La Mutualité française "premier réseau du secteur privé non lucratif", veut, elle aussi, prendre part aux discussions du Ségur de la Santé et peser sur les décisions. La publication, le 17 juin dernier, de sa contribution fait réagir très vertement et de façon unanime les syndicats d'infirmiers libéraux qui se disent autant "consternés" que "révoltés", voire pire "insultés" par les propositions avancées.
Convergence Infirmière déplore d'emblée cette contribution qu'elle juge délibérément provocatrice et qui vise à démanteler le système de soin libéral
. Ghislaine Sicre, présidente du syndicat d'IDEL, ne décolère pas : on n’a pas entendu les dirigeants de la Mutualité française durant cette crise sanitaire majeure alors que nous étions nous en première ligne, tous les jours. Pourtant, ceux qui sont restés tranquillement derrière leur bureau veulent faire la leçon aux professionnels de santé qui ont été la pierre angulaire du système de santé durant cette pandémie, aux infirmiers libéraux qui ont pris des risques, qui ont assumé leurs responsabilités avec courage, qui se sont organisés avec efficacité
. Et de souligner une des propositions de la Mutualité française qui est de mettre fin à l’exercice isolé des professionnels de santé du premier recours et généraliser des espaces de santé pluriprofessionnels
. Pour le syndicat, tout est dit : c’est la fin programmée des professionnels de soins libéraux pour mettre en place des réseaux au bénéfice de Mutualité française notamment, mais aussi pour plaire au Président de la République...
La Fédération nationale des infirmiers libéraux (FNI) le fait également savoir : elle appelle de ses voeux une transformation du système de santé dans le sens d’une modernisation de la médecine de ville au sein de laquelle les infirmières libérales doivent recevoir une plus grande reconnaissance alors que la Mutualité propose l’inverse.
Pour la FNI, il s'agit bel et bien de faire disparaître le modèle de la médecine de ville libérale pour imposer son modèle dirigiste découlant des réseaux de soins, où les soignants se retrouvent dans un système rigide, hiérarchique et contraignant. Les professionnels de santé libéraux verraient, de plus, leur rémunération minorée pour ceux qui n’interviendraient pas dans de cadre. Et pour les professionnels de ces "espaces", la rémunération serait forfaitaire à la capitation et partagée entre les professionnels
. Pour le syndicat, il s’agit d’un modèle hérité de la Russie soviétique. Il n’y a rien de moderne ni de nouveau à la capitation
.
Pour le Syndicat national des infirmiers libéraux (Sniil), définis comme "équipes de soins traitantes" disposant d’une rémunération majoritairement forfaitaire, les "Espaces de Santé Pluriprofessionnels" de la Mutualité Française ne seraient, ni plus ni moins que des centres de santé, dispensaires ou réseaux de soins
.
Pour le Sniil, "la Mutualité Française a très largement dépassé les bornes".
Les syndicats d'IDEL soulignent également le désir de la Mutualité française qui veut "renforcer la médicalisation des Ehpad"? La FNI s'offusque : s’il est nécessaire de médicaliser les Ehpad, en revanche, la Mutualité indique clairement qu’elle compte écarter les professionnels de santé libéraux et, en premier lieu, les IDEL de la prise en charge à domicile au profit de ses propres équipes salariées
. Convergence Infirmière s'insurge à son tour : à défaut, les professionnels infirmiers libéraux sont venus au secours des Ehpad pour pallier les défaillances en personnel de ces structures pendant la crise, sans regarder s’ils étaient isolés ou non ! Et aujourd’hui la Mutualité Française voudrait jouer les grands sauveurs et régenter les soins de ville !
Le SNIIL condamne également avec la plus grande fermeté la vision étriquée de la Mutualité Française de ce que devrait être l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie. Militant pour la généralisation des Ehpad et la fusion de toutes les organisations de maintien à domicile (HAD, SSIAD, SAAD), la Mutualité Française souhaite, là, ni plus ni moins qu’écarter les professionnels de santé libéraux du maintien à domicile… alors même que les soins de ville ont déjà très largement fait la preuve de leur efficience dans le domaine
. Pour le Sniil, la Mutualité Française a donc, là, très largement dépassé les bornes. Le Sniil met d’ailleurs en garde les professionnels de santé libéraux qui pourraient faire appel à ce type d’organisme pour financer tout ou partie de leur projet d’exercice coordonné pluriprofessionnel (MSP par exemple). Car alors, le risque est grand de voir se faire imposer des conditions drastiques d’exercice peu compatibles avec un exercice libéral.
Convergence Infirmière s'interroge par ailleurs sur l’utilisation des fonds de ces mutuelles ? Est-ce que les économies engendrées pendant la crise Covid serviront à un meilleur remboursement de leurs adhérents, ou seront-elles dépensées en sponsors ou autres dépenses inutiles et couteuses ? Que l’on mette un terme à l’instrumentalisation du soin et donc des patients à des fins mercantiles et que les technos, hors sol, s’appuient enfin sur l’expertise de ceux qui sont tous les jours de l’année présents dans chaque coin et recoin de notre pays pour soigner.
. La FNI estime également que plutôt que de nuire à la médecine de ville, la Mutualité pourrait utilement participer au financement des dépenses exceptionnelles de la crise et permettre d’amoindrir la dette de l’assurance maladie
.
Enfin, la FNI dénie à la Mutualité le droit de s’immiscer dans l’organisation de la vie conventionnelle, rappelant que celle-ci est du strict ressort des syndicats représentatifs et de l’assurance maladie
. La FNI refuse que d’autres professions viennent interférer sur le contenu de la convention infirmière
.
L’Onsil (Organisation nationale des syndicats d'infirmiers libéraux) vient à son tour de le faire savoir, il est bien évidemment contre ces propositions et rappelle à la mutualité française qu’elle ne peut émettre de telles propositions alors même que la crise Covid a prouvé à quel point les soignants isolés ou regroupés ont été en capacité de s’organiser et de gérer au mieux sans les tutelles et encore moins les mutuelles
. Il demande à la Mutualité française de revoir rapidement sa copie et lui suggère de retourner à son coeur de métier : proposer des contrats enfin accessibles à ses adhérents et en particuliers aux personnes âgées, victimes de tarifs prohibitifs pour une couverture minimale, afin de leur garantir un accès au soin digne de ce nom.
Pour tous les syndicats d'IDEL, ces propositions sont gravement nuisibles aux soins de ville et aux IDEL
.
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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