Vers un statut libéral de l’aide soignant ?
Le statut libéral de l’aide soignant est un vrai serpent de mer. C’est en effet la troisième proposition de loi sur ce sujet après celle M. Etienne Pinte en septembre 1993, celle de M. Léonce Deprez en novembre 2003 et enfin celle de M. Moyne-Bressand en novembre 2008.
La rédaction d’Infirmiers.com a interrogé le CEFIEC (Comité d’entente des Formations Infirmières Et Cadres), la F.N.I (Fédération Nationale des Infirmiers) et le S.N.P.I (Syndicat National des Professionnels Infirmiers) pour connaître leur avis sur la question.
Tous les trois reconnaissaient l’importance, la qualité de l’investissement du groupe professionnel des aides-soignants dans le système de santé français.
Cependant ils sont très critiques vis-à-vis de ce projet de loi.
Le CEFIEC tient à éclairer l’argumentaire développé par M Moyne-Bressand dans sa proposition de loi sur différents points :
- Les Missions, actions de l’aide-soignant sont décrites dans l’Annexe IV1 et V2 de l’arrêté du 25 janvier 2005 modifié relatif aux modalités d’organisation de la validation des acquis de l’expérience pour l’obtention du diplôme d’Etat d’aide-soignant
- Pour l’organisation de la formation, le référentiel de formation a été revu en 2005. Il est décrit dans l’Arrêté du 22 octobre 2005 modifié relatif à la formation conduisant au Diplôme d’Etat d’aide soignant.
- Pour le titre permettant d’exercer le métier d’aide-soignant, depuis le 31 Août 2007 c’est le Diplôme d’Etat d’Aide-soignant.
- Le cadre d’exercice du métier d’aide-soignant est défini précisément dans le code de Santé Publique. Il s’inscrit dans le cadre du rôle propre infirmier : « L’aide-soignant exerce son activité sous la responsabilité de l’IDE, dans le cadre du rôle propre dévolu à celui-ci conformément aux articles R 4311-3 à 4311-5 du code de Santé Publique. »
- Le code de la santé publique précise clairement aussi le cadre d’exercice de l’aide-soignant en établissement ou en service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social :
- Au sujet des perspectives d’emploi, le métier aide-soignant fait parti des « 10 métiers de demain » identifiés par le rapport d’activité du sénat en 2007 comme « les métiers les plus créateurs d'emplois dans les années à venir ».
La création d’un statut libéral des aides-soignants ne modifie donc pas le gisement d’emploi que représente le métier. Ceci est également repris par la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) dans son rapport concernant « Les métiers de demain ».
Le CEFIEC s’interroge quant à l’efficacité de la création d’un statut libéral des aides-soignants sur la maîtrise des dépenses de santé : ajouter un maillon supplémentaire dans la chaîne de soins garantit-il cette maîtrise même s’il offre une réponse alternative à la demande de soins des usagers?
Par ailleurs, le CEFIEC note de nombreuses informations erronées en référence à la législation en vigueur dans la proposition de texte.
Pour le S.N.P.I, ce parlementaire ne connait ni la réalité du travail d'une aide soignante, ni ce qu'est une profession libérale.
En effet, constitue une profession libérale l’activité professionnelle indépendante :
- dans laquelle prédominent les prestations d’ordre intellectuel,
- et qui consiste à pratiquer une science, une technique ou un art.
Cette définition est donc inadaptée au référentiel d'activité et au référentiel de compétences d'aide soignante. Le statut libéral de l’aide soignant relève:
- au mieux d'une action de communication démagogique
- au pire d'une dérive économique : essayer de placer coute que coute les "moins coutants" pour des glissements de tâches, sur le modèles des auxiliaires de vie hier, des assistants de gérontologie demain.
L’activité libérale doit être exercée en toute indépendance sans qu’il existe de lien de subordination, par des professionnels diplômés dotés de compétences et responsabilités, tels :
- les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pédicure-podologues, vétérinaires, etc.
- les avocats, notaires, avoués, huissiers de justice, commissaires-priseurs, syndics ou administrateurs et liquidateurs de justice, greffiers, experts devant les tribunaux,
- les architectes, experts-comptables, courtiers en valeurs, arbitres devant le tribunal de commerce, ingénieurs-conseils,
La FNI a adressé un long courrier aux députés pour faire valoir ses arguments. Elle reprend des arguments déjà développés par le CEFIEC et le SNPI.
Elle relève que le député Bressand dans l’exposé des motifs de sa proposition qualifiait l’aide soignante d’auxiliaire médicale ce qui relève d’une totale méconnaissance du code de la santé, et par ailleurs qu’il fait référence à des dispositions conventionnelles (quotas) abrogées depuis trois conventions…..alors même que la convention signée par les infirmiers en juin 2007 a fait, et fait encore débat, après avoir été présente dans tous les discours politiques en lien avec la santé…
Cette fédération s’interroge aussi pour savoir si la proposition de loi aurait pour objectif de « faciliter et développer le maintien à domicile des personnes dépendantes, de nombreuses personnes ne trouvant pas de personnel disponible pour leur prodiguer des soins d’hygiène et de confort » ou pour satisfaire une demande de gardes de nuit à domicile ?
Pour la FNI, il convient de considérer :
1) Qu’un professionnel libéral n’exerce pas sous la responsabilité d’un tiers, il engage sa responsabilité personnelle.
- L’indépendance professionnelle, au sens du code de déontologie des professions réglementées, indique que seul l’intérêt du client doit guider le professionnel libéral dans le choix et l’accomplissement de sa prestation. Toute considération financière ou sociale étant à exclure.
- D’autre part, la responsabilité personnelle du professionnel libéral est toujours engagée et donne lieu à la souscription d’une assurance responsabilité civile professionnelle obligatoire, depuis le vote la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
- Aussi, la proposition de loi ne peut-elle disposer que les aides-soignantes « collaborent en application du rôle qui leur est dévolu ou sous la responsabilité du médecin ou d’une infirmière, à la distribution des soins d’hygiène et de confort ».
- L’exercice libéral de la profession d’aide-soignante suppose que l’aide-soignante dispose d’une compétence ou d’une délégation de compétence à l’instar des infirmières qui sont dotées d’un rôle propre et d’une délégation de compétences d’actes médicaux.
2) Que dans l’exposé des motifs, il y a confusion entre le concept « d’aide à la personne » et de « soins infirmiers ». L’intervention des aides-soignantes auprès des personnes en situation de dépendance n’est pas différenciée de celui des infirmières, des auxiliaires de vie sociale ou des aides ménagères.
La FNI précise également que « L’activité des aides-soignants s’exerce uniquement dans le champ du décret d’actes infirmiers. Il n’existe pas de rôle propre de l’aide-soignant (…). »
« Lorsqu’il intervient physiquement seul auprès du patient, situation évoquée dans le référentiel de formation, l’aide-soignant reste sous la responsabilité de l’infirmier et agit nécessairement dans le cadre d’un protocole et d’une structure de soins ».
« Aucun acte médical ou paramédical n’est délégué aux aides-soignants. Il n’existe pas de « délégation » entre un infirmier et un aide-soignant (…) l’infirmier ou l’infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d’aides-soignants (…). Les aides soignants dispensent donc des soins sous la responsabilité des infirmiers qui ont comme mission de les encadrer.
3) Que le niveau de culture générale minimal pour exercer à titre libéral n’est pas pris en compte dans la proposition de loi.
4) Que le statut libéral des aides-soignantes ne constitue pas une réponse adaptée aux problèmes révélés par la canicule.
5) La création d’un auxiliaire médical libéral supplémentaire à domicile complique l’élaboration d’un projet de prise en charge pluridisciplinaire et la coordination des professionnels de santé à domicile.
6) Que le financement des prestations des aides soignantes par la famille est illusoire.
Tous ces arguments seront-ils pris en compte par les députés ? Seul l’avenir nous le dira…
C’est aussi un dossier dont devra s’occuper l’ordre des infirmiers !!!
M. Guy ISAMBART
Rédacteur en chef
https://www.infirmiers.com
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