L'équipe conduite par Laura Vagnoli, de l'Anna Meyer Children's Hospital à Florence, en est arrivée à cette conclusion après avoir observé 40 enfants âgés de cinq à douze ans candidats à une chirurgie mineure.
Pendant la période préopératoire, tous les jeunes participants ont pu être accompagnés par un de leurs parents, mais seule la moitié d'entre eux a également bénéficié de la présence d'un clown.
Les chercheurs florentins ont ainsi pu constater que la présence d'un clown à ce moment là permet de réduire significativement à la fois l'anxiété ressentie par l'enfant et celle du parent qui l'accompagne.
Cependant, ils ont également observé que si les clowns réussissent à distraire les enfants, ils semblent en revanche déranger l'équipe soignante.
UNE INTENTION LOUABLE... MAIS UNE EXPÉRIENCE ARTIFICIELLE
"C'est très bien de chercher à évaluer l'action des clowns, mais la situation [analysée dans l'étude italienne"> ne correspond pas au contexte habituel d'intervention des clowns, du moins en France", a expliqué à APM Santé le Dr Jacques Grill, qui exerce au département de cancérologie de l'enfant et de l'adolescent de l'Institut Gustave Roussy à Villejuif et occupe par ailleurs le siège de vice-président de l'association "Le rire médecin".
En effet, "le parachutage des clowns auprès d'enfants n'ayant probablement pas l'expérience de cet accompagnement [..."> rend cette expérience artificielle", d'autant plus qu'il ne faut pas oublier que "certains enfants ont peur des clowns", commente le spécialiste.
En France, les clowns de l'association peuvent assurer ce qu'ils appellent un "accompagnement des soins", en étant présent au moment où des enfants subissent des gestes invasifs (ponctions lombaire, ponctions ganglionnaires...) réalisés sous prémédication (qui consiste à donner à la personne qui va être opérée un médicament qui la calmera et potentialisera l'efficacité des analgésiques). Cela se fait donc notamment dans les services où les jeunes patients subissent souvent des gestes invasifs répétés, comme en oncologie, par exemple, indique-t-il.
Dans ce contexte, on ne fait donc pas d'impasse sur la "période d'adaptation" de sorte que les enfants peuvent d'abord prendre l'habitude de la présence des clowns. Dans cette approche, le lien familier que les clowns établissent avec l'enfant s'avère fondamental. Or il ne peut s'établir qu'avec la durée, ce qui rend cette approche plus appropriée aux services gérant des maladies chroniques.
Au contraire, cette étude italienne ressemble plutôt à un "parachutage d'une expérimentation avec des enfants n'ayant probablement pas l'expérience des clowns".
LE CLOWN N'EST PAS UN MÉDICAMENT
Si ce travail s'avère "scientifiquement assez rigoureux", le protocole élaboré se montre justement "beaucoup trop rigide" pour évaluer cette démarche qui par définition "s'inscrit dans le temps", relève le Dr Jacques Grill. "Le clown n'est pas un comprimé anxiolytique" permettant de résoudre des problèmes ponctuels, poursuit-il.
Ainsi, si on prépare tous les participants en leur expliquant qu'ils pourront ou non être accompagnés d'un clown juste avant l'intervention, les enfants peuvent percevoir négativement son absence ("C'est pas juste, je n'ai pas eu droit au clown"), explique le cancérologue français, en soulignant que les auteurs italiens n'ont pas précisé la façon dont ils ont alloué les clowns.
Par ailleurs, les travaux de l'équipe italienne ont montré que cette expérience avec les clowns ne sera pas poursuivie en raison de l'opposition du personnel, en dépit du fait que la majorité des soignants interrogés ont reconnu l'efficacité de la présence des clowns pour diminuer l'anxiété des enfants. Là encore, le cancérologue français met en cause la méthodologie mise en oeuvre. "Comme les clowns sont sortis du contexte, les personnels du bloc ont vécu leur intervention comme quelque chose de rajouté, qu'ils ne se sont pas approprié par ce qu'ils ne l'ont pas choisi".
Les chercheurs italiens se contentent de noter que l'expérience ne sera pas poursuivie à cause des résistances du personnel. mais sans "expliquer comment, pourquoi et les remèdes" qu'ils proposent, reproche le Dr Jacques Grill, qui juge "indispensable d'approfondir ce point". Le fait que les soignants participants ont jugé que la présence des clowns interfère avec leur travail (à la fois au niveau du geste de soins et de la relation avec le patient) reflète probablement un manque de préparation de l'équipe du bloc, estime le cancérologue français.
Pour faire part de toutes ces réserves quant à cette étude, le Dr Jacques Grill compte adresser un commentaire réunissant différentes remarques à la revue "Pediatrics".
DES POINTS POSITIFS
Malgré tout, relève-t-il, ce travail a mis en évidence un outil intéressant pour l'évaluation de l'anxiété préopératoire des enfants, la "Modified Yale Preoperative anxiety scale", une "checklist comportementale observationnelle permettant d'évaluer l'état d'anxiété de l'enfant", expliquent les auteurs italiens.
Et les résultats peuvent être considérés comme positifs, puisqu'en dépit du fait que "tout a été fait pour que ce soit dur pour tout le monde, les clowns, les soignants, et les enfants", on observe tout de même que les jeunes patients sont moins anxieux en présence des clowns, alors que le bénéfice de l'intervention des clowns a de fait été amoindri.
La réalisation d'une étude sur le sujet est déjà envisagée depuis longtemps en France, mais les chercheurs butent justement sur la méthodologie à appliquer, a expliqué le Dr Jacques Grill à APM Santé. Sachant que les clowns viennent de façon discontinue dans les services (environ une ou deux fois par semaine), il semble plus judicieux de faire porter l'évaluation sur un geste invasif donné, en comparant les réactions des enfants avant et après l'intégration des clowns dans un service grâce aux outils utilisés dans cette étude.
"On pourrait imaginer le lancement d'une étude française sur le sujet en 2006, on y travaille", a précisé le Dr Jacques Grill, "mais le but n'est surtout pas de se précipiter pour éviter d'être contre-productif", a-t-il insisté./mr
INFOS ET ACTUALITES
Nez rouges et blouses blanches : une étude évalue l'intérêt de la présence des clowns à l'hôpital
Publié le 13/10/2005
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Source : infirmiers.com
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