La distribution des médicaments par un aide-soignant licite ou illicite ? Combien de fois la question s'est elle posée dans les établissement à vocation sanitaire et social ou médico-social ?
L'article « collaboration infirmier aide-soignant : la distribution des médicaments » démontrait la complexité de la réponse à cette question car reposait essentiellement sur les circulaires du 4 juin 1999 relative à la distribution des médicaments et celle du 19 janvier 1996 relative au rôle et aux missions des aides-soignants et auxiliaires de puéricultures qui n'ont pas de valeur légale.
Enfin, une réponse est apportée par le Conseil d'Etat dans une décision du 22 mai 2002
M. BERNARD n°233939 qui indirectement cet arrêt apporte une base légale à la distribution des médicaments par les aides-soignants dans le cadre d'un projet de soins élaborés conjointement par les infirmiers et aides-soignants.
L'objectif de cette étude n'est pas de faire une analyse juridique sur la distribution des médicaments qui a déjà fait l'objet d'un article.
L'objet de cette étude est d'analyser la procédure disciplinaire à partir de la décision du Conseil d'Etat qui retient comme faute professionnelle le refus de distribuer des médicaments par un aide-soignant dans une maison de retraite.
Bref rappel sur la distribution des médicaments
Préalablement, il sera fait un bref rappel des faits conduisant à la décision du Conseil d'Etat : un aide soignant a refusé d'exécuter la note de service du directeur d'une maison de retraite qui prévoyait la distribution des médicaments à la charge des aides-soignants au motif qu'il la jugeait illégal. Le refus de distribuer les médicaments par un aide-soignant a été jugé comme un manquement à ses obligations professionnelles justifiant une sanction disciplinaire.
Le Conseil d'Etat a jugé que relève de la compétence des aides-soignants la distribution des médicaments lorsqu'il s'agit d'apporter une aide, un soutien à une personne qui a perdu son autonomie. L'aide-soignant est considéré comme apportant son aide à un geste de la vie courante : « Considérant que l'ordre donné aux aides-soignants, par la note de service du 18 mai 2000 du directeur de la maison de retraite de procéder à la distribution des médicaments n'était pas manifestement illégal dès lors que l'aide apportée aux résidents empêchés temporairement ou durablement d'accomplir les gestes nécessaires pour prendre les médicaments qui leur ont été prescrits constitue l'une des modalités de soutien qu'appellent, en raison de leur état, certains malades pour les actes de la vie courante et relèvent donc en application des dispositions précitées du rôle de l'aide-soignant ». Cette fonction est considérée comme relevant de la compétence de l'aide-soignant en application de la circulaire du 19 janvier 1996 définissant le rôle et missions des aides-soignants et auxiliaires de puéricultures qui cite parmi leurs missions : la surveillance des patients et l'aide apportée aux personnes ayant perdu leur autonomie.
En conséquence, il convient de distinguer les actes de la vie courante des actes qui relèvent de la fonction de soins.
Au regard des textes il convient donc de tenir compte : de la nature du médicament, du mode d'administration et des circonstances pour déterminer s'il la distribution du médicament peut être qualifiée d'acte de la vie courante et dans ce cas l'intervention de l'aide-soignant est possible ou s'il s'agit d'un acte de soins qui relève alors de la seule compétence de l'infirmier.
Il sera rappelé qu'il s'agit d'une collaboration et non d'une délégation de compétence.
En effet, dans le cas de la collaboration aide-soignant infirmier, les gestes accomplis par l'aide-soignant sont toujours réalisés sous la responsabilité de l'infirmier. L'aide soignant qui distribue les médicaments apporte sa collaboration à l'infirmier. A ce titre il agit sous le contrôle et la responsabilité de l'infirmier qui ne délègue pas ses compétences mais sollicite une collaboration à l'exécution de ses fonctions relevant de son rôle propre.
Définition de la faute professionnelle
Ce sont dans ces circonstances que l'aide-soignant s'est vue infliger une sanction de révocation pour avoir refusé d'obéir à son supérieur hiérarchique. Ce refus d'appliquer une note de service sollicitant les aides-soignants à la distribution des médicaments a été qualifié de faute professionnelle.
La notion de faute disciplinaire est commune à l'ensemble de la fonction publique. Constitue une faute disciplinaire " Toute faute commis par un fonctionnaire, dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions, l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale" Statut de la fonction publique.
En l'espèce il s'agit d'un acte de désobéissance. L'obligation d'obéissance octroie au supérieur hiérarchique un pouvoir de sanction à l'égard des subordonnés qui refuserait d'obéir aux ordres exception faite de l'hypothèse où « l'agent a un devoir de désobéir dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre l'ordre public » article 28 de la loi du 13 juillet 1983.
Si pour se conformer aux instructions, le fonctionnaire est conduit à enfreindre la loi pénale, il peut et il doit désobéir.
L'ordre « manifestement illégal et de nature à compromettre l'ordre public » coïncide en pratique avec l'infraction pénale.
Le conseil d'Etat a jugé que l'ordre donné aux aides-soignants de distribuer les médicaments dans une maison de retraite n'était pas de nature à troubler l'ordre public. L'aide-soignant en refusant d'appliquer une note de service d'un supérieur hiérarchique a dès lors commis une faute justifiant une sanction disciplinaire.
Cependant, le directeur n'avait pas respecté la procédure disciplinaire. C'est également sur ce fondement que le conseil d'Etat s'est prononcé.
Lorsqu'une faute est commise par l'infirmier, elle doit être portée à la connaissance du directeur de l'établissement qui réunit alors le conseil de discipline pour qu'une sanction soit prononcée.
Déroulement de la procédure disciplinaire
L'autorité investie du pouvoir de nomination est compétente pour déclencher une procédure disciplinaire. Il rédige alors un rapport où les faits reprochés sont précisés. Il est à noter que l'administration est tenue de lui communiquer le dossier afin que l'agent puisse assurer sa défense.
L'agent est ensuite convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion.
La tenue d'un conseil de discipline est obligatoire avant le prononcé de toute sanction autre que l'avertissement, le blâme ou l'exclusion temporaire d'une durée maximale de trois jours.
L'agent peut présenter des observations orales ou écrites et se faire assister d'un défenseur.
Le conseil de discipline a alors un mois pour rendre un avis motivé sur l'opportunité ou non de prononcer une sanction et sur son quantum à compter du jour de sa saisine.
L'autorité disciplinaire prononce une sanction qui est immédiatement exécutoire même si l'agent forme un recours (exception faite du cas d'exclusion temporaire qui peut faire l'objet d'un sursis total ou partiel). La décision doit être motivée et notifiée à l'agent.
Les sanctions
Les sanctions sont classées en quatre groupes.
Premier groupe : ce sont, pour des fautes de peu de gravité, l'avertissement et le blâme.
Deuxième groupe : il s'agit de :
- la radiation du tableau d'avancement,
- l'abaissement d'échelon,
- l'exclusion temporaire de fonction pour une durée maximale de 15 jours (mise à pied) qui est privative de rémunération.
Troisième groupe : Ces sanctions s'appliquent à des fautes d'une certaine gravité. Ce sont la rétrogradation et l'exclusion temporaire pour une durée de trois mois à deux ans.
Quatrième groupe : ces sanctions répriment les fautes graves puisqu'elles entraînent la cessation des fonctions : mise à la retraite d'office et révocation.
En l'espèce, le directeur de l'établissement a prononcé une sanction de révocation à l'encontre de l'aide-soignant. L'aide-soignant a alors contesté la décision l'estimant non fondée.
Lors de la procédure, il a demandé d'une part l'annulation de la sanction prononcée par le directeur et d'autre part l'annulation de l'avis de la commission de recours qui proposait une exclusion temporaire de fonctions de quinze jours.
Le juge administratif a confirmé d'une part l'existence d'une faute professionnelle à la charge de l'aide soignant qui s'est refusé d'appliquer une note de service juridiquement légale émanant d'un supérieur hiérarchique et d'autre part l'exclusion temporaire de quinze jours prononcé par la commission des recours.
En revanche, le juge administratif a bien retenu une erreur de procédure à la charge du directeur pour avoir prononcé une sanction plus sévère que celle proposée par la commission de recours.
Contestation de la décision
Le fonctionnaire hospitalier qui fait l'objet d'une sanction disciplinaire peut exercer un recours devant le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière si les conditions suivantes sont réunies :
En application de l'article 84 du titre IV du statut général, les fonctionnaires « qui ont fait l'objet d'une sanction de deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière lorsque l'autorité investie du pouvoir disciplinaire a prononcé une sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline ».
En effet, l'avis émis par la commission des recours lie l'autorité disciplinaire dans la mesure où elle ne peut pas prononcer une sanction plus sévère que celle proposée par la commission.
La commission des recours avait transformé la révocation en exclusion temporaire de fonction d'une durée de quinze jours avec sursis. Le directeur devait suivre l'avis de la commission ou prononcer une sanction plus clémente. En revanche, conformément aux dispositions relatives à la procédure disciplinaire il ne pouvait pas maintenir sa décision de révocation, sanction plus grave pour l'agent.
Juriste spécialisée en droit de la santé
AEU droit médical, DESS droit de la santé
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