L’administration de médicaments, qu’elle soit per os, parentérale ou entérale, est l’activité qui revient le plus fréquemment dans le quotidien d’une infirmière. En plus d’un savoir-faire technique, ce travail nécessite pour le professionnel de santé les connaissances requises pour vérifier le traitement prescrit par le médecin. La sécurité du malade exige donc que l’infirmière respecte en tout temps et tout lieu, les principes de base d’administration du médicament concerné.
L’infirmière, tout comme le médecin, est tenue de prodiguer à ses patients des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science. A ce titre, elle participe à l’amélioration de la qualité des soins et à la sécurité de la personne soignée. Elle doit donc s’informer, et se former sur les indications, contre-indications, ou modes d’administration médicamenteuse.
Hormis l’urgence vitale, tout acte médical délégué à une infirmière par le médecin doit faire l’objet d’une prescription ou d’un protocole, écrit, qualitatif, quantitatif, daté et signé, comme le prévoient les articles R.4311-7 à 9 du code de la santé publique (CSP).
Comment évaluer le caractère fautif de l’emploi d’un médicament en cas de complication entraînant un dommage ?
L’analyse des accidents liés à l’administration des médicaments démontre que les négligences touchent différentes étapes du processus :
- la mauvaise compréhension de l’ordonnance,
- le manque de connaissance du médicament (propriété, dosage, pharmacocinétique…)
- la confusion liée à une présentation pharmaceutique proche pour deux remèdes distincts : étiquetage, emballage, dénomination,
- l’utilisation d’une méthode de soin non appropriée,
- la négligence ou faute dans son administration,
- le manque de surveillance,
- l’erreur d’identité.
L’infirmière doit donc toujours clarifier auprès du médecin une situation de doute, par exemple : une ordonnance illisible, incomplète, qui fait état d’un dosage inhabituel ou encore qu’elle juge inappropriée à la condition clinique du patient à la suite de sa propre évaluation.
L’administration sécuritaire d’un médicament nécessite de l’infirmière la bonne connaissance de ce dernier : ses indications, les principaux risques connus, les conditions d’administration, les doses usuelles, les contre-indications et les principales interactions.
Le médicament lui, répond à des normes règlementaires strictes. Son autorisation de mise sur le marché (AMM) vise à garantir aux malades une sécurité d’emploi et la qualité du produit.
Prenons l’exemple réel d’un dépassement de posologie à l’origine d’un dommage par les fautes respectives du médecin, du pharmacien et de l’infirmière. Un ORL prescrit à une patiente souffrant de laryngite chronique un traitement associant des pulvérisations, des comprimés et une injection intramusculaire d’une ampoule d’un corticoïde retard. L’ordonnance portant la mention « Quinze jours », le préparateur en pharmacie l’applique aux trois médicaments et délivre 15 ampoules de ce corticoïde. Une infirmière libérale réalise quotidiennement les injections pendant 15 jours. La patiente ne ressent aucun symptôme particulier durant le traitement mais présente ensuite un syndrome de Cushing iatrogène, perd ses cheveux et ses dents, ce qui nécessite le port d’une prothèse sur le maxillaire inférieur, et ne retrouve un aspect normal que plus d’un an après. Elle assigne le médecin, la pharmacie et l’infirmière pour obtenir réparation de son préjudice.
La Cour d’appel considère que le médecin a commis une maladresse ou une négligence dans la rédaction de l’ordonnance, dont les termes et la présentation ont pu laisser supposer que la prescription du corticoïde était durable comme celle des deux autres produits.
Elle a considéré que le préparateur salarié avait également commis une faute en délivrant les 15 ampoules dont l’effet est retardé pendant 15 à 20 jours et dont la posologie est préconisée à intervalles de 3 à 6 semaines. Le pharmacien a en effet l’obligation de contrôler entre autres la posologie, de contacter le médecin en cas de doute ou d’anomalie et, à défaut de confirmation de sa part, de refuser la délivrance du produit.
Concernant l’infirmière, la Cour a estimé qu’elle avait elle aussi commis une négligence en s’abstenant de faire confirmer la prescription par le médecin. Elle était en effet informée de la posologie habituelle du produit par sa notice d’emploi et il ne pouvait lui échapper que la multiplication des injections constituait un dépassement considérable de la posologie usuelle.
En cas d’accident ou d’incident, comment alors différencier l’aléa de l’erreur médicale ?
L’aléa relève d’un mécanisme sans faute, il ne s’agit ni d’une erreur ni d’une maladresse, ni d’une négligence. L’erreur, quant à elle, aurait pu être évitée si les données de la science avaient été respectées. C’est un évènement iatrogène évitable, résultant d’un dysfonctionnement dans la prise en charge thérapeutique médicamenteuse.
Prenons le cas de patients diabétiques de type 2, insulino dépendants, relevant de l’intervention d’une infirmière. A ce jour, il existe sur le marché une trentaine de types d’insuline. Il est alors important pour l’infirmière, au moment de la prise en charge du patient, de connaître le type d’insuline injecté et de répartir au mieux les doses dans la journée.
On distingue principalement trois grandes familles d’insuline : les insulines rapides, les insulines retard, et les mélanges d’insulines. Ce qui les différencie porte sur trois phases : leur début d’action, le moment où l’effet est maximal, et leur durée d’action. Le médecin peut proposer un traitement combinant un ou plusieurs types d’insulines.
Les insulines rapides agissent quelques minutes après l’injection. Elles doivent donc être injectées juste avant un repas, sous peine de créer une hypoglycémie. L’infirmière doit donc connaître l’action rapide de ce médicament et s’assurer de la prise d’un repas suffisant en quantité et qualité, peu de temps après l’injection, surtout si le patient vit seul.
Les insulines d’action retard agissent au bout de quelques heures, et pendant une longue durée. Elles apportent l’insuline dont le patient a besoin en dehors des repas. Elles ne sont pas liées à l’ingestion de nourriture. Dans ce cas, les périodes et heures d’injections seront fonction de l’évolution dans le temps de l’insuline injectée (cinétique de l’insuline), ainsi que la fréquence des injections à répartir sur 24 h.
Type d'insuline |
Début d’action |
Début de baisse de la glycémie |
Fin de l'action |
Temps nécessaire entre injection et prise de nourriture |
Ultra rapide |
5 à 15 minutes |
45 à 90 minutes |
3 à 4 heures |
15 minutes |
Insuline rapide |
Environ 30 minutes |
2 à 5 heures |
5 à 8 heures |
Environ 30 minutes |
NPH ou Lente |
1 à 3 heures |
6 à 12 heures |
20 à 24 heures |
Injection non liée à l'ingestion de nourritur |
Les horaires d’injections doivent-ils être impérativement inscrits sur l’ordonnance, pour soustraire l’auxiliaire médicale de toute responsabilité ? Que ce soit ou non le cas, elle est censée connaître ce qu’elle injecte, et de quelle manière. En cas de litige le Tribunal demandera si le produit a été injecté conformément aux règles de l’art. L’AMM du produit est précisément l’une des expressions des règles de l’art. Elle sera la référence du juge par le biais de l’expert. Le professionnel de santé sera difficilement défendable en cas de non-respect.
C’est bien la raison pour laquelle l’attitude de certaines caisses de Sécurité Sociale, qui incitent les infirmières libérales à réaliser toutes les injections au moment des repas, afin d’éviter les majorations liées au tarif de nuit, apparaît particulièrement préoccupante.
En effet, les différents AMM de l’insuline lente prévoient un intervalle précis entre deux injections. Ce qui justifie le tarif de nuit appliqué jusqu’alors, puisque pour respecter cette amplitude, l’infirmière doit le plus souvent pratiquer l’une des deux injections en dehors des heures reconnues de jour. Si toutes les injections d’insulines, quelle que soit leur famille, sont calquées uniquement sur les prises de repas, sans tenir compte d’un intervalle de temps nécessaire, l’amplitude requise ne sera pas respectée, non plus que l’AMM du produit. La responsabilité de l’infirmière pourra donc être recherchée pour avoir exposé le patient à un risque injustifié.
En cas de mise en cause de sa responsabilité, l’infirmière pourra toujours faire état des préconisations de la CPAM, sans qu’il soit certain que cela atténuera sa responsabilité puisqu’en tant que professionnel de santé, elle dispose d’une indépendance et d’une compétence qui excluent qu’elle suive aveuglément les préconisations des organismes sociaux.
Ce qu’il faut retenir : Bien que tout médicament génère un risque, la protection des patients exige que l’infirmière respecte les principes d’une administration sécuritaire. Un comportement négligent ou approximatif peut entraîner des conséquences graves pouvant aller jusqu’au décès. A cette fin, elle doit avoir une connaissance suffisante du médicament et, en cas de doute, ne pas hésiter à se référer soit à la notice explicative accompagnant le remède, soit au dictionnaire du médicament de référence : le VIDAL.
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