Nombreuses sont les questions posées au quotidien sur le thème de la collaboration As et IDE. Plusieurs articles ont été rédigés sur le sujet, l'objet de cet article est de reprendre les principales questions posées et d'apporter un début de réponse.
La principale question est de savoir si l'As est en droit de distribuer des médicaments. Cette première question appelle de nombreuses autres questions : Comment doit-elle procéder, Existe-t-il des limites, quelles sont les responsabilités de chacun etc.
Pourquoi autant de question sur les compétences de l'Aide Soignant ?
La définition du domaine de compétence n'est pas définie par un décret de compétence mais par l'arrêté qui détermine le contenu de la formation des élèves As (arrêté du 22 juillet 1994 modifié par un arrêté du 13 avril 2001). Partant de ce texte, les AS seraient, en principe, compétentes pour ne faire que les gestes enseignés au cours de leur formation à l'issue de laquelle le diplôme d'As est délivré.
Cependant, la situation n'est pas aussi simple. En effet, de nombreux textes sont venus se greffer sur cet arrêté et la multiplication des textes avec paradoxalement l'absence de texte définissant le domaine de compétences des AS complique le quotidien des professionnels de santé.
L'IDE délègue t-elle ses compétences à l'Aide Soignant lors de la distribution des médicaments ?
NON. Il faut bien distinguer les deux notions qui ont chacune des conséquences bien différentes.
La collaboration se définie comme : Personne qui concourt à l'activité professionnelle d'une autre personne de manière ponctuelle ou continue.
L'as quand elle distribue les médicaments elle collabore aux tâches de l'infirmier mais sans transfert de responsabilité. Les gestes réalisés par l'As se font sous le contrôle et la responsabilité de l'IDE.
Texte de référence :
« Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social , l'infirmier peut, sous sa responsabilité , les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico-psychologiques qu'il encadre et dans la limite de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation . Cette collaboration peut s'inscrire dans le cadre des protocoles de soins infirmiers mentionnés à l'article R 4311-3 du code de santé publique. » Article R 4311-4 CSP
A la différence, la délégation se définie comme le fait de déléguer certaines compétences à une autre personne. Il est à noter qu'il n'existe pas de délégation sans texte . Toutes les délégations de compétences doivent être expressément prévues par les textes et régulièrement publiées pour être légales. Juridiquement, la responsabilité des actes délégués est endossée par la personne qui accomplit les gestes en lieu et place du délégataire.
En résumé : il n'existe pas de délégation de compétence entre l'As et l'IDE.
Quelles sont les personnes habilitées à collaborer, apporter leur aide à l'IDE ?
La collaboration ne peut se faire qu'avec les personnes expressément visées à l'article R 4311-4 CSP : « aides-soignants, auxiliaires de puériculture ou aides médico-psychologiques »
L'article R 4311-4 CSP précise bien que la collaboration porte :
- Sur les soins relevant du rôle propre de l'infirmier ;
- peuvent être dispensés avec la collaboration des aides-soignants, auxiliaires de puéricultures dans la limite de leur qualification et du fait de leur formation ;
- dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social ;
- Les actes sont exercés sous la responsabilité de l'infirmier.
Précision : La notion de formation doit être comprise comme la formation initiale délivrant le diplôme.
Pour quelles raisons la distribution des médicaments par les As est possible alors même qu'il ne s'agit pas réellement du rôle propre de l'infirmier et ne fait pas partie de la formation des As ?
Pour commencer, il convient de reprendre les textes puis d'analyser les textes relatifs à ce glissement de tâches de la distribution des médicaments par les As sans oublier de rappeler les limites et les précautions à prendre.
Textes de référence
- Le décret du 27 juillet 2004 définissant les actes de la profession infirmier: article R 4311-4 CSP : définition de la notion de collaboration
- La circulaire 96-31 du 19 janvier 1996 relative au rôle et aux missions des aides-soignants et auxiliaires de puéricultures dans les établissements hospitaliers ;
- Collaboration dans les soins d'hygiène (hygiène corporelle, alimentaire, aider à l'installation des patients pour les repas etc.),
- Collaboration dans la surveillance des patients (identification des changements des comportements du patient et information de l'infirmier en vue d'une action sur les soins à adapter),
- Collaboration dans l'aide apportée aux personnes ayant perdu leur autonomie (habillement, repas etc.),
- Collaboration dans l'hygiène du patient et de son environnement.
- Arrêté du 22 juillet 1994 (modifié par un arrêté du 13 avril 2001 substituant à la notion de certificat celle de diplôme professionnel d'aide soignant) relatif au certificat d'aptitude aux fonctions d'aide-soignant et certificat d'aptitude aux fonctions d'auxiliaire de puériculture ;
- Décret n°89-241 du 18 avril 1989 portant statuts particuliers des aides-soignants et des agents des services hospitaliers de la fonction publique hospitalière précise à l'article 2 ;
« Le corps des aides-soignants comprend les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture et les aides médico-psychologiques. Les aides-soignants […] collaborent à la distribution des soins dans les conditions définies […] » à l'article 4 du décret du 11février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession.
En principe, à la lecture des textes : la circulaire du 19 janvier 1996 et de l'arrêté 94-626 du 22 juillet 1994 relatif à la formation des aides-soignants, la sollicitation des aides-soignants est limitée aux soins de confort, de surveillance et d'hygiène des patients .
Cependant, deux textes, entre autre, sont venus s'ajouter et rendre « légale la distribution des médicaments par les AS » dans les établissements ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social.
Un glissement de tâche validé par le Conseil d'Etat
Textes de références
- Circulaire n°99-320 du 4 juin 1999 relative à la distribution des médicaments ;[…] Le suivi quotidien de traitements médicamenteux, lorsque les personnes concernées ont recours à des tiers pour les aider à accomplir des actes de la vie courante, pose la question de savoir à qui peut être confiée la distribution de médicaments, en particulier quand ces personnes sont hébergées dans des établissements sociaux et médico-sociaux ou assistées à leur domicile .Les divergences d'interprétation des dispositions de l'article L. 372 du code de la santé publique (notions d'exercice illégal de la médecine et d'habilitation des professions paramédicales à pratiquer les actes médicaux) et des dispositions du décret du 15 mars 1993 relatif aux actes et à l'exercice de la profession d'infirmier m'ont conduit à saisir le Conseil d'Etat pour recueillir son avis sur la question.
[…] Le Conseil d'Etat a estimé que la distribution de médicaments, lorsqu'elle correspondait à l'aide à la prise d'un médicament prescrit apportée à une personne empêchée temporairement ou durablement d'accomplir ce geste, ne relevait qu'exceptionnellement du champ d'application de l'article L. 372 ; les restrictions exceptionnelles évoquées par le Conseil d'Etat correspondant soit au mode d'administration (par exemple une injection), soit au médicament lui-même (nécessité d'une dose très précise de la forme administrable).
La distinction ainsi établie repose, d'une part, sur les circonstances , d'autre part, sur le mode de prise et la nature du médicament . D'une manière générale , l'aide à la prise n'est pas un acte relevant de l'article L. 372, mais un acte de la vie courante, lorsque la prise du médicament est laissée par le médecin prescripteur à l'initiative d'une personne malade capable d'accomplir seule ce geste et lorsque le mode de prise, compte tenu de la nature du médicament, ne présente pas de difficultés particulières ni ne nécessite un apprentissage .
Il apparaît ainsi que la distribution de médicaments dûment prescrits à des personnes empêchées temporairement ou durablement d'accomplir ce geste peut être dans ce cas assurée non seulement par l'infirmier, mais par toute personne chargée de l'aide aux actes de la vie courante, suffisamment informée des doses prescrites aux patients concernés et du moment de leur prise.
Inversement, lorsque la distribution du médicament ne peut s'analyser comme une aide à la prise apportée à une personne malade empêchée temporairement ou durablement d'accomplir certains gestes de la vie courante, elle relève de la compétence des auxiliaires médicaux habilités à cet effet, en application des dispositions de l'article L. 372. En ce qui concerne les infirmiers, ceux-ci seront compétents soit en vertu de leur rôle propre, soit en exécution d'une prescription médicale (art. 3 et 4 du décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier).
Le libellé de la prescription médicale permettra, selon qu'il sera fait ou non référence à la nécessité de l'intervention d'auxiliaires médicaux, de distinguer s'il s'agit ou non d'actes de la vie courante.
- Décision n°233939 du CE du 22 mai 2002
L'arrêt du CE complète les dispositions de la circulaire puisqu'il pose le principe selon lequel la distribution des médicaments à un résidant d'une maison de retraite relève des fonctions de l'As.
En effet, le CE a jugé comme un manquement à ses obligations professionnelles justifiant une sanction disciplinaire le fait qu'un aide-soignant refuse de distribuer les médicaments .
Le Conseil d'Etat a jugé que relève de la compétence des aides-soignants la distribution des médicaments lorsqu'il s'agit d'apporter une aide, un soutien à une personne qui a perdu son autonomie
« Considérant que l'ordre donné aux aides-soignants, par la note de service du 18 mai 2000 du directeur de la maison de retraite de procéder à la distribution des médicaments n'était pas manifestement illégal dès lors que l'aide apportée aux résidents empêchés temporairement ou durablement d'accomplir les gestes nécessaires pour prendre les médicaments qui leur ont été prescrits constitue l'une des modalités de soutien qu'appellent, en raison de leur état, certains malades pour les actes de la vie courante et relèvent donc en application des dispositions précitées du rôle de l'aide-soignant ».
La distribution des médicaments est considérée comme relevant de la compétence de l'aide-soignant en application de la circulaire du 19 janvier 1996 définissant le rôle et missions des aides-soignants et auxiliaires de puéricultures qui cite parmi leurs missions : la surveillance des patients et l'aide apportée aux personnes ayant perdu leur autonomie .
En conséquence, il convient de distinguer les actes de la vie courante des actes qui relèvent de la fonction de soins (Cf. article sur la notion de distribution des médicaments).
La circulaire de 1999 apporte des éléments de réponse sur la notion des gestes de la vie courante :
- Le Conseil d'Etat a estimé que la distribution de médicaments, lorsqu'elle correspondait à l'aide à la prise d'un médicament prescrit apportée à une personne empêchée temporairement ou durablement d'accomplir ce geste, ne relevait qu'exceptionnellement du champ d'application de l'article L. 372 ;
- Les restrictions exceptionnelles évoquées par le Conseil d'Etat correspondant soit au mode d'administration (par exemple une injection), soit au médicament lui-même (nécessité d'une dose très précise de la forme administrable).
- La distinction ainsi établie repose, d'une part, sur les circonstances , d'autre part, sur le mode de prise et la nature du médicament . D'une manière générale , l'aide à la prise n'est pas un acte relevant de l'article L. 372, mais un acte de la vie courante, lorsque la prise du médicament est laissée par le médecin prescripteur à l'initiative d'une personne malade capable d'accomplir seule ce geste et lorsque le mode de prise, compte tenu de la nature du médicament, ne présente pas de difficultés particulières ni ne nécessite un apprentissage .
Dans un souci de bonne gestion et organisation des soins et de traçabilité il semble important que les médecins consultant les patients d'une maison de retraite ou prise en charge à domicile précise la mention « le traitement peut être considéré comme un geste de la vie courante » ainsi chacun des intervenants de la chaîne de soins pourraient intervenir avec plus de quiétude.
La distribution des médicaments peut-elle se faire par l'aide soignant dans un établissements de santé ?
Non. En effet, cette dérogation du droit de distribuer les médicaments par les As ne peut se faire que dans les établissements à caractère sanitaire, social ou médico-social. Ces établissements ont pour principale fonction d'héberger des résidants et non de soigner. Cependant, avec le vieillissement de la population présentant souvent des poly pathologies on peut s'interroger sur la validité de cette dérogation à plus ou moins long terme.
Qui doit préparer les médicaments ?
La préparation des médicaments relève de la seule compétence des infirmiers en application de son décret de compétence du 29 juillet 2004.
Quelque soit le secteur de santé concerné hospitalier, médico-social etc. l'infirmier prépare les médicaments. En effet, le rôle de l'infirmier ne se limite pas à la préparation des médicaments.
L'infirmier a l'obligation de vérifier la conformité de la prescription, doses prescrites correspondent bien aux normes habituelles.
Il a été jugé que le rôle de l'infirmier est de vérifier que les doses des médicaments qu'il injecte ne constituent pas un danger pour le patient, de sorte que s'il n'a pas à se substituer au médecin, il lui appartient toutefois d'alerter le médecin en lui signalant les observations qu'il a été amené à faire en vue de recevoir de nouvelles instructions.
La distribution doit elle se faire en présence de l'infirmier ?
En application du principe de précaution il serait préférable que l'infirmier soit présent. Il est, cependant, de pratique courante que l'As distribue en l'absence d'infirmier dans l'établissement.
Pour éviter tout risque d'erreur, il est impératif que la préparation des médicaments se fasse dans des piluliers individualisés . Le contrôle de la validité des traitements distribués ne relève pas de la compétence des As. C'est la raison pour laquelle il est fondamental de prendre toutes les précautions et d'éviter tout risque inutile comme déposer pèle mêle sur une table de nuit, dans une petite cuillère ou sur le plateau les médicaments.
L'infirmier doit préparer les médicaments de façon individuelle pour chaque résident.
Quid des traitements en patch, sachet etc. ?
L'As peut refuser de distribuer ces traitements s'ils n'ont pas été placés dans un pilulier ou étiqueté avec le nom du résident. Dans tous les cas, l'As doit être informée des heures de distributions et toute préparation des traitements à distribuer doit être nominative (risque sinon d'erreur dans les dosages etc.)
Recommandations
La prise en charge d'un patient est un travail d'équipe et non le fait d'une personne isolée . La prise en charge ne peut être de qualité que si le principe de pluridisciplinarité, prise en charge globale du patient, travail d'équipe sont respectés. Chacun a son rôle dans la chaîne des soins et chaque maillon est indispensable.
Le décret de compétence de la profession d'infirmier rappelle cette notion de travail en collaboration aide-soignant infirmier.
A cette fin, le ministère de la santé a publié les recommandations suivantes :
« Norme 2 – La collaboration avec les aides-soignantes, les auxiliaires de puériculture et les aides médico-psychologiques
L'infirmière collabore avec les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture et les aides médico psychologiques pour une prise en charge globale de la personne soignée.
Caractéristiques de ressources / structure
Les profils de poste de l'aide-soignant / auxiliaire de puériculture et aide médico-psychologique au sein du service de soins sont clairement définis et écrits.
L'organisation des soins au sein de l'équipe permet une collaboration effective entre ses membres.
L'aide-soignant / auxiliaire de puériculture et aide médico-psychologique ont accès au dossier de soins infirmiers et à tous documents et informations utiles à la réalisation des soins infirmiers qui relèvent de leurs compétences.
Caractéristiques de processus
L'infirmière vérifie que l'aide-soignant, l'auxiliaire de puériculture, l'aide médico-psychologique a les connaissances et compétences nécessaires avant de lui confier la réalisation d'un soin relevant du rôle propre infirmier
L'infirmière vérifie la bonne réalisation et les effets des soins infirmiers relevant du rôle propre confiés à l'aide-soignant, l'auxiliaire de puériculture, l'aide médico-psychologique
L'infirmière facilite la transmission des informations et observations recueillies par les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture, les aides médico-psychologiques lors de la réalisation de ces soins.
Caractéristiques de résultats
Les soins infirmiers confiés à l'aide-soignant / auxiliaire de puériculture / aide médio-psychologique sont contrôlés par l'infirmière.
Chaque professionnelle (infirmière, aide soignante, auxiliaire puéricultrice, aide médico psychologique) exerce son métier dans le champ de ses compétences et de ses responsabilité »
Sites à consulter pour les textes :
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF
HOSPITALISATION A DOMICILE
Un flash sécurité patient sur les évènements indésirables associés aux soins en HAD
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RECRUTEMENT
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