Le CHU de Nice semble faire de la qualité de vie au travail et de la promotion de la santé un véritable enjeu, quelles sont les actions les plus emblématiques menées en ce sens ?
Pr Christian Pradier : Par exemple, nous avons décidé de favoriser la pratique de l'activité physique au sein de l'établissement. Et nous avons maintenant un coach sportif qui dispense des séances gratuitement sur le site de l'hôpital, durant les heures de travail ou en dehors pour ceux qui le souhaitent.
Un autre programme mis en place : les visites de services. L'idée est de mieux faire connaître aux agents les personnels des autres services. Car on peut faire toute sa carrière dans un établissement sans jamais échanger avec l'équipe d'à côté. L'idée est donc d'organiser, à la façon d'un tour operator, des visites guidées des urgences ou de la cuisine centrale, de l'unité de soins palliatifs, etc. Cela permet de parler, de faire connaissance, de mettre un nom sur des personnes que jusqu'alors on croisait sans y prêter attention. En bref cela crée du lien, renforce le sentiment d'appartenance à l'établissement et de cohésion..
Nous avons également développé tout un pan d'activités de bien-être : massage, sophrologie, tai-chi, méditation, pleine conscience, etc. Ce sont des agents qui ont eux-mêmes ces compétences qui se sont proposés d'en faire profiter leurs collègues. J'ai trois secrétaires dans mon équipe qui ont développé ces savoir-faire là et vont les délivrer dans les différents services de l'hôpital. C'est extrêmement apprécié. C'est l'opportunité pour ceux qui le désirent de bénéficier d'une vraie pause d'un quart d'heure ou 20 minutes pour prendre soin de soi. Ces séances sont d'ailleurs proposées pendant le temps de travail avec l'accord de la direction des ressources humaines.
Enfin, d'autres types d'actions sont également mises en place régulièrement : menu végétarien à la cantine, foire aux vêtements gratuits (issus de collectes et de dons), etc. Certaines de ces initiatives visent notamment au soutien des personnels qui vivent dans la précarité...
Comment se sont mis en place ces projets ?
Pr Christian Pradier : il y a près d'une dizaine d'années, nous avons réuni un groupe de soignants :
infirmiers, aides-soignants, agents du sud, médecins, pour travailler autour de ce qu'on appelle "la promotion de la santé au travail", c'est-à-dire tout ce qui peut rendre les conditions de travail les plus confortables et les plus épanouissantes possible. C'est sur cette base, à partir des propositions des personnels eux-mêmes, qu'ont été décidées les actions à mettre en œuvre.
Anaïs Li Fonti : Je pense qu'il y a un vrai enjeu sur la santé et la promotion de la santé de nos professionnels aujourd'hui. Pour initier des actions dans ce sens, nous avons pris en compte le rapport sur "La santé des professionnels de santé" émis par le ministère de la Santé en octobre 2023. Et nous nous sommes appuyés sur les ressources dont nous disposions en interne. A savoir, notamment, ce groupe de réflexion sur la promotion de la santé que nous avions constitué ; nous avons décidé d'en faire une véritable unité dédiée pour développer des actions de sensibilisation et de prévention auprès des agents afin de les inciter à mieux prendre soin d'eux-mêmes. Nous tenons aussi à ce que ce soit des actions concrètes au plus près du terrain, et coconstruites avec les équipes de médecine préventive et de santé au travail, et les équipes de qualité de vie et conditions de travail. Parce que c'est cette complémentarité des compétences de chacun et cette pluridisciplinarité qui font la richesse de nos projets.
Avez-vous rencontré des difficultés pour mettre en place ces projets ? Notamment en termes de financement ?
Pr Christian Pradier : Alors ce qui est incroyable, c'est que cela ne demande pas de moyens particuliers. Ces projets là ne coûtent rien ! Il n'y a pas de budget spécifique qui leur est alloué. Ce sont des initiatives menées par les agents, pour les agents. C'est à partir des ressources propres de l'hôpital qu'a été développé tout un panel de propositions. En fait, je pense que le concept de promotion de la santé n'est pas assez développé dans les hôpitaux. D'une part parce qu'il est très mal connu, d'autre part parce qu'il faut souvent avoir un peu de recul par rapport au fonctionnement quotidien pour mettre en place ce type d'actions. Il faut une fenêtre d'opportunité. La nôtre a été en 2015 lorsque des soignants ont intégré le nouvel hôpital Pasteur2 à Nice. Quelques problèmes de cohésion d'équipes se posaient. J'ai demandé alors à la direction de l'établissement que l'on constitue un groupe de soignants et personnels administratifs pour travailler à l'amélioration de notre environnement et de nos conditions de travail. Et nous avons obtenu gain de cause.
Quels retours des personnels avez-vous eus sur ces actions ?
Pr Christian Pradier : J'ai décrit seulement quelques-unes de nos actions, et elles ont eu un certain succès. Près trois mille agents sur les cent huit mille qui travaille sur le site ont partagé au moins une des activités proposées. Ceux qui en ont bénéficié y ont puisé une énergie nouvelle, nouer des liens ou renforcer ceux existant avec leurs collègues.
Ces initiatives nourrissent le team building. Les gens vivent, font des choses ensemble, partagent des bons moments. La direction médicale et la direction administrative de l'hôpital sont très attentives à la santé des agents. Et cela signifie plus largement à leur épanouissement sur le lieu de travail et à la réalisation de leurs objectifs professionnels dans les meilleures conditions. Parce qu'on sait qu'un agent en bonne santé, qui sait aussi prendre soin de lui-même, saura au mieux prendre soin des patients. Et c'est au bénéfice de l'établissement et au bénéfice de tous.
Proposer une nouvelle vision de la santé des hospitaliers, c’est l’objectif de la nouvelle unité portée par le Département de Santé Publique du CHU de Nice pour prendre soin de ceux qui soignent ou qui y contribuent. Sa devise : « Une unité pour les professionnels, par les professionnels ».
Ce, par la création d’environnements favorables à la santé sur le lieu de travail et supportifs entre pairs, le renforcement de l’action collective par la participation des professionnels aux décisions touchant leur santé, et le développement des aptitudes individuelles concernant le « mieux prendre soin de sa santé ». Elle décline ainsi les principes de la promotion de la santé à travers 3 axes majeurs d’intervention : la coordination et l’organisation d’actions de promotion de la santé pour les professionnels, d’évènements, de formation ; l’appui méthodologique à la conception et mise en œuvre de programmes de promotion de la santé pour les professionnels à l’échelle d’un service ou d’un pôle, et le développement de la recherche. Pour ce faire l’intersectorialité est essentielle. L’unité fonctionnera en partenariat étroit avec le Service de Prévention et Santé au Travail et le service Qualité de Vie et Conditions de Travail.
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