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Les directeurs des soins vont-ils perdre leur autorité et autonomie ?

Publié le 08/04/2010

Évolutions des missions des responsabilités et du statut des directeurs des soins

Les changements profonds dans les champs sanitaire, médico-social et social visent à apporter des réponses plus adaptées aux besoins évolutifs de santé de la population. Ils impliquent un ajustement des compétences, du champ et du mode d’exercice des professionnels de santé.

Dans ce contexte, il est intéressant de se pencher sur les évolutions actuelles et à venir des missions, des responsabilités et du statut des directeurs de soins.

Le décret n°2002-550 du 19 avril 2002 portant statut particulier du corps des directeurs des soins de la fonction publique hospitalière, précise qu’ils peuvent exercer :

  • la coordination générale des activités de soins ou de la direction du service de soins infirmiers de rééducation et médico-techniques,
  • la direction d'un institut de formation préparant aux professions paramédicales ou de la direction d'un institut de formation de cadres de santé,
  • des fonctions de conseiller technique ou de conseiller pédagogique à l'échelon régional ou national,
  • et être chargés de missions et d’études.

Dans le système hospitalier, de formation des professionnels paramédicaux et plus largement dans le système de santé, ils ont démontré leur place incontournable, notamment en contribuant à la mise en œuvre d’une démarche qualité et au développement des compétences professionnelles de l’ensemble des paramédicaux.

Cependant, certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 dite HPST1, remettent en cause cette position stratégique à l’intersection entre plusieurs acteurs de santé (lien entre les professionnels médicaux, administratifs et paramédicaux) et plus largement peut questionner sur l’avenir de ces professionnels.
Ce qui doit attirer notre attention et notre vigilance sont diverses mesures qui d’une part, valorisent la place des directeurs des soins et des infirmiers dans le système de santé, et d’autre part diminuent certaines de leurs responsabilités.

L’intégration de la formation en soins infirmiers dans le système LMD2 et bientôt celle des autres professions paramédicales, la création de l’ordre infirmier (dans la suite de celui des kinésithérapeutes), le directeur des soins, président de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques membre de droit du directoire, sont des dispositions permettant (à la profession infirmière) et aux professions paramédicales une meilleure reconnaissance.

On peut encore citer dans la voie de l’autonomisation de notre profession : la création d’une chaire infirmière “recherche infirmière”, dont la titulaire est Directrice du département des sciences infirmières et paramédicales à l’EHESP3, le lancement en 2009, d’un appel à projets relatif au Programme Hospitalier de Recherche Infirmière (PHRI), et les pratiques avancées que certaines collègues mettent avec succès au service des patients. Depuis de nombreuses décennies les infirmières travaillent pour la reconnaissance et l’autonomie de leur profession, les évolutions actuelles vont dans ce sens et il est nécessaire de se saisir de ces opportunités pour en faire des points d’appui afin de rejoindre le positionnement de certaines infirmières Européennes ou Nord-Américaines dont la place dans le système de santé est bien plus reconnue que la notre.

La restructuration de notre système de santé, via la loi HPST, permet également aux paramédicaux, et aux directeurs des soins d’y prendre une place prépondérante. La modernisation des établissements de santé, passant par l’amélioration du parcours patient, le renforcement des réseaux ville-hôpital, le travail en supra pôles, les enjeux de santé publique, d’attractivité et de fidélisation des professionnels de santé, feront des directeurs des soins, pour les équipes de direction et les équipes médicales, des acteurs à part entière pour conduire ces changements majeurs. Ils ne pourront pas être positionnés en tant qu’experts en soins et devront garder un rôle stratégique.

Parallèlement, en voie de parution, nous remarquons des textes qui suppriment le lien hiérarchique des directeurs des soins vis-à-vis des cadres de santé, restreignent certaines  missions des commissions de soins infirmiers de rééducation et médico-techniques et les responsabilités que peuvent prendre les directeurs des soins au niveau des pôles hospitaliers.

Dans l’article 4 du décret du 19 avril 2002, le directeur des soins, CGS4, disposait par délégation du chef d’établissement de l’autorité hiérarchique sur l’ensemble des cadres de santé. La suppression de ce lien hiérarchique entrainera une perte de cohérence et de structuration de l’organisation des soins infirmiers de rééducation et médico-techniques. Dans le futur statut des directeurs des soins, celui-ci ne détermine plus une politique d’évaluation des pratiques de soins et ne collabore plus à la gestion des risques liés aux soins.

Concomitamment, la commission des soins infirmiers de rééducation et médico-techniques ne serait plus consultée sur l’évaluation des pratiques professionnelles et l’évaluation des soins. Cette commission perd également l’avis qu’elle pouvait remettre sur l’élaboration d’une politique de formation (mais remettra un avis sur la DPC5) et surtout sur le projet d’établissement et l’organisation interne de ce dernier.

La loi HPST dans son article 13, précise que le chef de pôle peut être assisté par un ou plusieurs collaborateurs dont il propose la nomination au directeur d’établissement. Le trinôme : chef de pôle, assisté d’un CPP6 et d’un CAP7 n’est plus une obligation.

Ainsi, les directeurs des soins, présidents de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques, même s’ils sont membres de droit du directoire, risquent de perdre une partie de leur rôle stratégique au sein des établissements de santé. Ils auront moins de responsabilité et d’autorité auprès des cadres de santé afin d’impulser et de donner de la cohérence aux projets. Ils ne seront plus l’élément structurant et coordonnateur entre les  personnels paramédicaux, médicaux et administratifs.

La coordination des soins infirmiers de rééducation et médico-techniques risque de perdre du sens et des leviers d’action si elle ne comprend plus l’évaluation des pratiques professionnelles.
Le projet de suppression des filières dans le projet de statut des directeurs des soins (que l’on retrouve dans l’article 2 du décret du 19 avril 2002) fragilise également la représentativité des professionnels au sein d’un même service de soins infirmiers de rééducation et médico-techniques.

Nous devons être très attentifs à ces projets car les directeurs des soins risquent de perdre en autonomie et champ de décision. Pour les établissements de santé c’est un risque plus important de voir diminuer le rôle pivot et de médiateur de ces professionnels, qui rassemblent autour du projet de soins, l’ensemble des acteurs au service des usagers. Les enjeux de ces transformations (fort probables) sont des impacts sur la latitude de management du directeur des soins, son périmètre d’action, son positionnement en tant que régulateur des jeux d’acteurs dans une organisation de travail encore très pyramidale et in fine, sur ses motivations puisque son rôle central dans l’organisation des soins est affaibli.

Il s’agit là moins d’un débat corporatiste, que de préserver et de renforcer le rôle des directeurs des soins pour d’une part, continuer à faire évoluer notre profession, être acteurs des évolutions du système de santé, de la modernisation des établissements de santé et de notre système de formation.

Notes

1 HPST : Hôpital Patients Santé Territoires
2 LMD : Licence Master Doctorat
3 EHESP : École des Hautes Études de Santé Publique
4 CGS : Coordonnateur Général des Soins
5 DPC : Développement Personnel Continu
6 CPP : Cadre Paramédical de Pôle
7 CAP : Cadre Administratif de Pôle

Nathalie LARIBIERE
Directrice des soins AP HP
nathalie.laribiere@sap.aphp.fr


Source : infirmiers.com