Intervention d'Élisabeth GUIGOU,
Ministre de l'Emploi et de la Solidarité
lors du Congrès de la Fédération Nationale des Infirmiers
le Mardi 19 décembre 2000
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie, Madame la présidente, de m'avoir invitée à ce congrès exceptionnel de la fédération nationale des infirmiers. Cela me donne l'occasion de m'exprimer aujourd'hui devant les délégués et les présidents de syndicats départementaux de votre Fédération, venus de toute la France.
Rien ne peut remplacer le dialogue et l'échange direct. Que ce soit pour lever des malentendus s'il en existait encore ou pour établir des relations de confiance entre l'Etat, les syndicats et les Caisses d'assurance maladie. Ces relations de confiance sont nécessaires pour le développement des actions que votre fédération a engagées avec constance depuis de nombreuses années.
La fédération nationale des infirmiers joue, je le sais, un rôle tout particulier dans le paysage syndical français et, au-delà, dans notre système de santé.
La FNI est une des plus ancienne fédération de professionnels de santé, puisqu'elle a été créée en 1949. Par son nombre, elle est l'une des principales forces chez des professionnels de santé qui, pourtant, ne privilégient pas toujours l'engagement syndical comme moyen de faire entendre leurs opinions et faire valoir leurs idées.
Surtout, depuis de nombreuses années, la FNI joue un rôle moteur dans la réflexion sur la place des professionnels libéraux dans notre système de santé.
Elle rayonne bien au-delà des questions concernant les infirmiers, comme en atteste la participation à cette journée de représentants des médecins, des pharmaciens, des masseurs-kinésithérapeutes et des biologistes qui soutiennent comme vous une démarche de progrès pour notre système de santé. Je salue leur présence à votre congrès comme le signe d'une volonté d'engager un dialogue constructif que je souhaite soutenir et amplifier, j'y reviendrai.
La FNI a toujours été en pointe sur les sujets cruciaux pour la profession infirmière, qu'il s'agisse des règles d'exercice déontologique, de rénovation de la nomenclature des actes infirmiers, de la mise en ouvre de la formation continue, et bien sûr, de la démarche de soins.
Ces sujets, votre fédération les porte avec conviction et avec détermination. Plutôt que de choisir la solution de l'opposition frontale et stérile, la FNI a privilégié la voie de l'instauration d'un dialogue riche, bien sûr exigeant avec les pouvoirs publics, avec la CNAMTS comme avec le Ministère. Ce dialogue est exemplaire dans un secteur où souvent, ce sont les points de désaccord qui l'emportent sur les points de convergence.
Ce sens, je dirais même cette éthique de la responsabilité ne doit pas vous laisser désespérer.
Le Gouvernement, vous le savez, porte une attention toute particulière aux infirmières et aux infirmiers de notre pays. Au contact quotidien de leurs patients, le jour, la nuit, en semaine, mais aussi le dimanche, les infirmiers sont un maillon essentiel de notre système de santé. Ils effectuent leur travail avec une compétence et un dévouement et la population a besoin de vous.
Mais tout le monde sait que ce travail est effectué dans des conditions difficiles. De plus en plus, les infirmiers sont amenés à prendre en charge des patients qui ont des besoins médicaux lourds, nécessitant des soins complexes, qui sont souvent en situation de détresse sociale ou d'isolement.
La FNI demande de longue date une meilleure reconnaissance des missions des infirmiers et une revalorisation de leurs interventions.
Depuis trois ans, le Gouvernement y travaille avec la profession. Depuis qu'il est en place, il conduit une politique de long terme visant à donner les moyens aux infirmiers d'assurer dans les meilleures conditions des soins de qualité, qu'il s'agisse des soins médicaux ou des soins courants.
- Sur les soins médicaux, ensemble, nous avons mis en ouvre une importantes réforme des actes. Après un travail en partenariat avec la FNI et les caisses, le Gouvernement a pris en 1999 des mesures de nomenclature favorables aux infirmiers qui s'engagent aux côtés des patients nécessitant des soins complexes.
L'arrêté du 1er mars 1999 a ainsi permis des avancées en matière de perfusions, de surveillance des traitements sensibles pour des patients fragiles, comme les personnes immunodéprimées ou souffrant de troubles psychiatriques. Il a rendu également possible le cumul à taux plein d'actes techniques tels les grands pansement et les perfusions avec les séances de soins infirmiers, permettant une meilleure rémunération des infirmières délivrant des soins lourds.
Les infirmières sont au cour de la prise en charge de la douleur et de la délivrance des soins palliatifs. L'arrêté du 8 décembre 1999 a revalorisé les actes liés à la prise en charge à domicile des patients lourds et des patients en fin de vie dans le cadre des soins palliatifs.
Les caisses d'assurance maladie ont accompagné ces mesures en procédant à deux revalorisations en 1999 de la lettre-clé rémunérant les actes techniques. C'est une progression de plus de 6 % qui a été ainsi réalisée.
- Sur les soins courants, les infirmières demandent également une meilleure prise en compte par la société de ces soins qu'elles délivrent quotidiennement aux personnes âgées et handicapées. Les infirmières et infirmiers libéraux jouent un rôle déterminant dans la politique de maintien à domicile des patients. L'importance et la difficulté de ces interventions sont connues de tous et les familles soulignent le dévouement des personnels infirmiers à permettre le maintien à domicile des personnes dépendantes et plus fondamentalement de restaurer leur dignité.
J'ai tenu à être parmi vous aujourd'hui vous pour lever les craintes concernant la mise en ouvre du plan de soins infirmiers, pour lequel la FNI a joué un rôle moteur. Je veux qu'il n'y ait aucun malentendu entre nous.
Le Gouvernement approuve la démarche du plan de soins infirmiers :
- d'abord parce qu'il confirme la démarche de soins enseignée depuis plus de 20 ans dans les instituts de formation des infirmières et déjà appliquée en établissement ;
- parce qu'il est un instrument de la qualité des soins.
Depuis quelques années, l'apport spécifique des interventions des infirmiers a pu être remis en cause par certains, qui se sont progressivement détournés des soins aux patients les plus lourds, en limitant leur exercice à une prise en charge sociale.
Le PSI est une réponse à ces questions qui engagent l'avenir de la profession. En donnant la responsabilité aux infirmiers de définir des objectifs de soins à partir d'un diagnostic précis des besoins des patients, il lève toute équivoque sur la justification de leurs interventions.
La FNI, qui a porté ce projet depuis maintenant 8 ans, a joué un rôle déterminant dans ce processus qui marque une étape importante de la reconnaissance du travail des infirmiers auprès des personnes dépendantes et handicapées.
Les actes infirmiers courants seront confortés dans toute leur diversité. Leur caractère de soins est réaffirmé. Seuls les infirmiers peuvent les délivrer. Il en va ainsi des toilettes qui, pour les personnes dépendantes et handicapées, sont souvent de vrais actes de prévention et de soins, qui nécessitent la compétence et l'expertise des infirmiers.
En outre, la mission de prévention des infirmiers est pleinement reconnue. Ainsi, vous pourrez décider de mettre en ouvre des séances hebdomadaires et de prévention et de surveillance, lorsque des soins courants classiques ne sont plus nécessaires, pour éviter toute rechute ou dégradation de l'état de santé de patients âgés et fragile.
Enfin, vous pourrez éduquer le patient et son entourage afin de développer son autonomie, ou aussi de ralentir sa perte d'autonomie, et de l'assister dans la recherche de solutions d'aide à domicile, afin d'éviter le recours à la solution de l'accueil en établissement, qui est rarement désirée par les personnes concernées.
Toutes ces interventions, Mme OURTH-BRESLE l'a rappelé, découlent du décret de compétence infirmiers. Ce qui est important, c'est que désormais, ces interventions soient inscrites à la nomenclature des actes.
Mais le PSI s'intègre également à la politique du Gouvernement, qui vise, comme le recommandait le rapport d'Anne-Marie BROCAS, à rééquilibrer les relations entre les médecins et les professionnels paramédicaux. Désormais, ce n'est plus le médecin seul qui est chargé de définir quelles sont les techniques ou le nombre d'actes les plus appropriées.
Avec le PSI, les infirmiers ont une pleine maîtrise de leurs actes, sur le plan technique bien sûr, mais également sur le plan financier. Vous n'êtes plus dépendants du prescripteur. Vous pourrez éviter les actes qui vous apparaissent inutiles. Vous pourrez mieux maîtriser votre activité.
Je veux qu'il n'y ait aucun malentendu entre nous : le gouvernement est parfaitement conscient de l'importance du plan de soins infirmiers. C'est une réforme d'une grande importance et d'une grande ampleur. Mais, comme toutes les réformes, elle a fait naître des interrogations et des inquiétudes. Elle n'est pas comprise, elle doit donc avant d'être mise en ouvre être expliquée.
Elle doit être expliquée pour être comprise. Et seulement si elle est comprise, elle pourra être admise.
Le problème n'est pas la minorité d'infirmiers qui se mobilisent contre le PSI, le problème c'est de faire comprendre le plan de soins infirmiers aux patients.
Une telle réforme doit être expliquée aux assurés, qui doivent être rassurés sur la continuité des soins qui leur sont nécessaires.
L'effort d'information et de communication sur le PSI a peut-être été insuffisant.
Or pour parvenir à faire comprendre une réforme, notamment les réformes de grande ampleur, il ne faut rien négliger en terme de communication. Je crois notamment qu'il faut dire clairement les choses. Les infirmiers sont là pour délivrer les soins. Ils sont seuls compétents pour le faire.
En revanche, ils ne sont pas là pour nourrir le chat ou faire une mise en pli et ce n'est pas à la sécurité sociale de financer ces actes ! De tels actes doivent être accomplis par d'autres professionnels et c'est l'objet de la réforme de la prestation dépendance qui doit s'articuler avec celle du plan de soins infirmiers.
Si on dit les choses de manière aussi claire, les gens comprennent parfaitement. Vous pourrez compter sur moi pour poursuivre publiquement, au Parlement notamment, aussi directement le travail d'explication.
C'est pourquoi le Gouvernement a jugé qu'un temps de concertation supplémentaire était nécessaire pour permettre une application du PSI qui soit comprise, admise et effective.
Surtout et au-delà de l'effort d'explication sur la mise en ouvre du PSI, il est impératif que nous articulions cette réforme avec celle, très importante, de la prise en charge des personnes dépendantes.
Ces deux axes d'actions sont nécessaires pour que la réforme soit comprise des patients et des professionnels.
Je souhaite ainsi qu'une information la plus large possible soit faite auprès des infirmiers et des patients sur le PSI.
Un dossier sera préparé pour présenter et expliquer ses objectifs et ses modalités d'application. Il sera diffusé très largement dans toutes les régions auprès de tous les acteurs et partenaires du système de santé.
Des réunions d'information pourront être organisées, si nécessaire localement. Je compte sur votre concours et sur celui des caisses d'assurance maladie pour conforter ce travail d'explication.
En second lieu, je veillerai à ce que les travaux sur les documents accompagnant le PSI, que j'ai engagés avec la profession et les caisses puissent être finalisés, sous l'égide de la direction de la sécurité sociale.
Enfin, et c'est le point majeur, je souhaite que nous réfléchissions ensemble à la prise en charge globale des personnes dépendantes et à son articulation avec le PSI.
Le maintien à domicile des personnes dépendantes et handicapées est une solution qui, socialement et économiquement, affectivement et moralement est bonne pour la collectivité. Elle répond à une demande croissante de patients et de leurs familles. La politique du Gouvernement vise à permettre à toutes les personnes dépendantes qui le souhaitent et qui le peuvent, de rester à leur domicile.
A côté des soins qui ne peuvent être délivrés que par les infirmiers, les personnes dépendantes, comme les personnes handicapées, ont besoin interventions assurées par les professionnels compétents pour l'aide à la vie quotidienne, qui sont plus de 170 000 sur l'ensemble du territoire.
Le gouvernement a décidé et le Premier ministre a annoncé la création d'une nouvelle prestation autonomie, qui vise à permettre aux personnes dépendantes d'avoir un accès large et égal sur l'ensemble du territoire à des solutions de prise en charge à domicile ou en établissement.
Cette réforme, qui est ma première priorité, sera l'occasion d'assurer la coordination des différents types de prise en charge. Mon objectif est que les personnes dépendantes reçoivent une prise en charge d'ensemble de leurs besoins.
Le PSI sera un des volets majeurs de cette démarche de prise en charge globale.
Je souhaite que les consultations et les débats supplémentaires puissent aboutir au printemps prochain.
Toute réforme suscite, c'est normal, des inquiétudes ou des interrogations. Elle révèle à mon sens l'importance que revêt aujourd'hui la qualité du dialogue entre les professionnels de santé, les caisses d'assurance maladie et l'Etat.
Ce dialogue est plus que jamais nécessaire pour qu'ensemble, nous trouvions les moyens d'améliorer le fonctionnement de notre système de soins, et d'assurer les soins de qualité que tant les professionnels que les assurés demandent. C'est pourquoi j'ai décidé d'engager une réflexion sur les conditions d'une rénovation du système de santé. Je vous annonce que je réunirai le 25 janvier prochain l'ensemble des acteurs concernés pour définir les objectifs poursuivis, le cadre et la méthode appropriés pour mieux faire fonctionner notre système de santé avec le concours de toutes les professions de santé. Je compte sur votre fédération pour prendre sa part de cette réflexion et pour démontrer une fois encore le rôle moteur et constructif que les infirmiers ont toujours su jouer dans la conduite des réformes de notre système de santé.
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