PARIS, novembre 2003 (Reuters Santé) - La reconnaissance de la compétence des professionnels de santé français est en question après la remise d'un rapport au ministre de la Santé Jean-François Mattei, qui suggère de mettre en oeuvre un dispositif expérimental d'évaluation dépassant les seules initiatives indépendantes ou catégorielles.
La notion de compétence invoquée dans de nombreuses professions, se pose aussi dans les métiers de la santé où se combinent les connaissances mais aussi le savoir-faire, le comportement et l'expérience. Si elle est liée aux organisations (hôpitaux notamment), elle est aussi liée à l'individu en tant que professionnel.
"Elle pose d'une part la question de la gestion et de la reconnaissance des savoirs requis par les situations de travail, et d'autre part, la reconnaissance du professionnalisme et des parcours ou des itinéraires individuels", affirme l'auteur du rapport, le Pr Yves Matillon, ancien directeur de l'Agence nationale de l'accréditation et de l'évaluation en santé.
En France, après une formation initiale, les praticiens peuvent notamment avoir recours à la formation médicale continue, à l'évaluation par leurs pairs, mais avec des pratiques souvent partielles, disparates ou encore balbutiantes, qui ne permettent pas toujours de garantir le maintien d'une compétence au regard de l'évolution des disciplines et des techniques.
En outre, ne sont pas toujours pris en compte les passerelles pouvant être instituées entre les différentes professions ou les parcours professionnels avec une validation des acquis professionnels (loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 qui permet d'obtenir des certifications au vu de la seule expérience).
Pourtant, l'amélioration de la qualité des soins est un objectif mis en avant par les pouvoirs publics et revendiqué par les patients à la lumière des scandales. Préférant se tourner vers la Grande-Bretagne, le Pr Yves Matillon cite l'affaire de l'Infirmerie Royale de Bristol où un tiers des enfants opérés à coeur ouvert n'avait pas obtenu les soins appropriés selon le rapport d'une commission d'enquête rendue publique en 2001. Durant plusieurs années, les taux de mortalité en chirurgie cardiaque pédiatrique étaient les doubles des taux observés en Angleterre.
"L'histoire de Bristol n'est pas celle de personnes qui ne savent pas soigner, qui auraient voulu nuire ou qui étaient de mauvais professionnels. Les acteurs étaient dédiés aux malades, motivés, et préoccupés par la souffrance humaine. Malheureusement certains manquaient de perspicacité et leur comportement était déviant. La plupart n'ont pas communiqué entre eux et n'ont pas travaillé ensemble dans l'intérêt des patients", peut-on lire dans le rapport du Pr Matillon.
LA QUESTION DE LA RECERTIFICATION REVIENT
Alerté par différentes "affaires", le Conseil national de l'Ordre des médecins français a envisagé la création de "référentiels de métiers et de compétences" avec pour finalités, d'une part, la reconnaissance, la valorisation et l'entretien d'un niveau de professionnalisme et, d'autre part, une meilleure gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, surtout en période de crise de recrutement. Autant de préoccupations qui touchent également l'interdisciplinarité entre professionnels médicaux et paramédicaux (radiologues et manipulateurs radios par exemple).
En outre, plusieurs rapports français ont été plus loin en proposant des certifications ou recertifications régulières des médecins. Dans certains cas, la "certification médicale" est envisagée comme un véritable brevet d'exercice délivré pour réaliser certains types d'actes. Dans d'autres cas, il s'agit, par exemple, pour les médecins hospitaliers, d'un "contrôle régulier de l'aptitude médicale avec pour corollaire en cas d'inaptitude une mise à l'écart des fonctions à risque". Actuellement, il est difficile d'écarter un médecin ayant perdu sa pleine capacité. Enfin, pour l'ensemble des médecins, proposition a été faite d'"un système de certification des médecins basés sur les compétences et un système d'habilitation pour certains actes à risque".
L'exemple cité par le Pr Matillon est surtout américain. Aux Etats-Unis, la régulation des performances des praticiens hospitaliers est placée sous la responsabilité de l'hôpital, lequel pour être accrédité doit répondre à certaines exigences. L'hôpital ne considère pas que l'autorisation d'exercer est donnée à vie. Le praticien doit être recertifié. Pour vingt-quatre spécialités médicales, cette recertification est mise en oeuvre périodiquement (tous les 7 ou 10 ans).
Quant à l'accréditation de la formation continue, elle se fonde aux Etats-Unis, sur les connaissances médicales, les soins appropriés, la culture de l'apprentissage, les capacités de relations interpersonnelles, le professionnalisme, la pratique adaptée au système de soins.
Plus près de la France, en Hollande, la recertification existe depuis 1991 mais se base sur une formation médicale continue effective (minimum de 40 heures).
"Pour garantir et évaluer la compétence professionnelle de tous les professionnels de santé de manière efficiente, il est donc nécessaire de dépasser le stade actuel d'initiatives indépendantes et souvent catégorielles pour améliorer la cohérence et la qualité des objectifs et des méthodes utilisés", conclut le Pr Yves Matillon qui propose de poursuivre sa mission.
* Modalités et conditions d'évaluation des compétences professionnelles des métiers de la santé, 44 p, ministère de la santé
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