A l'occasion de la Journée internationales des aides-soignants, il n'y a pas que le groupe des Ni Bonnes, Ni Nonnes, Ni Pigeonnes qui veut marquer le coup (cf. encadré "Un happening sur le parvis de La Défense !"), Anik, cadre de santé, s'adresse à eux. Une exhortation à exister, à défendre et à valoriser leurs compétences et surtout à le faire savoir !
Depuis de nombreuses années, j’ai eu l’occasion de vous côtoyer, de vous recruter pour certains, de cadrer vos missions, de vous encadrer, et parfois de vous recadrer. En tant que cadre de proximité, et manager d’équipe, (on ne dit pas encore N + 1 !), c’était aussi mon job...
Tous ces encadrements, ça peut donner l’impression d’être un peu à l’étroit, mais ne dit-on pas aussi « un cadre rassurant » ? Ça pose les limites, ça met des garde-fous, en quelque sorte.
Lors des réunions de transmissions, puis plus tard, des formations, rencontres de réflexion sur vos pratiques soignantes, je vous ai poussé dans vos retranchements parfois, (vous aussi d’ailleurs), c’était utile, nécessaire, ça l’est toujours et ça le restera, heureusement pour les personnes qui nous sont confiées. J’ai beaucoup appris de ce « matériau » humain fait d’expériences multiples et je vous en remercie.
Oui les temps sont difficiles, les budgets de plus en plus contraints et vos conditions de travail ne sont pas idéales, loin de là. Il est bon de prendre soin de ceux qui le font au quotidien.
Un happening sur le parvis de La Défense !
Le collectif Ni Bonnes Ni Nonnes Ni Pigeonnes organise une journée d'action nationale et lance un appel au secours à l'occasion de la journée internationale de l'aide-soignante afin de dénoncer la dégradation constante des conditions de travail , de la sécurité et de la qualité des soins. Il alerte ainsi sur la mise en danger des soignés. Le rendez-vous est fixé à 14 heures le 26/11/2013 sur le Parvis de la Défense à Puteaux (92). Tous les soignants s'allongeront dans des sacs de déchets d'activité de soins à risque infectieux (sacs DASRI), symbole du mépris des pouvoirs publics face à leur situation.Le Collectif NB3NP appelle à une mobilisation massive des citoyens face a la politique de santé publique basée sur l'unique rentabilité que mène le gouvernement !
Invisibles...
A de nombreuses reprises, vous avez évoqué le fait que vous n’êtes pas écoutés, reconnus, valorisés, que parfois même, à domicile notamment, ON ne vous voit pas, ON ne lit pas vos transmissions, ON ne tient pas compte de vos suggestions, de vos demandes, à savoir :
- les patients ne sont pas correctement soulagés de leur douleur physique ;
- le matériel n’est plus ou pas adapté pour des soins de bonne qualité et le confort des patients (et le vôtre aussi) ; en aparté : il est écrit nulle part qu’il faut rester debout pour faire un bain de pieds, ou pour raser un patient au fauteuil, qui, si vous êtes assis face à lui, pourra vous regarder, sourire, répondre à votre sourire, avoir moins mal à la nuque, vous sera au final très reconnaissant de ce moment privilégié d’intimité … ce n’est pas interdit, c’est juste du bon sens, et même plutôt recommandé pour vous et la personne qui requiert que vous soyez centré sur elle ;
- la famille ne vous procure pas le minimum pour faire en sorte que les personnes puissent « être propres avec des téguments soignés » : vous vous sentez de moins en moins considérés, on ne vous remercie pas ou plus…
- ... la liste pourrait être longue et vous pourrez la compléter à l’envi.
Quand vous parlez de vous, et cela arrive souvent, vous dites :
- oui, mais ON n’est QUE aide-soignant, ON ne nous écoute pas ;
- oui, mais « les gens » nous traitent de laveuses, de toiletteuses, voire pire (que je ne peux pas écrire) ;
- oui, mais vous, vous êtes infirmière… les gens ne sont pas pareils avec vous (c’est vrai, mais c’est aussi le cadre de proximité qui ouvre grand son parapluie pour vous éviter l’averse quand elle survient, à condition qu’il assume ses responsabilité et s’engage aux côtés de son équipe) ;
- ... là aussi, vous pouvez en ajouter d’autres tout aussi poétiques.
Or, vous êtes des professionnels de santé, exerçant certes par délégation et sous l’autorité des infirmières, mais il est important que vous puissiez vous affirmer dans cette « chaîne » d’organisation des soins auprès des patients, résidents, usagers…
Et pourtant autant indispensables que précieux...
Demandez-vous qui détient une excellence, voire une expertise en soins de nursing, en mobilisation douce, en utilisation des lève-personnes, en enfilage de bas de contention (pfff…), en shampoing au lit (sans qu’une goutte d’eau ne tombe au sol, bien souvent), en rasage mécanique sans coupure avec l’après-rasage et la crème de soins en supplément gratuit, en écoute attentive quotidienne, en repérage des signes douloureux… C’est l’infirmier ? C’est le kiné ? C’est le médecin ?
Chers aides-soignants, n’acceptez plus de vous laisser traiter « d’aides-soins », pourquoi ce diminutif est-il si souvent employé ? Chers collègues infirmiers, chers étudiants infirmiers, faites, s’il vous plaît, l’effort d’une syllabe en plus pour nommer justement les soignants qui travaillent avec vous. Il me semble que ce vocable est suffisamment beau pour mériter de ne pas être tronqué.
Chers aides-soignants, votre responsabilité est aussi engagée et je vous invite à y réfléchir :
- ne faites pas de cas particuliers, une généralité (à la SNCF, il y a aussi des trains qui arrivent à l’heure, et tous vos patients/familles ne sont pas insupportables avec vous) ;
- utilisez les outils à votre disposition : carte professionnelle, livret d’accueil qui décrit vos missions, cahiers de transmissions ;
- pensez à porter toujours des tenues adaptées, ongles courts, cheveux attachés, hygiène irréprochable, pas ou peu de bijoux, même à domicile… pensez aussi que les odeurs (parfum, tabac…) peuvent incommoder les patients dont vous vous occupez : vous êtes des professionnels du soin, et les détails comptent tous les jours ; pensez que tous les vieillards ne sont pas sourds, et que le ton de votre voix est déterminant dans la qualité des soins que vous prodiguez ;
- veillez à toujours être dans la présence juste, sans tomber dans le « tout émotionnel » qui va au mieux vous faire fuir pour éviter les situations difficiles, au pire vous faire endosser un fardeau de culpabilité : les patients et leurs familles ne sont pas nos parents, nos papys, nos mamies… même si vous les soignez, non seulement avec respect, mais aussi avec amour ;
- acceptez de « passer la main » quand vous êtes en difficulté avec une personne ou son entourage ;
- ne vous sentez pas ou plus coupables de n’être pas des « bons soignants » quand vous n’avez pas réussi à « laver entièrement » un patient : attention à « l’acharnement hygiénique » ;
- ne vous sentez pas ou plus coupables que des patients, malgré vos demandes réitérées, vos transmissions, vos remontées d’informations, ne soient toujours pas soulagés et confortables ;
- imposez-vous dans la bonne humeur et avec le sourire, en vous présentant avec votre titre et votre appartenance, si par hasard d’autres intervenants ont tendance à ne pas vous voir au domicile ou ailleurs (vous n’êtes pas QUE…) ; nous avons tous besoin les uns des autres, c’est tellement une évidence qu’il faut redire souvent ;
- exprimez-vous à l’oral (pourquoi tant de cadres ont mis en place des groupes de parole avec intervenant extérieur et déplorent que ces espaces de réflexion ne soient pas plus investis par les professionnels ?) ;
- exprimez-vous, transmettez à l’écrit avec des outils adaptés à vos pratiques, en veillant à utiliser un vocabulaire professionnel simple et adopté par tous, même si vous avez peur de vos carences en orthographe ; là n’est pas l’essentiel ;
- profitez de toutes les opportunités qui vous sont offertes de grandir en compétences, même après 20 ans « de maison » : par définition, jamais une compétence n’a de fin (J. Dewey) ; vous êtes en mesure de penser, de réfléchir sur vos pratiques et de les améliorer et pas seulement d’exécuter des taches au jour le jour : c’est cela qui donne du sens à ces taches souvent décrites comme ingrates.
"Mais comment tu fais pour faire ce métier-là" ...
Une aide-soignante me disait avoir été choquée lors d’une réunion de famille par une remarque : mais comment tu fais pour faire ce métier-là ?
Ce genre de phrase est totalement inacceptable : ce métier-là, c’est celui qui consiste à prendre soin, avec ses mains, du plus faible et du plus vulnérable d’entre nous, celui qui ne peut plus le faire, et qui est réduit « se laisser torcher par des mains de femme » comme l’écrivait si bien Claude Pujade-Renaud (Le sas de l’absence). Enfin, utilisez, sollicitez votre chef, pressez votre cadre, votre N + 1, (il est là pour ça, pas seulement pour se casser la tête avec votre planning), ne restez pas seul dans vos doutes et vos inquiétudes.
Merci à vous, chers aides-soignants !
Anik HOFFMANN
Ancienne responsable de SSIAD, formatrice, consultante cadres en mission
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