PARIS, juin 2003 (Reuters Santé) - La crise des professions de santé est profonde mais ses causes ne sont pas nécessairement à rechercher du côté de la démographie ou des revenus, selon Jean de Kervasdoué, professeur au Conservatoire national des arts et métiers qui a dirigé un ouvrage sur cette question.
Intitulé "la crise des professions de santé" et publié à l'occasion du congrès de la Mutualité Française qui se tient à Toulouse, cet ouvrage -même si l'on n'est pas d'accord avec la thèse défendue- a le mérite de mettre toutes les pièces du dossier sur la table.
La crise, elle est bien là, affirme l'auteur qui s'est fait aider par plusieurs experts. Ainsi, les syndicats médicaux sont à la poursuite d'une nouvelle légitimité et tentent de compenser la fuite de leurs adhérents. Les infirmières s'efforcent de définir leur nouvelle identité par d'éphémères "coordinations".
De son côté, "l'Etat cherche toujours sous le même réverbère la clé d'une régulation que définitivement, il ne trouve pas. Le paritarisme n'est plus paritaire mais, chut, c'est encore un secret !", ironise -t-il. Quant aux caisses d'assurance maladie, elles voient leur rôle se réduire à des vérifications de droit dont tout le monde dispose et à des remboursements de plusieurs centaines de millions de feuilles de soins, alors qu'existe le tiers payant qui pourrait éviter l'essentiel de cette paperasse et de ces communications électroniques.
Le parlement, de son côté, semble peu s'émouvoir de l'incapacité des gouvernements successifs à atteindre les objectifs qui leur sont présentés chaque année en jurant solennellement sur le coeur, qu'ils seront atteints. "Le sens du ridicule ne remplace même pas le sens de l'honneur", écrit-il.
Simultanément, les dépenses dérapent. Avec 7,5 milliards d'euros de croissance des dépenses d'assurance maladie en 2002, c'est l'équivalent du budget de tout l'enseignement supérieur de notre pays qui est englouti, a-t-il calculé.
Certes l'impact du vieillissement de la population explique en partie cette croissance mais seulement pour 7% (moins de 0,5% en valeur absolue). Quant aux nouvelles découvertes, elles n'expliquent que 3 à 7% de cette croissance, nous rappelle l'économiste de la santé.
La crise n'a pas non plus de fondement économique objectif. En 20 ans, le nombre de médecins a doublé mais cela n'a pas entraîné une baisse moyenne des revenus des professions de santé qu'il compare à ceux d'autres professions. Les praticiens hospitaliers publics seraient même les grands bénéficiaires de cette période.
"La crise actuelle n'est pas démographique non plus". Par exemple, entre 1985 et 2000, le nombre de médecins hospitaliers a augmenté de 24%, celui des infirmières a doublé. De quoi faire face aux 35 heures, selon lui. En ville, en 2020 au pire on en sera à la démographie de 1985, époque où on parlait de pléthore.
L'EXPLOSION DES SAVOIRS MÉDICAUX
Jean de Kervasdoué nous incite plutôt à observer. "On assiste à une double division du travail imposée par l'explosion des savoirs médicaux qui bouleverse l'ensemble des pratiques et des positions des professions et des institutions de soins", souligne-t-il auprès de Reuters Santé.
Selon lui, face à cette nouvelle donne, force est de constater dans les hôpitaux, l'incapacité essentielle des statuts de la fonction publique à organiser le travail et à coordonner la prise en charge du malade. L'indépendance du médecin exerçant dans une clinique par rapport à l'établissement est une autre contradiction.
Côté médecine de ville, c'est plutôt une crise politique multiforme qui est à l'oeuvre. Après une succession de conventions avortées, "c'est le compromis social et ses traductions politiques et juridiques, obtenus pendant les périodes de croissance qui éclatent quand les médecins s'autorisent des dépassements", affirme-t-il, décelant également une crise de représentation de la profession médicale.
Selon lui, il existe des solutions à cette crise. "Elle passe avant tout par la recherche d'un nouveau contrat social avec les professions de santé, contrat qui n'oublierait personne ni aucun sujet". Pour cela, conclut-il, il faut du temps de négociation et d'écoute./yg
* La crise des professions de santé, sous la direction de Jean de Kervasdoué, Ed Dunod/la Mutualité Française, 328 pages
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