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Polémique : des aides-soignants pour accompagner la fin de vie à domicile...

Publié le 17/07/2014
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Un projet d'expérimentation d'accompagnement à domicile de personnes en fin de vie la nuit, soutenu par l'agence régionale de santé (ARS) Franche-Comté et encore à l'étude, a soulevé des critiques de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), qui craint que des actes relevant des infirmiers libéraux soient confiés à des aides-soignants.

La Fédération nationale des infirmiers (FNI) a diffusé le 10 juillet 2014 un communiqué à la suite d'une réunion organisée par l'ARS le 2 juillet, à laquelle l'union régionale des professionnels de santé (URPS) infirmiers a participé. Les aides-soignantes seraient "reliées par un smartphone à une infirmière qui se chargerait à distance de leur dicter les actes techniques à réaliser", affirmait la FNI, ajoutant qu'"il pourra s'agir de pansements, de stomies ou d'escarres, de soins de sonde de trachéotomie, d'injections, des réglages de pompes..." Ces actes relèvent des compétences des infirmiers, et certains sont effectués sur prescription médicale, a affirmé le 16 juillet 2014 à l'APM Nicolas Schinkel, chargé de mission télésanté à l'URPS et à la FNI, qui a participé à la réunion. Un document de présentation du projet franc-comtois, dont l'APM a eu copie, évoque effectivement une délégation de tâches avec validation de protocoles en octobre 2014 et inclusion du premier patient en janvier 2015. Il s'agirait de créer "une capacité de huit lits", avec deux équipes constituées chacune d'un infirmier "délégant" et de quatre aides-soignants, afin de comparer le suivi via ce dispositif à un suivi classique. Tout en notant que "tout n'est pas abouti", Nicolas Schinkel a estimé qu'en cas de délégation des actes techniques, les infirmiers libéraux "'n'interviendront quasiment plus" sur la période couverte par l'aide-soignant, à moins que celui-ci rencontre un problème. La FNI "dénonce" ce projet dans son communiqué, déplorant notamment "que les autorités fassent fi des 90.000 infirmiers libéraux qui maillent le territoire français pour approuver un projet emprunté à des pays (Etats-Unis, Canada) où l'exercice libéral infirmier tel que nous le connaissons n'existe pas".

La délégation de tâches n'est "qu'une hypothèse" (ARS)

Dans une note transmise à l'APM le 17 juillet, l'ARS indique qu'elle a engagé un "travail exploratoire" visant à favoriser la prise en charge à domicile de patients en fin de vie, après avoir pris connaissance d'expériences menées dans d'autres pays, "notamment au Canada, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne". "Cette réflexion conjointe a mis en lumière un fort besoin d'accompagnement, autant que de soins, pour une fin de vie à domicile. L'idée est d'avoir, durant la nuit, une personne pour soutenir et accompagner des malades en fin de vie, sans soins médicaux lourds. Ce soutien pourrait être exercé par des aides-soignantes connectées à une plateforme ressource. Il vise avant tout à soulager les malades et leurs familles", résume l'agence. "Le souhait exprimé par ces patients d'être à domicile, entourés de leur environnement affectif naturel, doit être entendu. Il en relève du respect de la dignité, de la volonté des personnes et donc de l'éthique", souligne-t-elle.

Elle fait valoir que "dès le début de cette démarche" initiée "depuis plusieurs mois", l'ARS a mis en place un comité de pilotage associant "des spécialistes du sujet" (équipes de soins palliatifs et de coordination d'appui) et "des acteurs de la ville et du champ libéral" (notamment les URPS médecins et infirmiers). Elle assure que le projet "ne remet pas en cause le rôle essentiel des acteurs de santé de proximité", notamment le médecin traitant et les infirmiers libéraux, et que la délégation de tâches et le recours à un protocole de coopération entre professionnels ne sont "pour le moment qu'une hypothèse". "Elle a été effectivement débattue au cours de cette rencontre (comme durant les précédentes) mais sans qu'aucune décision n'ait été prise", indique l'ARS. "Bien au contraire, l'orientation évoquée avec le plus d'insistance est de garder les compétences de chacun (médecin, infirmier et aide-soignant), en s'appuyant sur un mode d'organisation faisant intervenir les nouvelles technologies de la communication mais aussi les acteurs habituels de l'offre de premier recours, et en tout premier lieu les infirmiers libéraux", écrit l'agence.

Joints par l'APM, le directeur de la stratégie et du pilotage de l'ARS Franche-Comté, le Dr François Baudier, et le directeur des systèmes d'information en santé de l'ARS, Frédéric Cirillo, ont précisé que le projet se situait à mi-chemin entre le suivi à domicile classique, qui mène fréquemment à un épuisement des aidants et à des réhospitalisations, et l'hospitalisation à domicile (HAD), qui est ciblée sur les "cas lourds". Il s'inspire en particulier du dispositif canadien eShift, que l'on peut traduire par "vacation électronique", ont-ils rapporté. Selon son site internet, ce dispositif, également appelé CCMe*, a été lancé en 2009 auprès de patients de pédiatrie, puis ceux de gériatrie et de soins palliatifs en 2010. Selon le document de présentation, les patients sont identifiés lors d'un passage à l'hôpital, puis accompagnés sur plusieurs mois après leur retour à domicile. L'aide-soignant au domicile est en lien en temps réel avec l'"infirmier délégant", qui peut lui-même consulter des médecins spécialistes. Ce système aurait permis, au Canada, de réduire à 2% le taux de réadmission à l'hôpital, et de diviser par six les coûts de prise en charge. Pour autant, le dispositif ne peut pas être transposé à l'identique en France, et les actes que pourront réaliser les aides-soignants ne sont pas encore définis, ont affirmé les représentants de l'ARS.

Coordination assurée au CHU de Besançon

La coordination serait assurée par des infirmières du département douleur-soins palliatifs du CHU de Besançon, dirigé par le Pr Régis Aubry, par ailleurs président de l'Observatoire national de la fin de vie (ONFV). Joint par l'APM le 16 juillet, Régis Aubry a rappelé le constat du rapport de l'ONFV de 2012 selon lequel le maintien à domicile des personnes en fin de vie reste "très difficile en France". Le rapport plaidait notamment pour renforcer le rôle de ressource de l'hôpital pour les acteurs des soins palliatifs à domicile, notamment pour éviter des recours inappropriés aux urgences.

Le chef de service a dit avoir observé au Canada le fonctionnement d'eShift, ce qui l'a incité, avec l'ARS, à mener une étude en France pour évaluer ce type d'organisation. Elle pourrait concerner une dizaine de patients, sur un territoire "très limité", peut-être autour de Besançon. Les aides-soignants pourraient être employés par des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), avec lesquels des contacts ont déjà été pris. Ils pourraient intervenir ponctuellement ou toute la nuit suivant les besoins des personnes et de leurs aidants.

"On a la chance, dans notre secteur, d'avoir des Ssiad qui se rapprochent de services d'aide à domicile [...] et l'idée serait d'avoir, dans une logique territoriale, de proximité, la possibilité de mobiliser tout ce qui existe pour permettre au patient d'être soigné au domicile du mieux que l'on peut, et d'amener vers eux les compétences", a résumé le Pr Aubry. L'expérimentation permettrait de mesurer "le degré de capacité à maintenir à domicile" la personne "tout en ayant un bon contrôle des symptômes". Elle montrerait en particulier si des hospitalisations ont été évitées, mais permettrait aussi de savoir si une délégation de tâches est nécessaire ou non, a-t-il expliqué.

"L'idée n'est pas fondamentalement de transférer des tâches, mais plutôt d'améliorer l'organisation et la coopération entre des acteurs de la grande proximité qui, s'ils travaillent sur le même sujet, travaillent rarement ensemble". "Je comprends bien qu'il y ait des craintes, et il faut préserver le rôle des acteurs de la proximité", a-t-il déclaré, tout en notant lui aussi qu'"il reste beaucoup de choses à définir".

Le service de soins palliatifs du CHU dispose déjà d'une unité de soins palliatifs (USP) et d'une équipe mobile (ESMP). Il travaille avec des établissements médico-sociaux ainsi que le réseau Arespa (Association du réseau de santé de proximité et d'appui), qui devrait être inclus dans l'expérimentation. Il peut donc rester joignable la nuit pour répondre aux questions de l'aide-soignant ou du médecin traitant de la personne en fin de vie, a indiqué le Pr Aubry.

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Source : infirmiers.com