionnements
.
Elle relève des blocages principalement sur le financement des organismes de formation par l'industrie pharmaceutique ainsi que sur l'ouverture du DPC à tout type d'organisme de formation et sur le dispositif de leur évaluation.
La mission note néanmoins que la responsabilité de l'OGDPC apparaît "limitée" et estime que la conception même de la réforme est en cause ainsi que la conduite de son application
. C'est cette pression excessive qui lui a fait prendre certaines positions rigides et commettre des maladresses de communication
.
Enfin, elle pointe le fait que les difficultés ont parfois été majorées par des acteurs qui se contentent de critiques et ne proposent rien
.
• Contrôle de l'OGDPC et évaluation du DPC des professionnels de santé
Vers un OGDPC pilote avec une gestion déléguée aux opérateurs ?
Dans son rapport, l'IGAS propose plusieurs scénarios afin de sortir des difficultés actuelles. Le premier consiste à maintenir le système actuel en corrigeant les dysfonctionnements. Il s'agit de redonner confiance aux acteurs dans le dispositif en consolidant le financement du DPC et en assortissant l'obligation d'un jeu de sanctions relles
, note-t-on. Le second scénario, qui marque la préférence de l'IGAS, recentre les missions de l'OGDPC sur la formation inter-professionnelle et les priorités de santé publique
. Ainsi, tout ce qui a trait aux formations de DPC propre à chaque profession ou secteur d'activité relève des organismes gestionnaires spécifiques : ANFH, OPCA, FAF. Le troisième circonscrit le DPC à un socle de connaissances à actualiser que détermine le professionnel après évaluation de sa pratique. Enfin, le quatrième scénario consiste en l'application de droit commun de la formation continue. Ainsi, L'OGDPC serait supprimé et l'obligation légale redeviendrait déontologique.
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