Les erreurs liées aux soins en réanimation sont nombreuses, le plus souvent sans conséquence, mais nécessitent la mise en place d'un programme de prévention, selon l'étude française Iatroref.
"Il s'agit des premières données françaises multicentriques en réanimation. L'étude donne une photographie des erreurs liées aux soins et des événements indésirables dans 70 unités de réanimation", a précisé à l'APM le Dr Maïté Garrouste-Orgeas du service de réanimation médico-chirurgicale de l'hôpital Saint-Joseph à Paris.
"A ma connaissance, c'est la première fois que des indicateurs sont sélectionnés par des experts selon la technique Delphi, une technique de recherche de consensus qui a utilisé un questionnaire sur les caractéristiques idéales d'un bon indicateur de l'erreur liée aux soins", ajoute le médecin-réanimateur.
L'étude a été menée du 27 mars au 3 avril 2006. Elle a été financée par la Haute autorité de santé (HAS) et le Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC).
Au total, 1.192 erreurs liées aux soins chez les 1.369 patients de l'étude ont été rapportées, soit 2,1/1.000 patients-jours. Au moins une erreur liée aux soins a été observée chez 26,8% des patients. Les erreurs les plus fréquentes concernaient les administrations de médicament et les ablations accidentelles de sondes ou cathéters.
De plus, 15,4% des erreurs liées aux soins chez 9,3% des patients ont eu au moins une conséquence clinique ou ont nécessité un traitement ou une procédure.
Les auteurs dénombrent pour chaque indicateur le nombre d'erreurs rapporté au nombre de jours de situations à risque d'erreur : par exemple 640 erreurs d'administration d'insuline pour 3.389 jours d'administration, 261/3.223 excès de gonflement du ballonnet de la sonde endotrachéale, 121/3.223 non installations du patient en position demi-assise en l' absence de contre-indication au cours d'une ventilation mécanique invasive et en cas de nutrition entérale.
Il y avait aussi 36/4.362 erreurs de prescription d'anticoagulants, 35/3.223 accidents d'extubation (dont 21 par le patient lui-même), 29/1.379 erreurs d'administration de médicaments vasoactifs, 23/4.362 erreurs d'administration d'anticoagulants, 23/4.362 cas d'administration d'un médicament au mauvais patient, et quelques cas de retards de prise en charge chirurgicale, de retraits accidentels d'un cathéter veineux central, de pneumothorax liés à l'insertion d'un cathéter veineux central, de chutes du patient et d'anomalies du circuit de d'aspiration pendant l'intubation.
Toutes les erreurs ont été relevées, même celles sans conséquence pour le patient, d'où leur fréquence élevée. Par exemple, l'erreur "administration d'insuline" était comptabilisée s'il y avait un écart entre ce qui était prescrit et ce qui était réalisé, concernant aussi bien la dose que la voie d'administration, la surveillance ou l'administration.
Beaucoup d'erreurs mais peu de conséquences
Ainsi, "on observe beaucoup de situations à risque d'erreur mais avec peu d'erreurs suivies de conséquences", commente Maïté Garrouste-Orgeas. Par exemple, 86% des erreurs d'administration d'insuline étaient sans conséquence. De plus, dans 15% des cas des conséquences ont été rapportées mais sans retentissement pour les patients (12% d'hyperglycémies et 3,7% d'hypoglycémies inférieures ou égales à 0,54g/L).
Les erreurs liées aux soins sans conséquences n'ont pas eu d'effet sur la mortalité mais chez les 2,5% des patients ayant eu au moins deux erreurs liées aux soins avec conséquences, le risque de décès est multiplié par trois.
Le risque d'événement augmente avec le nombre d'opportunités d'erreur: les erreurs sont plus fréquentes chez les patients qui ont eu un acte de chirurgie programmée, qui reçoivent de l'insuline, qui ont un cathéter veineux central ou qui ont une ventilation mécanique au cours de l'étude. Le risque d'événement augmente également avec le nombre de jours de présence dans l'étude.
La fréquence des erreurs pourrait être sous-estimée car leur recueil était fait sur le mode déclaratif, avec un biais possible de sous-déclaration. "Cela aurait été beaucoup mieux d'avoir une personne étrangère au service pour recueillir les données", admet le Dr Garrouste-Orgeas.
Mais cette étude n'avait pas pour objectif de mettre en évidence la fréquence des erreurs. "On sait depuis 10 ans, date de publication du rapport américain 'L'erreur est humaine', que l'erreur liée aux soins, en général, est un événement fréquent", commente le Dr Garrouste-Orgeas. "Une étude européenne sur les erreurs de prescription et d'administration médicamenteuse montrait des chiffres similaires et ce, quel que soit le pays".
Cette étude s'intègre dans un programme de prévention des erreurs liées aux soins les plus fréquentes pour cibler au mieux celles à prévenir.
Les résultats mettent en évidence une variabilité considérable d'unité à unité dans le taux d'erreurs liées aux soins. Celle-ci pourrait être, entre autres, "attribuée à la courte période de l'essai", poursuivent les auteurs. D'autres facteurs explicatifs sont le possible impact de la charge de travail, du syndrome d'épuisement professionnel, de l'esprit d'équipe et de la satisfaction au travail dans la survenue d'évènements.
"La relation entre la charge de travail de plus en plus importante dans les unités de réanimation, le syndrome d'épuisement professionnel des soignants et les erreurs liées aux soins font l'objet de la quatrième partie de cette étude en cours de réalisation actuellement", annonce le Dr Garrouste-Orgeas.
Prévenir l'erreur liée aux soins : évaluation d'un programme de prévention
Un programme de prévention visant à diminuer les erreurs d'administration d'insuline, de prescription et d'administration d'anticoagulants et les ablations de cathéter et de sonde d'intubation a été évalué dans trois services de réanimation. "Cette étude est terminée et sera soumise à publication en 2010", précise le Dr Garrouste-Orgeas.
Ce programme s'est appuyé sur un enseignement associant des cours organisés par petits groupes pour le personnel soignant avec mise à disposition sur Internet de l'enregistrement de ces cours, une plaquette d'information précisant l'importance de l'erreur liée aux soins et la morbi-mortalité associée et l'organisation de séances de feedback tous les 15 jours permettant, à chaque service d'élaborer des stratégies d'amélioration de la pratique des soins.
"On sait que la mise en place de l'amélioration de la qualité des soins demande des efforts permanents" a précisé le Dr Garrouste-Orgeas. Interrogée sur l'éventualité de modifier des protocoles ou d'en ajouter, le Dr Garrouste-Orgeas a estimé que la prévention ne passera pas forcément par de nouvelles procédures mais par des stratégies réfléchies prenant en compte tous les déterminants aboutissant à l'erreur de soins.
(American Journal of Respiratory and Clinical Care Medicine, publié en ligne le 29 octobre)
Paris, 24 novembre (APM)
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