Introduction
La prescription médicale est un acte médical majeur qui consiste à prescrire un traitement sur un document « l’ordonnance ».
Cette ordonnance consigne la prescription médicale qui peut être certes, des médicaments mais également des examens radiologiques, biologiques, des traitements physiques et des actes de kinésithérapie, ainsi que des cures thermales ou des règles d’hygiène et de diététique.
La rédaction de ce document valide un point fondamental :
« C’est un acte purement médical qui ne peut-être délégué »
Pour encadrer cet acte singulier, pas moins de deux voire trois codes le régissent :
* LE CODE DE LA SECURITE SOCIALE
* LE CODE DE LA SANTE PUBLIQUE
* LE CODE DE DEONTOLOGIE MEDICALE (codifié au code de la santé publique par le décret n°2004-802 du 29 juillet 2004)
Le cadre réglementaire
Chaque acteur de santé, en charge de l’exécution d’une ordonnance, sait que celle-ci doit être écrite , datée et signée par le prescripteur.
Pourtant cette règle, simple au demeurant, n’est pas sans poser de problème quant à son application. Et c’est souvent le personnel infirmier qui en fait les frais.
Il n’est pas rare, dans les services de soins, de voir les soignants chercher à joindre les médecins pour obtenir cette « sacro-sainte » prescription, point de départ et aboutissement de l’exécution de leurs soins.
Alors pourquoi le corps médical semble-t-il si détaché de cette exclusive responsabilité ?
Pourtant l’implication du prescripteur dans la rédaction de cette ordonnance va engager sa responsabilité morale, professionnelle et juridique.
Devant l’importance d’une telle règle, on pourrait croire que ce principe soit parfaitement énoncé dans la loi ou les règlements, ou tout du moins, clairement explicité dans le code de déontologie.
Il semble que ce soit le cas. Le code de la santé publique est éloquent en l’espèce, il précise dans certains de ces articles les bonnes pratiques en matière de rédaction.
Ainsi dans son article R5132-3, le CSP stipule : « … cette ordonnance doit indiquer lisiblement : le nom, la qualité et le cas échéant, la qualification ou le titre ou la spécialité du prescripteur telle que définie à l’article R.5121-9, son identifiant quand il existe, son adresse, sa signature et la date à laquelle l’ordonnance a été rédigée…
Lorsqu’elle est destinée à la médecine humaine ; le nom et prénoms, le sexe et l’age du malade et, si nécessaire, sa taille et son poids (enfants)…. ».
L’article R5123-1 du même code précise en outre que, pour qu’un médicament soit remboursé par un organisme de sécurité sociale, il doit être inscrit, sur l’ordonnance, la posologie du produit, la durée du traitement et le nombre d’unité de conditionnement.
Enfin, les articles R.5125-55, , R5132-21, R5132-27 et R5132-30 du CSP précisent quant à eux, les indications rédactionnelles obligatoires concernant les médicaments génériques, les médicaments des listes I et II et enfin les stupéfiants.
Le code de la santé publique donne une indication supplémentaire, il stipule dans l’article R4127-34 du CSP (ancien article 34 du code de déontologie médicale) :
« Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leurs compréhension par le patient et son entourage et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution ».
Cependant, malgré toute cette réglementation, la prescription médicale reste un véritable problème dans les établissements de santé.
La charge de travail des médecins, le manque de temps médical du fait de la carence de praticiens dans certaines disciplines, les taches administratives transversales toujours plus nombreuses ont généré l’abandon progressif de cette obligation exclusivement médicale.
Il est bien plus simple de téléphoner ces prescriptions à un IDE que de les écrire, selon la règle de l’art, surtout si le patricien n’est pas dans le service.
Pourtant il est important de rappeler que les infirmiers(es) ont une profession réglementée, qu’ils doivent s’y soumettre sous peine de commettre une faute.
Ainsi l’article R.4311-7 du CSP issu de la codification du décret dit de « compétence infirmière » n° 2002-194 du 11 février 2002 précise :
« L'infirmier ou l'infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d'une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin :
[......]
5º Injections et perfusions, à l'exclusion de la première, dans ces cathéters ainsi que dans les cathéters veineux centraux et ces montages :
a) De produits autres que ceux mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 4311-9 ;
b) De produits ne contribuant pas aux techniques d'anesthésie générale ou locorégionale mentionnées à l'article R. 4311-12.
Ces injections et perfusions font l'objet d'un compte rendu d'exécution écrit, daté et signé par l'infirmier ou l'infirmière et transcrit dans le dossier de soins infirmiers ;
6º Administration des médicaments sans préjudice des dispositions prévues à l'article R. 4311-5 ;
[......] »
Cette règle se retrouve également dans l’article R.4312-29 du CSP issu du décret 93- 221 du 16 février 1993 relatif aux règles de la profession d’infirmiers(es).
Il donne toute l’ampleur de la règle :
« L'infirmier ou l'infirmière applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur, ainsi que les protocoles thérapeutiques et de soins d'urgence que celui-ci a déterminé. Il vérifie et respecte la date de péremption et le mode d'emploi des produits ou matériels qu'il utilise. Il doit demander au médecin prescripteur un complément d'information chaque fois qu'il le juge utile, notamment s'il estime être insuffisamment éclairé.
L'infirmier ou l'infirmière communique au médecin prescripteur toute information en sa possession susceptible de concourir à l'établissement du diagnostic ou de permettre une meilleure adaptation du traitement en fonction de l'état de santé du patient et de son évolution. Chaque fois qu'il l'estime indispensable, l'infirmier ou l'infirmière demande au médecin prescripteur d'établir un protocole thérapeutique et de soins d'urgence écrit, daté et signé. En cas de mise en oeuvre d'un protocole écrit de soins d'urgence ou d'actes conservatoires accomplis jusqu'à l'intervention d'un médecin, l'infirmier ou l'infirmière remet à ce dernier un compte rendu écrit, daté et signé. »
Ces articles issus des deux décrets précédemment cités ont été abrogés puis codifiés au code de la santé publique dans sa partie réglementaire, le conseil d’état entendu, par le décret n°2004-820 du 29 juillet 2004.
Ils ont pour vocation à s’appliquer de manière générale et deviennent, de facto, opposables à tous les citoyens.
On peut s’interroger pourquoi, lors de la refonte du Code de Déontologie Médicale en 1995, les formulations inscrites dans les textes paramédicaux n’ont pas été reprises alors que celles-ci sont très précises en la matière depuis 1993 ?
Les difficultés d’applications
Il ne faut pas perdre de vue que lorsqu’un médecin rédige une prescription médicale, il engage sa responsabilité professionnelle. Et c’est cet engagement qui devient un gage de confiance et de garantie pour le patient.
A la différence de la prescription orale, qui peut-être interprétée plus ou moins convenablement pouvant devenir génératrice de dérapage, la prescription écrite se veut un acte positif permettant de garantir l’importance, le sérieux et la nécessité de celle-ci.
Il a été rapporté que certains médecins téléphonaient leurs prescriptions à l’infirmier(e) leur demandant d’établir l’ordonnance. En acceptant une telle demande, l’infirmière s’expose à l’exercice illégal de la profession de médecin engageant sa responsabilité pénale. Il en va de même pour les renouvellements d’ordonnance, surtout dans les maisons de retraites, où l’infirmière est souvent sollicitée pour les rédiger.
Le tribunal administratif de Versailles rappelle dans son jugement du 24 mars 2006, qui opposait un médecin vacataire d’un établissement de santé public recevant des personnes âgées, les éléments suivants :
- En l’espèce, il s’agissait d’un médecin vacataire de cet établissement, seulement présent que quelques heures, qui exigeait de la part des infirmières de rédiger le renouvellement de ses prescriptions. Malgré les protestations des infirmiers, ce médecin à refuser de changer cette habitude. L’administration de l’établissement a été informée et le médecin licencié. Ce médecin a saisit le tribunal administratif pour demander l’annulation du licenciement et la condamnation de l’établissement au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral.
- Par jugement du 26/03/2006, le médecin a été débouté de toutes ses demandes, au motif que cette délégation [renouvellement de prescriptions] était irrégulière et constituait , de facto, une faute grave justifiant le licenciement.
- Par ailleurs, le tribunal administratif de Versailles précise dans son jugement, qu’en vertu des dispositions du Code de la Santé Publiques relatives à la profession infirmière, « il résulte que la rédaction d’une prescription médicale constitue,eu égard à la responsabilité qui s’y attache, la mission exclusive des médecins, les personnels infirmiers n’ayant compétence qu’en ce qui concerne l’exécution de la prescription ».
Ce jugement va dans le même sens que l’article R.4312-29 étudié plus haut.
Cependant, devant un refus de la mise en application de la prescription écrite, une infirmière qui se heurte à une prescription orale ne peut pas s’abstenir de prodiguer les soins. Elle se doit, hors urgence, d’essayer par tous les moyens d’obtenir cette prescription écrite en tentant de joindre le médecin par téléphone en présence d’éventuels témoins, de faire appeler ce médecin par le standard de l’établissement, de chercher à joindre le chef de service et si nécessaire l’administrateur de garde.
Si le refus persiste ou si le médecin ne souhaite toujours pas se déplacer, l’infirmière consignera avec précision tous les actes ordonnés oralement dans le dossier de soins infirmiers et ce, afin de se protéger en cas de « problèmes », contre des actes qu’elle n’a pas exécutés de sa propre initiative.
Une fois la crise passée et les soins réalisés, l’infirmière établira un rapport circonstancié à son cadre afin que celui-ci mette tout en œuvre, avec l’administration de l’établissement, pour parvenir au respect de la règle :
La prescription médicale est écrite
Conclusion
La prescription médicale écrite est un élément décisif de la sécurité et du respect qui sont dûs aux patients.
Il ne faut pas inverser les rôles, l’obtention de la prescription écrite n’est pas une obligation infirmière, c’est d’abord et surtout une obligation médicale.
L’éventuelle faute qui pourrait être recherchée dans le cadre d’un recourt en responsabilité n’épargnerait malheureusement pas l’infirmière, mais concernerait d’abord le médecin.
Les personnels infirmiers sont souvent le dernier rempart de sécurité avant l’erreur, car ils exécutent le dernier geste (de la chaîne des soins).
Ce dernier geste doit être réalisé dans le respect de la réglementation en vigueur permettant ainsi de garantir une sécurité optimum au patient.
C’est pour cela que chaque acteur de santé se doit de répondre de ces actes dans le cadre de leur responsabilité professionnelle, l’implication du médecin face à cet acte majeur doit être sans équivoque.
Cette rigueur s’appliquera très probablement dans un futur proche aux infirmiers DE.
En effet, l’article 51 de la Loi 2006-1640 du 21 décembre 2006 portant sur le financement de la sécurité sociale pour 2007 complète l’article L.4311-1 du CSP en ces termes :
« Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixe la liste des dispositifs médicaux que les infirmiers, lorsqu’ils agissent sur prescription médicale, peuvent prescrire à leurs patients sauf en cas d’indication contraire du médecin et sous réserve, pour les dispositifs médicaux pour lesquels l’arrêté le précise, d’une information du médecin traitant désigné par leur patient. »
Actuellement, un projet d’arrêt é est soumis à concertation auprès des syndicats de médecins et des organisations infirmières.
Il semblerait que le projet s’axe sur 19 types de dispositifs médicaux qui pourraient être prescrit par les infirmiers.
Bibliographie
- Lynda LETTA .-Prescription médicale et soins infirmier.- Droit Déontologie et Soins Mars 2006. Vol 6, n°1 pages 34 à 42.
- P.VILLANI, G.BOUVENOT, P.QUENEAU .-Comment bien rédigé une ordonnance ?.- Responsabilité Juin 2006. Vol 6, n°22 pages 13 à19.
- C. SUREAU, D.LECOURT, G.DAVID.- l’Erreur médicale.- Quadrige Essais débat.- PUF Novembre 2006.
- Code de la santé publique.- DALLOZ 2006
Webographie
Pierre LEMAIRE
Infirmier Anesthésiste DE
Consultant en Droit de la Santé
pierrelemaire@nomade.fr
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