Le secteur de la réanimation neurochirurgicale constitue une spécialité à part entière. En effet, les patients pris en charge souffrent de pathologies qui affectent une partie centrale du corps : le cerveau. Cet organe, indispensable au fonctionnement du corps humain, permet à l'homme de sentir, ressentir, réfléchir, être… De l'atteinte de cet organe complexe émane alors un contexte humain spécifique considérablement amplifié par la jeunesse des patients hospitalisés dans ce secteur.
Le cadre de santé et le psychologue, de par leurs rôles, mènent des actions à la fois différentes et conjointes. Ils font partis d'une équipe pluridisciplinaire qui se doit de gérer la charge émotionnelle considérable des patients et des familles mais aussi des équipes paramédicales et médicales.
1. Le rôle du cadre
Le mode de fonctionnement de cette structure invite le cadre de santé à travailler en équipe pluridisciplinaire et en collaboration avec les autres secteurs. Il développe ainsi des capacités relationnelles et de communication qu'il peut, dans un second temps, réinvestir auprès des familles.
Le cadre infirmier tient un rôle d'accueil primordial pour les familles souvent démunies par la soudaineté de l'incident de santé qui survient chez leur proche. Il accueille, explique le mode de fonctionnement de la structure, oriente, diffuse les informations et les coordonnées du service. Il met les familles en relation avec les différents intervenants. Il participe aux entretiens lorsque les médecins reçoivent les familles et devient souvent, par ce biais, un référent. Le cadre soutien les familles par sa présence, sa courtoisie, sa disponibilité, son aide dans la réalisation des formalités administratives et en répondant aux diverses demandes. Il participe à ce que les familles se constituent des repères et se sentent moins désorientées au sein de la structure.
Il incite les personnels à s'impliquer dans la prise en charge des familles. En effet, un soutien efficient des familles lors d'annonce de diagnostic grave ou de pronostic vital défavorable implique la présence des soignants lors des entretiens médicaux. Une meilleure connaissance des informations données aux familles et une observation de leurs réactions permet d'adapter l'accompagnement des proches lors des situations difficiles.
Il est aidé par un psychologue, présent chaque jour, qui prend en charge les familles souvent fragilisées.
Les limites du rôle du cadre
Le cadre de santé a un rôle de soutien pour les familles. Toutefois, il n'est pas toujours en mesure de gérer toutes les situations. En effet, il n'a pas bénéficié de la formation nécessaire pour être un professionnel de la psychologie.
Pourtant, il peut être amené à gérer des situations de crises comme l'état de choc émotionnel d'une jeune fille de 14 ans, prostrée, qui vient d'apprendre le décès imminent de sa mère. Les compétences du cadre dans ce type de situation se montrent limitées et il se retrouve alors en réelle difficulté. En effet, dans ce type de situation, il n'est pas forcément en capacité d'apporter l'aide psychologique adéquate. L'expérience pratique ne suffit à pallier le manque de formation en psychologie. Le psychologue, professionnel de la psychologie, dans ce cas, tient un rôle indéniable.
2. Le rôle du psychologue
Un psychologue est attaché au service. Il est présent lors des visites des familles durant 1h30 chaque jour de la semaine. Il reçoit les familles dans une pièce spécialement réservée à cet effet située à l'entrée de la réanimation.
Il aide les familles à mieux comprendre les situations, à appréhender les diagnostics et assure leur suivi. Il travaille avec eux et suit l'évolution de leurs processus d'acceptation du handicap ou de deuil. Il participe, dans les cas de patients jeunes en état de mort encéphalique, aux entretiens où il est demandé aux familles de procéder à un don d'organes. Dans cette situation, où la composante psychologique est incontournable, le psychologue n'est-il pas un acteur essentiel ? Il est évidant que son travail ne peut être isolé du travail de l'équipe pluridisciplinaire mais, de par sa formation, il présente des aptitudes aidantes aussi bien pour les familles que pour les équipes. Sa présence permet d'optimiser la prise en charge des familles.
Il gère également les familles divisées, qui à l'occasion d'un incident de santé de leur proche, sont amenées à se côtoyer de nouveau. Cela peut générer des situations extrêmement conflictuelles que le psychologue parvient parfois à aplanir. Il tient le rôle de médiateur. Il parvient parfois à réunir les familles dans ces moments difficiles ou tout au moins à négocier des arrangements.
Enfin, il reçoit et prépare les enfants à voir leur proche souvent impressionnant avec les pansements de tête, la technique ou même le faciès transformé par un traumatisme. Il utilise des jouets et un langage adapté pour expliquer aux enfants l'univers qu'ils vont découvrir. Ensuite, au cas par cas, il accompagne ou non l'enfant auprès du patient. Ce travail a une incidence directe sur la réaction des enfants, qui par le biais de cette préparation, est le plus souvent adaptée.
Les limites du rôle du psychologue
L'action du psychologue ne remplace en rien le travail de relation que l'équipe médicale et paramédicale entretient avec les familles. L'action doit être conjointe et complémentaire. C'est pour cela qu'il est capital que les infirmières, aide-soignantes et cadres de soins assistent aux entretiens avec les psychologues et les médecins.
Le psychologue doit présenter des capacités de communication importantes pour entrer en relation aussi bien avec les familles qu'avec les équipes médicales et paramédicales. Il est incontournable qu'il diffuse auprès des personnels les informations relatives aux familles qui interfèrent dans la prise en charge du patient et de la famille par les soignants.
En effet, la diffusion de ces informations participe à aider les soignants à suivre l'évolution de l'état psychologique des familles et parfois à mieux comprendre les orientations thérapeutiques prises pour les patients.
En cela est organisée, une fois par mois, une réunion avec le chef de service, le psychologue, l'encadrement et les personnels qui souhaitent y assister. Les agents abordent certains points, parfois éthiques, relatifs aux patients. Ce type de réunion permet de diffuser l'information et d'expliquer certaines situations parfois compliquées.
Le psychologue rencontre les personnels au sein des différentes unités. Ces temps d'échanges informels constituent des moments aidant pour les personnels. Cela implique que le psychologue soit ouvert et facilement accessible ; ce, afin de faciliter le dialogue.
Le psychologue doit participer à la vie du service et accepter de s'investir dans les travaux menés par les équipes en lien direct avec son rôle dans le service.
Enfin, son action doit être conjointe au travail des équipes médicales et paramédicales et en aucun cas parallèle. Un travail en équipe pluridisciplinaire optimise la prise en charge des familles. Le contraire peut entraîner des pertes d'information et générer une action incohérente de l'ensemble des acteurs lors de la prise en charge des familles.
3. Décret du 31 janvier 1991
Ce décret du 31 janvier 1991 établit la place du psychologue dans la fonction publique hospitalière et lui reconnaît un statut particulier :
" Il étudie et traite au travers d'une démarche professionnelle propre, les rapports réciproques entre la vie psychique et les comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l'autonomie et le développement de la personne. Il conçoit les méthodes et met en œuvre les moyens techniques correspondant à la qualification issue de la formation qu'il a reçue. Il entreprend, suscite ou participe à des travaux de recherche et de formation. "
Conclusion
Le rôle du psychologue est indéniable dans ce type de service où la charge émotionnelle est intense aussi bien auprès des patients et de leurs familles qu'auprès des personnels. Son rôle est complémentaire de celui des équipes médicales et paramédicales. Il fait partie intégrante de l'équipe pluridisciplinaire dont ce service a besoin pour optimiser la prise en charge des patients et de leur famille et pour favoriser les conditions de travail des équipes médicales et paramédicales.
Enfin, la définition du psychologue par la Société Française de Psychologie illustre parfaitement les compétences dont celui-ci doit faire preuve dans un service de réanimation neurochirurgicale :
" Le psychologue est un professionnel, spécialiste dans le domaine de la psychologie. Il exerce son métier après avoir acquis un savoir et des compétences spécifiques, à travers une formation universitaire de niveau Bac +5.
Sur le terrain, le psychologue est membre à part entière d'équipes pluridisciplinaires, avec comme tâche essentielle celle de communiquer et avec, comme objectif spécifique, celui de contribuer à la modification des comportements individuels et collectifs. Il s'adapte à des situations nouvelles, voire inattendues, et met en œuvre des moyens pour répondre aux besoins particuliers des contextes sociaux et humains.
Ainsi, quelles que soient les modalités d'engagement personnel, le psychologue est un authentique spécialiste de la relation, qui travaille pour l'homme et avec l'homme, professionnel responsable et compétent, unique de par la spécificité de son intervention et pluriel de par sa force créative, ses possibilité d'adaptation et la diversité de ses actions. "
Céline Bridey, Cadre de Santé en Réanimation Neurochirurgicale,
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
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