Comment les personnes diabétiques ont traversé la crise du Covid-19 ? Ont-elles été psychologiquement impactées, inquiètes car exposées et plus vulnérables ? Ont-elles dû changer leurs comportements ? Quels ont été leurs interlocuteurs et leurs ressources et pour quel suivi de leur pathologie ? Les résultats d'une étude menée auprès d'elles livrent aux professionnels de santé des enseignements utiles et qui enrichiront leur pratiques soignantes. Revue de détails.
La vulnérabilité engendre la peur...
Elles étaient identifiées dès le début de la crise sanitaire comme "vulnérables". La Covid19 exposait les personnes diabétiques aux formes graves de la maladie.
Une situation, on le devine, très anxiogène et mise en évidence par cette enquête1 : 59% des patients diabétiques interrogés craignaient d’être particulièrement vulnérables
, et 37% se sentaient davantage préoccupés par leur état de santé en tant que personne diabétique depuis le début de la crise
.
Lors du déconfinement , attendu de tous, alors qu'il aurait dû être un motif de soulagement, pour les personnes diabétiques, il a renforcé les peurs : peur d'un rebond de la maladie avec un reconfinement (36%), peur de contracter le virus (34%) et, pour les patients diabétiques de type 1 qui sont traités par insuline, peur d’un déséquilibrage de leur diabète et de complications médicales lourdes (21%), d’avoir des difficultés pour obtenir un rendez-vous médical de suivi (20%) ou de se procurer leur traitement et le matériel médical nécessaire (19%).
Quelle conséquence sur la maladie diabétique ?
Ils sont 13% à s’être sentis encore plus seuls face à leur maladie pendant le confinement. De fait, 41% des patients qui avaient une consultation planifiée pendant le confinement ont vu leur rendez-vous annulé pendant cette période, dont 73% par le professionnel de santé lui-même. Ces chiffres sont d’autant plus marquants lorsque l’on sait qu’en tête des rendez-vous annulés figurent ceux chez le diabétologue (16%) ou au laboratoire de biologie médicale (13%).
Cela a-t-il eu des conséquences sur l'évolution de la maladie elle-même, sur son équilibre au jour le jour ? 45% des répondants ont constaté une évolution de leur diabète et, parmi eux, 28% font part d’un équilibrage. Cette évolution positive peut s’expliquer par plusieurs facteurs : près d'un quart des patients diabétiques a vu son suivi de traitement facilité du fait d'être à domicile ; 38% des rééquilibrages sont corrélés à une augmentation de l’activité physique et 33% à une meilleure alimentation pendant le confinement.
Les 28% de diabétiques ayant constaté un rééquilibrage de leur diabète pendant le confinement sont majoritairement âgés de moins de 60 ans : 35% parmi les moins de 60 ans contre 23% parmi les plus de 60 ans.
Le télétravail semble avoir eu un effet particulièrement bénéfique chez les personnes diabétiques. En effet, 47% d'entre elles en télétravail durant le confinement ont constaté un rééquilibrage de leur diabète, contre 35% des patients qui ont poursuivi leur activité professionnelle "normalement" et 39% de ceux qui ont dû s’arrêter. De même, 47% des patients ayant plus de contacts avec le corps médical durant le confinement ont constaté un rééquilibrage, contre 28% de l’ensemble des diabétiques interrogés.
Françoise Giroud-Baleydier, diabétologue : j’ai pu constater en consultation que les ¾ de mes patients ont vu leur diabète s’améliorer : étant moins stressés, prenant plus de temps pour s’occuper d’eux en étant vigilants sur leur nourriture et en faisant de l’activité, ces patients ont réussi à rééquilibrer leur diabète.
Quels professionnels de santé comme interlocteurs privilégiés ?
Les rendez-vous annulés pour cause de confinement ont davantage touché les patients suivis par un diabétologue en milieu hospitalier (55%) que par un médecin généraliste (37%). Ainsi, le médecin traitant s'est avéré être leur principal soutien pendant cette période (pour un quart des personnes interrogées), notamment pour faire face à l’inquiétude liée à leur diabète dans ce contexte épidémique. Il est à noter que 74% des diabétiques se sont rendus à la même fréquence en officine. Ces chiffres attestent du rôle fondamental joué par les acteurs de santé de proximité. Les pharmaciens ont réagi très vite, permettant aux patients de se sentir en sécurité dans les officines. La médecine de ville s’est mobilisée elle aussi, et a pleinement joué son rôle sanitaire mais aussi social auprès de patients en manque d’information
, explique le docteur Françoise Giroud-Baleydier, diabétologue.
S'il y a eu aussi contact avec le médecin (41% en face/face), les contacts à distance avec les professionnels de santé ont largement séduit les patients : 38% y ont eu recours, et plus encore chez les personnes diabétiques de type 1 (51%). Cependant, les contacts à distance avec le médecin ont été moins importants chez les patients seniors : les moins de 60 ans ont ainsi été plus prompts à interagir à distance (46% chez les DT1 et 39% chez les DT2) que leurs aînés de plus de 60 ans (14% DT1 VS 7% DT2). 5% des séniors diabétiques ont eu plus de contacts avec leur médecin pendant le confinement, contre 24% pour les diabétiques de moins de 60 ans.
Les contacts à distance avec les professionnels de santé ont largement séduit les patients : 38% y ont eu recours, et plus encore chez les personnes diabétiques de type 1 (51%)
Une inquiétude qui perdure...
55% des personnes diabétiques estiment qu’elles sont autant inquiètes qu'avant la crise sanitaire par rapport à leur maladie, contre 58% chez les personnes diabétiques de type 2, d'autant lorsqu'elles sont plus âgées (63% chez les plus de 60 ans). Autre enseignement, plus de la moitié des personnes diabétiques interrogées n’ont pas le sentiment d’avoir bénéficié d’un accompagnement particulier pendant le confinement (58%) ; constat d’autant plus important chez les diabétiques de type 2 (DT2) de plus de 60 ans (76%).
Pour ne pas "décrocher de son diabète" lorsque l'on se sent isolé, d'autant lorsqu'il y a confinement, la proximité avec les professionnels de santé joue un rôle clé. Jean-Marc, 70 ans, atteint de diabète de type 1 le souligne : les pharmacies ont été l’un des rares endroits sécurisés où l’on pouvait échanger avec un professionnel de santé, il faudrait trouver d’autres solutions pour ne laisser aucun patient sur le bord de la route
.
Vis-à-vis des perspectives sanitaires dans les prochains mois, les séniors atteints de diabète de type 2 se montrent plus inquiets que les autres : 40% des DT2 de plus de 60 ans ont peur d’un rebond (vs 33% pour les moins de 60 ans / 27% et 29% chez les DT1).
Note
- Étude réalisée en ligne par CSA pour Roche Diabetes Care France, du 18 au 27 mai 2020, auprès d’un échantillon de 504 patients atteints de diabète (101 diabétiques de type 1 et 403 diabétiques de type 2).
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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