Trois infirmières dijonnaises ont lancé en décembre 2020 My Jolly Family, un site pour aider les parents dans leur parentalité. Elles nous racontent leur projet et leur combat pour la valorisation du métier d’infirmière puéricultrice.
My Jolly Family, c’est l’histoire de trois collègues devenues amies : Elodie et Julie, infirmières puéricultrices et Valérie, infirmière spécialisée en thérapies comportementales et cognitives, toutes les trois formatrices au sein du même institut. À l’origine du projet, un constat partagé par Valérie à ses collègues : J’ai identifié un manque au niveau de l’accompagnement du bien-être dans la parentalité.
Sur l’impulsion de Valérie, les trois amies se lancent dans la mise en place de consultations et d’ateliers de soutien à la parentalité à Dijon et en visioconférence dans toute la France. Notre leitmotiv c’est : bien dans sa peau, bien dans sa parentalité
, résume Elodie, infirmière puéricultrice qui a exercé en maternité, en PMI et en néonatalogie. Le trio estime que pour être un bon parent, il faut avoir du temps pour prendre soin de soi et pouvoir compter sur des personnes qui prennent soin des parents
.
Pendant la grossesse, les suivis chez les professionnels de santé sont nombreux. Une fois devenu parent, ils se raréfient à raison des vingt visites obligatoires de l’enfant entre zéro et seize ans
, déplore Elodie qui entend pallier, à son niveau, le déséquilibre entre le nombre de pédiatres et d’infirmiers puéricultrices : En France, il y a environ 8 000 pédiatres et 21 000 infirmières puéricultrices. Les pédiatres n’ont pas le temps de traiter l’allaitement, les pleurs, le sommeil et les parents se retrouvent souvent démunis.
Quant aux sages-femmes, elles assurent le suivi des grossesses jusqu’au 28ème jour mais ce n’est pas systématique
, nuance Elodie. En post-partum, une visite est programmée avec les sages-femmes. Pour Elodie, ce sont des métiers complémentaires : Quand les compétences de la sage-femme s’arrêtent, c’est l’infirmière puéricultrice qui prend le relai dans son champ de compétences.
À travers My Jolly Family, Julie, Valérie et Elodie envisagent une prise en charge holistique de la famille : Nous interrogeons les parents sur la grossesse, sur l’histoire de l’accouchement, sur les débuts de leur vie de parent pour comprendre ce qui pourrait interagir avec les problèmes de sommeil ou d’alimentation de l’enfant par exemple.
Formée à la communication bienveillante, Julie anime un atelier autour de la coopération et de l’accueil des émotions de l’enfant. Elle soulève les problématiques les plus récurrentes rencontrées par les parents : La gestion de l’enfant, de ses pleurs et la difficulté à être parent au tout début, sont des sujets incontournables.
Les injonctions sociétales autour du bon parent
accroissent les questionnements des mères et des pères qui, selon ces infirmières puéricultrices, ont besoin d’être rassurés en raison de l’évolution du modèle éducatif.
Le rapport des 1 000 premiers jours
En septembre 2020, le rapport des 1 000 premiers jours, produit par une commission présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, a mis en exergue le sentiment de solitude face à la parentalité et le besoin croissant pour les parents d’être mieux accompagnés. Un constat qui a conforté Julie dans l’idée de leur projet : Les parents vont forcément s’orienter vers des médecins généralistes à cause du manque de pédiatres, mais ils ne sont pas formés à l’accompagnement de toutes les problématiques liées à la petite enfance.
Parallèlement, les parents sortent de plus en plus tôt de la maternité : Aujourd’hui, ils sortent à J+2, contre J+3 à J+4 il y a dix ans. Or il faut savoir que la nuit la plus compliquée à vivre en maternité, c’est entre la deuxième et la troisième nuit. Cela dépend des maternités, mais les séjours tendent à se raccourcir
, rapporte Julie.
“On ne naît pas parent, on le devient”
La Protection maternelle et infantile (PMI), qui assure aussi des missions dans le champ de l’accompagnement et du soutien à la parentalité, ne couvre que 13 % des examens obligatoires des enfants âgés de 0-6 ans*. Selon Elodie, les parents seraient réticents à l’idée de se rendre en PMI en raison de la perception de ces services par les parents : une image d’aide sociale
et de protection de l’enfance
qui peut effrayer. Être parent entraîne un grand chamboulement psycho-affectif. On ne naît pas parent, on le devient. Cela demande un accompagnement d’autant plus qu’aujourd’hui, les parents se retrouvent assez seuls, parfois éloignés géographiquement de leur famille tandis qu’autrefois la parentalité était collective avec la présence des grands-parents à proximité
, ajoute-t-elle.
"10 à 15 % des mères présentent des symptômes dépressifs post-accouchement"
Burn-out parental, altération de la dynamique familiale, violences intra-familiales, la crise sanitaire a majoré les problématiques liées à la parentalité. Pour Elodie, l’infirmière puéricultrice a un rôle prépondérant à jouer : 10 à 15 % des mères présentent des symptômes dépressifs post-accouchement**. C’est l’une des premières causes de suicide maternel. La puéricultrice est experte dans le développement psycho-affectif, experte dans le dépistage des troubles de l’attachement. Elle est en mesure d’accompagner les parents et d’orienter vers un professionnel ou pas.
Marine, 33 ans, maman d’une petite fille de quatre mois, Elisabeth, a eu recours à une consultation chez My Jolly Family car elle rencontrait des difficultés à faire prendre le biberon à sa fille : J’allaitais complètement ma fille depuis sa naissance. Quand j’essayais de lui donner le biberon, elle refusait catégoriquement.
Inquiète, Marine se rend chez une pédiatre : Elle m’a stressée davantage en me disant que la situation allait empirer lorsque je reprendrai le travail.
La jeune maman cherche alors une spécialiste en lactation et s’oriente vers Elodie, à travers My Jolly Family : Elle m’a donné des conseils mais elle a surtout était extrêmement bienveillante. Ce type de consultation devrait être fortement conseillée à la naissance. Je pense que ça éviterait des baby blues ou des dépressions post-partum car les pédiatres ne sont pas toujours très doux dans l’accompagnement, surtout quand on est une jeune maman avec un premier enfant et qu’on manque de confiance en soi.
Besoin de reconnaissance
Les trois fondatrices du site de coaching à la parentalité espèrent que leur activité soit un jour remboursée par la Sécurité sociale. Elodie est l’une des onze cofondatrices du collectif « Je suis infirmière puéricultrice » qui a pour objectif la reconnaissance de sa spécialisation : Aujourd’hui, on ne peut pas toucher tous types de famille. On se bat auprès de la commission des Affaires sociales pour qu’il y ait un accès au soin égalitaire pour tous.
Composé à 98 % de femmes, le métier d’infirmière puéricultrice pâtit d’une image trop lisse selon Elodie : On souffre de cette âme de bonne sœur qui nous précède.
Le 8 mars dernier, le collectif s’est entretenu avec Fadila Khattabi, présidente de la Comission des Affaires sociales, et a envoyé à l’issue une demande d’audition. À ce jour, le collectif est en attente d’une réponse.
*Rapport de la députée Michèle Peyron « Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! », mars 2019
Inès KheireddineJournaliste infirmiers.com ines.kheireddine@gpsante.fr
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