Le vent se lève... oui le vent se lève, un vent de révolte qui souffle depuis des mois, attisé par des soignants qui n'en peuvent plus de hurler leur désarroi, leurs conditions de travail de plus en plus délètères, leur manque de reconnaissance, leurs salaires de misère et leur perte de valeurs soignantes auxquelles ils sont pourtant si attachés. Reprendre le pouvoir et vaincre la technocratie, redonner son humanisme à l'hôpital public devenu une entreprise qui doit faire du chiffre, la tâche des soignants est immense mais elle en vaut la peine car sans eux et leur engagement quotidien au plus près des besoins sanitaires des Français, le combat est perdu d'avance. Le vent se lève, il nous faut nous lever avec lui !
Pouvez-vous me dire comment une infirmière* dévouée et bienveillante en arrive à se soigner, non pas dans son hôpital mais dans une clinique où elle va payer des dépassements d'honoraires ? Peut-être me diriez-vous que c'est comme pour ce professeur du public attaché aux valeurs d'une école pour tous et qui décide de taper dans ses économies pour mettre ses propres enfants dans le privé...
Pouvez-vous maintenant me dire comment cette même infirmière dévouée qui travaille pour bien moins cher que ses collègues européennes en arrive à écouter d'une oreille distraite la petite fille qui, en larmes, lui dit qu'elle a mal au ventre ? Peut-être me direz-vous que c'est comme pour l'ensemble de ces fonctionnaires à qui l'on fixe des objectifs sans les moyens nécessaires pour les réaliser.
Pouvez-vous enfin me dire comment convaincre une population de privatiser des secteurs aussi sensibles que l'éducation et la santé ? Peut-être en les faisant passer pour obsolètes en pointant le manque d'organisation, la résistance au changement, voire le poil dans la main des petits fonctionnaires payés à coup de lance pierre.
Bref, la stratégie de celui qui souhaite casser un système socialisé comme la sécurité sociale a intérêt à individualiser et donc à parler à l’égoïsme et à la bêtise des acteurs.
Car, en effet, l'école, l’hôpital, l'assurance maladie et les retraites, ça coûte "un pognon de dingue" et c'est plusieurs milliards de nos impôts qu'on investit chaque année dans ce qui semble ne rien nous rapporter. Mais à votre avis ça va vous coûter combien demain si tout est privatisé ?
Et pensez-vous que l'infirmière dévouée et bienveillante aura plus de moyens et sera moins épuisée en clinique quand l'objectif affiché sera clairement d'engraisser des actionnaires ? Sera t-elle mieux payée ? Aura t-elle une meilleure couverture maladie ou une meilleure retraite ? Et surtout donnera t-elle plus de sens à sa pratique soignante ? Pensez-vous enfin que le professeur payé à l'acte aura plus de souci pour votre enfant et qu'il en aura moins à gérer quand ce ne seront plus des élèves mais des clients ? Et quand il y aura une erreur ou une faute - car c'est le propre de l'être humain d'être faillible - qui sera inquiété ? Le dirigeant cupide ou la petite main de l'éducation ou du soin ? Et même si ça peut sembler regrettable, qui pourra défendre le soignant jetable ?
Dans les jours heureux où nos dirigeants ressentaient la nécessité de donner vie à l'utopie, un système de sécurité sociale a été imaginé. Il n'était pas parfait mais au niveau mondial il était reconnu. En France on n'avait pas de pétrole mais on avait la sécu !
Et pour demain quelle promesse pour nos enfants ? Quelle utopie contre l'effondrement ? Depuis plusieurs années, les soignants alertent les différentes hiérarchies locales et nationales sur la fatigue et la souffrance chroniques liées aux conditions de travail dans les hôpitaux publics. Pour l'instant, nos gouvernements successifs s'entêtent à asphyxier l’hôpital en prétendant le sauver avec le management de pompier pyromane qui va avec. Et à coup de bienveillance et de démarche qualité, on réduit l'offre de soin et le temps de cerveau disponible pour des soins simplement humains.
Mais visiblement, et c'est heureux, la nouvelle génération de soignants semble moins intéressée par les cornettes. La formation aide-soignante ne fait plus recette et de plus en plus d'infirmières s'autorisent à déserter les services où le manque de moyens est le plus criant. Et nombreuses sont les blouses blanches qui expriment ce ras-le-bol au sein de collectifs soignants et sur les réseaux sociaux. Partout en France, le vent se lève !
Les solutions sont pourtant connues depuis longtemps : reconnaître les compétences et donner de l'autonomie aux acteurs de soins pour renforcer la prophylaxie. Car la meilleure façon de s'émanciper, c'est de devenir acteur de sa vie et donc de sa santé. Comment ?
Premièrement, en donnant un vrai rôle propre aux aide-soignantes * avec plus d'autonomie concernant l'accompagnement dans les gestes de la vie quotidienne et la prévention liée à notre environnement. L'aide-soignante pourrait devenir une ambassadrice de l'écologie de la santé !
Deuxièmement, permettre aux infirmières d'investir leur rôle propre pour réellement pouvoir développer la recherche et les soins infirmiers en prévention primaire, secondaire et tertiaire.
Et enfin, permettre aux infirmières de pratiques avancées d'exercer sans devoir s'en référer à un médecin. Car à quoi bon devenir spécialiste si c'est pour rester inféodé à un autre spécialiste, voire à un généraliste ?
Il faut surtout faire preuve d'ouverture d'esprit et cesser de reproduire les erreurs du passé et pour ce faire écouter mieux les principaux concernés par la santé, à savoir les patients.
Mais choisir d'autonomiser et responsabiliser les acteurs, c'est renoncer à exercer sur eux une trop forte domination. C'est reconnaître la place de l'autre et convenir que les si grands écarts de salaire entre médicaux et paramédicaux n'ont plus lieu d'être à l’hôpital ! Pour sauver l’hôpital public, il est donc urgent que les petites mains cessent de se faire expliquer leur travail par des ministres gestionnaires, des médecins paternalistes ou des cadres éloignés de la santé et que leurs compétences et responsabilités soient mieux payées.
En conclusion, la solution c'est que les paramédicaux reprennent du pouvoir sur leur curriculum universitaire, sur leur exercice professionnel et sur les décisions qui concernent la santé publique. Les soignants doivent donc se mobiliser pour obtenir les moyens de réellement prendre soin de l'ensemble de la population. Et parce que l'émancipation doit être collective, peut-être qu'une bonne question à se poser pour le 14 février, date annoncée pour une grande mobilisation pour défendre le service public et sauver l'hôpital, c'est "avec quel collectif je vais défiler" ?
*Lire partout infirmière/infirmier et aide-soignante/aide-soignant
Jérôme CORNIER
Cadre de santé
jerome.cornierifcs@gmail.com
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