«Qui peut imaginer qu’il ne sera jamais confronté à la maladie, au vieillissement ou à d'autres formes de dépendance et ainsi exposé à des risques de maltraitance ?» interroge le Pr. Lionel Collet, président de la Haute Autorité de santé, avant de répondre lui-même à la question : «Nous pouvons tous être en situation de vulnérabilité ponctuellement ou durablement et être victime, ou à l’inverse être à l’origine de maltraitance, y compris sans le vouloir, par des négligences ou des paroles maladroites».
En élaborant deux guides pratiques, la HAS a ainsi voulu donner des clés concrètes aux professionnels de santé : un premier guide pour aider les professionnels qui interviennent à domicile à repérer les situations à risque de maltraitance au sein des familles, à améliorer l’évaluation des situations avérées, et à mieux accompagner et protéger les victimes. Le second qui vise à prévenir la maltraitance en établissement en déployant la bientraitance et en repérant les signaux d’alerte à différents niveaux.
La HAS définit trois contextes de maltraitance :
- La maltraitance envers les personnes âgées : d’après les données de la Fédération 3977 (plateforme nationale de signalement des maltraitances envers les personnes vulnérables), il s’agit principalement de maltraitance par omission ou négligence de soin. Le mobile est la plupart du temps d’ordre financier.
- Les violences conjugales : subies dans 87 % des cas par des femmes, elles concernent en moyenne chaque année 219 000 femmes âgées de 18 à 75 ans.
- La violence des enfants envers leurs parents : le manque de dispositifs dédiés au repérage des parents violentés rend difficile l’estimation de sa prévalence. Les données du ministère de l’Intérieur montrent toutefois qu’elle représente 7 % des cas de maltraitance intrafamiliale et qu’elle s’exerce essentiellement à l’encontre des mères.
Prévenir, repérer, et agir
Prévenir, repérer, et agir sur la maltraitance, qu'elle soit familiale ou institutionnelle : les deux guides proposés par la HAS déploient ces différents versants de la question en offrant des points de repères (grille d'évaluation, proposition d'un suivi des victimes, des aidants ou encore des agresseurs pour éviter la récidive...), et incitent également à un accompagnement des professionnels (à travers la formation continue, en offrant des outils pratiques ou encore un soutien psychologique).
La HAS propose des grilles de repérage des risques spécifiques à chaque catégorie de maltraitance, accompagnées de cas pratiques pour illustrer les étapes d'évaluation et d'accompagnement.
Chaque grille comporte 4 grandes parties : les vigilances fortes : certaines situations sont plus à risque de maltraitance et requièrent une vigilance accrue de la part des professionnels. Les signaux d’alerte : décelables en partie par l’observation de la personne (état physique, psycholo- gique, comportement, modifications récentes), de sa relation avec l’auteur présumé, de ses conditions de vie et de son entourage (absence de soutien, relations familiales dysfonctionnelles...), ils doivent éveiller l’attention des professionnels. Les facteurs de risque : directement liés à la victime (histoire de violences subies par exemple), à son environnement social ou géographique (isolement), ou à l’auteur présumé (addictions, conflit familial, aidant exclusif...), ils peuvent varier au fil du temps. Et enfin les facteurs de protection : à l’inverse, certains éléments liés à la personne (estime de soi, capacités finan- cières propres, capacité à faire face aux évènements...), à son entourage (disponible et à l’écoute) ou à son environnement (proximité établissements de santé, cohésion de quartier...), peuvent limiter les effets des facteurs de risques.
Pour évaluer les situations à risque à domicile, la HAS propose aussi une démarche d’évaluation des situations de risques en 8 étapes :
- Mettre en place des conditions favorisant la divulgation des maltraitances. La HAS recommande de mieux informer les victimes de leurs droits, des circuits d’alerte et des recours possibles, de mieux informer les témoins des moyens de repérer une maltraitance et de l’importance de leur rôle, et de préciser aux aidants (professionnels et familiaux) leurs obligations ;
- Mettre en place des conditions pour favoriser l’échange direct avec la personne (proposer de parler en privé, se montrer empathique, signifier son inquiétude...) ;
- Évaluer la gravité de la situation au regard de la fréquence et de l’intensité des épisodes violents, des conséquences physiques et psychiques sur la personne, des retentissements sur les proches...
- Associer la personne à cette évaluation, l’informer de ce qui a été décidé ;
- Partager des informations avec les autres professionnels qui s’occupent de la personne ;
- Organiser un système de veille ;
- Mobiliser l’ensemble des intervenants au domicile de la personne ;
- Désigner un référent/coordinateur pour centraliser les informations.
La lutte contre la maltraitance, qu'elle soit familiale ou institutionnelle commence par une prise de conscience collective.
Accompagnement des professionnels
«La maltraitance dépasse par ailleurs le cadre familial pour atteindre - sous des formes différentes - nos établissements de santé, du social et du médico-social. Comment accepter que les plus vulnérables d’entre nous puissent être victimes de maltraitance dans ces lieux du prendre soin » ?, interroge le président de la Haute Autorité de santé. «Le plus souvent, ces situations ne sont pas intentionnelles. Elles résultent plutôt de dysfonctionnements organisationnels ou de négligences : nous parlons alors de maltraitance institutionnelle. Il ne s’agit pas d’accabler les professionnels qui exercent leur métier dans un contexte difficile, mais au contraire de les accompagner et de les sensibiliser pour prévenir ce risque».
La HAS détaille des propositions concrètes à mettre en place cette fois dans les établissements : «Pour mettre en oeuvre une culture de la bientraitance, il s'agit également de personnaliser l’accueil, le séjour et l’accompagnement» des personnes, souligne la HAS qui pousse par exemple à informer les usagers et les proches de leurs droits, de leurs possibilités d’actions pour prévenir les situations et alerter. «À leur arrivée, il s’agit de les informer du fonctionnement de l’établissement, des personnes à contacter en cas de problèmes et des numéros d’alertes». Chaque établissement devrait désigner «au moins un référent interne et un référent externe en bientraitance, sans lien hiérarchique avec les professionnels, chargés de veiller au respect des droits des usagers et d'accompagner le personnel dans la détection et la gestion des situations à risque».
Traçabilité et démarche à suivre
Comment prévenir la maltraitance ? En commençant par «surveiller les signaux d'alerte».
«Certains moments sont plus à risques et doivent faire l’objet d’une vigilance particulière (moments de transition comme les nuits, week-ends, vacances, les retours d’hospitalisation des personnes accueillies, les toilettes et changes des personnes, l’annonce d’un diagnostic, les situations de fin de vie…)». La HAS insiste sur la mise en place de process clairs. «Le personnel doit être formé pour repérer ces risques ainsi que les signaux d’alerte. Tout signal doit être pris au sérieux et transmis à la hiérarchie puis tracé dans le dossier de la personne accueillie. À partir de ce diagnostic, un plan d’actions préventives doit alors être établi, en associant les représentants des usagers». Leurs alertes seront notamment prises en considération.
La HAS souligne par ailleurs le rôle majeur de la direction et de l’encadrement en matière de prévention de la maltraitance institutionnelle et l’invite à établir, avec l’aide des référents bientraitance et des cadres, un diagnostic des risques liés à l’établissement (problèmes de ressources humaines, absence d’instance de représentation des personnes, politique de formation insuffisante ou inadaptée…).
+ 35% de signalements concernant les adultes dans les familles depuis 2016
Les signalements de maltraitance intrafamiliale envers les personnes majeures ont progressé de 35 % depuis 2016, avec une accentuation depuis la crise de la Covid-19 et les périodes de confinement. Les femmes en sont les principales victimes, qu’elles la subissent en tant que conjointe, personne âgée ou en situation de handicap ou mère. Même si ce phénomène reste complexe à repérer, de plus en plus de parents sont en effet violentés par leurs enfants, adolescents ou jeunes adultes. Parallèlement, la maltraitance dans les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, et plus particulièrement la maltraitance institutionnelle, est également un sujet tabou.
source : Les violences intrafamiliales non conjugales enregistrées par les services de sécurité en 2021 - Interstats Analyse N°55
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