Virginie, l'infirmière insoumise se remémore son tout premier jour de travail juste après avoir obtenu son diplôme. Elle décrit son ressenti en arrivant au service des urgences, service qu'elle a choisi. Elle raconte comment la rencontre a changé sa vie.
Je m’appelle Virginie, j’ai vingt-trois ans et je suis infirmière. Aujourd’hui, c’est mon premier jour. C’est mon premier jour de travail. Je viens tout juste d’être diplômée. J’ai choisi d’exercer aux urgences-SMUR d’un petit hôpital de province. La chance dans ce métier, c’est qu’il y a tellement de postes à pourvoir, qu’on peut bien postuler là où l’on veut. J’ai toujours voulu être infirmière. Infirmière aux urgences je veux dire. J’ai orienté toutes mes études en ce sens.
C’est le mois de de Janvier. Alors que mes pieds crissent dans la neige sur le parking de l’hôpital, je lève les yeux vers le grand bâtiment qui pour le commun des mortels parait si peu accueillant car synonyme pour la plupart d’entre eux de souffrance, d’attente, de désespoir et de maladie voire de mort. Pourtant, pour moi c’est le plus bel endroit du monde. Celui où l’on sauve des vies. Alors que je franchis les portes vitrées, je ne sais pas encore à ce moment-là que ce sera mon lieu de travail pour les quatorze prochaines années. Un lieu qui évoquera à jamais le rire, les larmes, le partage, le souffrance et même l’amour.
Mireille, l’infirmière qui changera à jamais ma vie et mon regard sur autrui.
Mais aujourd’hui, je vais faire la rencontre de Mireille. Mireille, l’infirmière qui changera à jamais ma vie et mon regard sur autrui. Mireille qui m’a tant appris. Mireille qui, m’a fait découvrir l’écoute et l’empathie.Mireille qui m’a aidé à affronter la colère et l’indifférence de cette vieille aide-soignante aigrie qui m’avait prise en grippe dès le premier jour. Car je suis la plus jeune du service. Celle que la cadre supérieure ne veut pas embaucher. Mais qui n’a pas eu le choix, la faute au manque de personnel. Je suis celle dont personne ne souhaite la présence. Mais Mireille est là. Pour m’aider, m’encourager, m’encadrer dans mes nouvelles fonctions. Ce n’est pas à l’école que j’ai appris mon travail. C’est avec Mireille. Et puis ensuite en SMUR avec les ambulanciers, mais ça, c’est une autre histoire.
Mais revenons-en à Mireille. Mireille a une conscience professionnelle. Une vraie de vraie. Mireille sait y faire avec les patients. Mireille sait partager avec eux. Mireille sait tenir la main du grand-père abandonné de tous. Mireille sait faire les plâtres. Mireille sait écouter la souffrance de cette femme battue. Mireille sait gérer un déchocage. Mireille sait sécher les larmes des enfants. Et je l’admire. Je l’admire encore plus aujourd’hui.
En ce premier jour, Mireille fait tout avec moi. Il n’y a pas de jugement. Juste des conseils. Et un échange. Toi, tu fais comme ça ? Tiens, c’est intéressant…
Mireille dit qu’elle ne sait pas tout. Mireille est humble. Mireille m’encadre plusieurs jours, puis me lâche. Je dois voler de mes propres ailes. J’ai peur. Enfin un peu seulement. Parce que je sais que Mireille a toujours un œil derrière son épaule pour veiller sur moi. Et puis après quelques mois Mireille part. Elle change de service. Après avoir changé ma vie, sans le savoir.
Partir n’est pas toujours un abandon, c’est aussi une façon de préserver ce qui a été vécu si l’on sait s’en aller avant qu’il ne soit trop tard. »
Marc Lévy
Elle ne fait de pot de départ. Ce n’est pas son genre. Alors pour lui montrer ma reconnaissance, je lui offre un livre. Car Mireille adore lire. Elle lit tout le temps. Tout et n’importe quoi. Le livre que j’ai choisi s’intitule « Où es tu ? » Un best-seller que j’ai adoré. Etrange. A l’époque, je ne sais pas pourquoi je choisis cet ouvrage-ci. Mais dans le fond, il y a toujours une raison pour laquelle on fait les choses. La raison, c’est que, aujourd’hui, Mireille, je ne sais pas où tu es. Je ne sais pas ce que tu es devenue.
En écrivant cet article, je reprends le fameux livre coincé parmi tant d’autres sur mes étagères. Je lui retire sa couche de poussière. Un bout de papier en tombe. Qui a servi de marque page. C’est une carte. La carte de l’hôpital de l’époque. Je prends une grande inspiration et garde mon souffle. Je la retourne. Il est écrit un numéro de téléphone. Ce n’est pas celui de Mireille. Juste celui des urgences.
We don’t see the same shores
We both grew up by our sides but
We can feel the same trouble
Cause we’re just living parallel lives
Revolver
Cet article a été publiée sur le blog de l'Infirmière Insoumise le 28 février 2018. Nous la remercions de ce partage.
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF
HOSPITALISATION A DOMICILE
Un flash sécurité patient sur les évènements indésirables associés aux soins en HAD
THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES
Hypnose, méditation : la révolution silencieuse
RECRUTEMENT
Pénurie d'infirmiers : où en est-on ?